Boulogne, 30 mai 2023
Les années ont passé… comme un rêve ! Me voilà en 1981 !
Entretemps, j’ai changé de boulot et de boîte. Mais, je suis resté, toujours, dans l’exportation, cette fois-ci des produits chimiques.
Mais, quand j’ai pu choisir les zones dont j’allais m’occuper, je n’ai pas oublié mon « faible » pour le Moyen-Orient ! En le « partageant » avec un autre « chouchou » : l’Amérique Latine !
Bientôt, les ventes dans la zone « Moyen-Orient » sont devenues si importantes, que j’ai dû abandonner, pendant quatre ans, l’Amérique Latine, pour ne me concentrer que sur la Méditerranée orientale.
Et, bien sûr, l’Egypte est devenu mon « pays phare » !
Au grand désespoir des « princes qui gouvernaient » notre société, une filiale du premier groupe français, Elf-Aquitaine, qui n’avaient « les yeux de Chimène » que pour l’Extrême-Orient. Sans vouloir comprendre que « quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera » !
Et pourtant, certains, et pas des moindres, l’ont dit et écrit il y a cinquante ans !
Comme, malgré tout, l’Egypte était devenue le premier marché de notre département, j’en ai bien profité pour y revenir tous les ans, quelquefois même deux fois par an, en fonction du calendrier des appels d’offres, mais, surtout, pour finaliser mon « programme touristique » bien concocté à l’avance !
J’ai eu l’occasion d’aller, plusieurs fois, sur la côte orientale de l’Egypte, sur la mer Rouge, comme sur la côte méditerranéenne, Alexandrie, El-Alamein, Marsa-Matrouh, aussi bien qu’au long de la Vallée du Nil.
Entre autres, j’ai passé un long week-end en voiture avec chauffeur, entre Minia, Louxor et Assouan, rien que sur la rive ouest du grand fleuve, en visitant TOUS les temples pharaoniques.
Je me souviens que le chauffer ne parlait que deux ou trois mots d’anglais. Mais, pendant six heures, j’ai eu droit à la musique égyptienne, répandue « à pleins poumons » par le haut-parleur de sa voiture !
Eh, bien ! J’ai aimé ça ! La musique « collait » au paysage, à la chaleur ambiante, aux fellahs qui travaillaient la terre, aux palmiers et aux buffles qui pataugeaient dans les eaux boueuses des canaux…
J’étais devenu « un vrai égyptien » ! Pardon ! « Un vrai pharaonique ! », comme aiment s’auto-désigner les habitants du pays de Ramsès !
* * *
En 1981, j’ai décidé de revenir au « Pays de Koush ».
Cette fois-ci avec d’autres moyens qu’en 1974 ! Et… aux « frais de la princesse » !
J’ai visé un long week-end et je me suis envolé vers Assouan. Mais, d’abord, j’ai négocié avec l’une des multiples agences de voyage que je connaissais bien, pour obtenir une facture qui incluait le prix du vol dans celui de l’hôtel, sans le spécifier clairement !
Bien visé ! Au retour, le directeur du département a demandé un audit sur les notes de frais des chefs des ventes. Pour moi, il a tiqué en voyant un hôtel à Assouan, mais que ce soit au Caire ou ailleurs, il fallait bien que je couche quelque part ! Donc, il n’a pu rien dire !
De toute façon, les prix en Egypte étaient si ridiculement bas que l’on ne pouvait même pas les comparer… avec ceux de l’Extrême-Orient. Tant mieux pour moi !
A mon précèdent passage, en 1974, je m’étais renseigné sur l’origine du nom de mon hôtel : « Kalabsha »
Ainsi, j’ai découvert qu’il correspondait à un temple pharaonique… dont personne ne parlait !
« Le temple de Kalabsha (également temple de Mandulis) est un ancien temple égyptien qui était à l’origine situé à Bab al-Kalabsha (porte de Kalabsha), à environ 50 km au sud d’Assouan.
Dans les années 1960, le temple a été déplacé dans le cadre de la Campagne internationale pour sauver les monuments de Nubie et inscrit sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 1979, avec d’autres exemples exceptionnels d’architecture nubienne, notamment Abou Simbel et Amada.
Le temple était situé sur la rive ouest du Nil, en Nubie, et a été construit à l’origine vers 30 avant J.-C. au début de l’ère romaine. Construit sous le règne d’Auguste, il n’a jamais été terminé. Le temple était un hommage à Mandulis (Merul), un dieu solaire de la Basse-Nubie.
Il a été bâti sur un ancien sanctuaire d’Amenhotep II.
Le temple mesure 76 m de long et 22 m de large.
Alors que la structure date de la période romaine, elle présente de nombreux reliefs raffinés tels que “une belle sculpture d’Horus émergeant de roseaux sur le mur-rideau intérieur” du temple.
Depuis les “chambres du sanctuaire de Kalabsha, un escalier mène au toit du temple” d’où l’on peut admirer la vue splendide sur le temple lui-même et sur le lac sacré.
Plusieurs documents historiques ont été inscrits sur les murs du temple de Kalabsha tels que “une longue inscription sculptée par le gouverneur romain Aurelius Besarion en 250 après J.-C., interdisant les cochons dans le temple” ainsi qu’une inscription du “roi nubien Silko, sculptée au 5ème siècle et enregistrant sa victoire sur les Blemmyes et une image où il est habillé en soldat romain à cheval.”
Silko était le roi chrétien du royaume nubien de Nobatia.
Lorsque le christianisme a été introduit en Égypte, le temple a été utilisé comme église. En 1819, le voyageur Joseph de Senkowsky mentionne une variété de peintures représentant des saints chrétiens, parmi lesquels Jean-Baptiste.
Avec l’aide de l’Allemagne, le temple de Kalabsha a été déplacé après la construction du Haut barrage d’Assouan, [quand ?] pour le protéger de la montée des eaux du lac Nasser.
Le temple a été déplacé vers un site situé juste au sud du Haut barrage d’Assouan. Le processus de déplacement du temple a pris plus de deux ans.
Le temple de Kalabsha étant le plus grand temple autonome de Nubie égyptienne (après Abou Simbel, qui était taillé dans la roche, et non autoportant) à être déplacé et érigé sur un nouveau site.
Bien que le bâtiment n’ait jamais été achevé, il “est considéré comme l’un des meilleurs exemples d’architecture égyptienne en Nubie”.
En 1971, l’Égypte a donné l’une des portes du temple à la République fédérale d’Allemagne en signe de gratitude pour la participation de l’Allemagne au sauvetage des temples nubiens. Depuis 1977, la porte est située dans l’annexe du Musée égyptien de Berlin à Berlin-Charlottenburg.
La porte sera déplacée pour devenir l’entrée monumentale de la quatrième aile du musée de Pergame à Berlin, qui est actuellement [quand ?] en cours de construction. »
Sans connaître tous ces détails, j’ai décidé d’aller voir de plus près ce temple « inconnu » et pourtant si énorme !
C’était, aussi, l’occasion de passer en voiture sur le Haut-Barrage. Mais, ceci demandait une autorisation spéciale.
Le prétexte de la visite du site pour « un grand spécialiste de l’antiquité pharaonique », comme je me suis présenté, a été suffisante !
Toujours le « je m’en fout »-isme égyptien ! Le « Mafish!* », que j’aimais tant.
* « Il n’y a pas ! »
Mais, ce n’est que quelques 40 ans plus tard, en étudiant l’art et le style des monuments du « Pays de Koush », que j’ai découvert que ce temple est listé parmi les plus représentatifs de cette civilisation !
Eh, oui ! Tout comme Monsieur Jourdain, je faisais de la prose sans le savoir ! Ce qui me console, c’est que bon nombre de « spécialistes » étaient dans mon cas, à l’époque !
Pour ce qui est de la visite du temple de Kalabsha, à part le site magnifique, où je suis entré « comme dans un moulin » sans rencontrer âme qui vive, je n’ai pas vu grand-chose !
Toutes les sculptures, bas-reliefs, frises, inscriptions… étaient décomposés en morceaux et enfermés dans des caisses à clairevoies en bois, entreposées sur le site, probablement en vue d’un transport ou montage ultérieur.
Mais, le portail unique, devant le temple, impressionnant par ses dimensions, même inachevé, donnait un clair aperçu de la majesté recherchée par les bâtisseurs d’il y a… quelques milliers d’année.
L’on ressentait presque leur présence et le souffle de l’histoire qui passait !
* * *
Le temple d’Abou Simbel était toute autre chose !
Cette fois-ci, riche des expériences du passé, j’ai décidé de m’y prendre autrement !
Le but de la manip était de profiter au maximum du site et du temple.
C’est pour ça que j’ai décidé de ne pas passer par un « group-operateur », mais d’organiser moi-même le voyage.
Le principe des agences de voyage est qu’ils amènent un groupe de touristes en avion d’Assouan à Abou Simbel. Ici, ils disposent d’une heure pour visiter le site, puis ils reviennent avec le même avion, qui les a attendus. A cette époque, il y avait trois ou quatre rotations par jour.
Moi, j’ai décidé de prendre un vol en début d’après-midi et de repartir avec le dernier vol du soir. Ceci me permettait non seulement d’assister au coucher du soleil, face au temple, mais, surtout, de rester seul sur le site un bon bout de temps, en attente de la rotation suivante. Et, ainsi, éviter la foule, qui se presse dans l’étroit couloir d’accès au « saint des saints ».
Être seul, face-à-face avec le grand Ramsès est un rêve de roi ou de président de la République ! Et encore !
Je me réjouissais, déjà, à l’idée de la qualité des photos que j’allais faire. Sauf que, une fois dans l’avion, je me suis aperçu que j’avais oublié les pellicules préparées d’avance et qu’ils ne me restaient que deux ou trois photos dans celle de l’appareil !
J’étais sûr et certain que, dans un endroit aussi touristique, je trouverai toutes les pellicules souhaitées. Vue de l’esprit !
En dehors de bouteilles d’eau, à un prix de « ouf », il n’y avait RIEN à vendre sur l’un des sites les plus touristiques au monde !
Que faire ? Rien ! C’est le destin !
Après le premier moment de panique, je me suis dit que maintenant aucune contrainte ne m’empêchera de jouir pleinement de la beauté du site. Je me suis assis à l’ombre d’un sycomore nain, juste en face des deux temples voisins et… j’ai attendu le départ des touristes.
J’ai passé ainsi, devant MES temples un très, très long moment. Combien de temps ? Qui le sait ? Peut-être le Grand Ramsès II ! Mais, j’ai vu les ombres s’allonger, la lumière du soleil s’adoucir, la chaleur du jour s’atténuer.
Alors, j’ai décidé qu’il était temps d’entrer dans le sanctuaire.
En m’approchant, j’ai remarqué un éclat de soleil au pied d’une statue. Je me suis penché et… miracle ! C’était une bobine de pellicule photo, exactement comme les miennes ! Mais, celle-ci était déjà impressionné, rentrée dans sa boîte de métal.
Ce serait un don du ciel ? Ou, tout simplement, une pellicule oubliée par un touriste du groupe qui venait de quitter le site ?
J’ai mis près de 3 mois avant de le savoir !
Parce que, mon voyage au Moyen-Orient a duré six semaines de plus. Puis, en arrivant à Paris, j’ai envoyé toutes mes pellicules à développer chez KODAK.
Comme le payement du développement était effectué d’avance, j’ai attendu impatiemment l’arrivée du courrier avec mes quelques 1000 photos.
Ça a pris 6 semaines ! Une très longue grève de la poste française !
A partir de ce jour, je n’ai plus jamais pris des pellicules payées d’avance ! J’ai compris que, si le laboratoire attend le règlement, il se débrouille pour trouver un circuit rapide !
Déjà, la « combine et la magouille » !
* * *
Quand j’ai reçu, après une si longue attente, les photos développées de la « pellicule tombée du ciel », j’ai découvert qu’elle contenait exactement ce que je souhaitais prendre comme images à Abou Simbel : les temples, le sanctuaire, les statues, les inscriptions…
Sauf une ou deux images avec quelques personnes du groupe des touristes, pas un seul « gros-plan », pas une photo d’être humain ! J’imagine la rage de celui ou celle qui ont pris ces photos !
A moins que… ce soit la main de Ramsès le Grand ou celle de son épouse, Néfertari ! Je pencherai, plutôt, en faveur de cette dernière : je me suis toujours mieux entendu avec les représentantes du « beau sexe » !
Mais, la listes de mes « surprises du jour » ne s’arrêtait pas là !
J’attendais avec une certaine impatience le bruit des moteurs de l’avion qui allait me rapatrier à Assouan. L’avion fait toujours un tour autour du site, pour permettre aux passagers des deux côtés d’admirer l’ensemble des temples et le magnifique travail de ceux qui les ont installés sur un site totalement désertique.
Rien à l’horizon !
Alors, un peu inquiet, je suis allé me renseigner. Impossible de trouver quelqu’un parlant anglais ! Mais, derrière l’énorme masse du temple, j’ai aperçu une petite porte métallique.
A ce point de mon récit, je dois ajouter quelques explications techniques !
Mon explication est facilitée et confirmée par un texte écrit par Simon Chernier et publié par le Figaro, qui dit :
« Le sanctuaire de Ramsès le Grand n’a en effet pas été niché contre une nouvelle montagne, mais installé sur un plateau. Des ingénieurs démiurgiques l’ont recouvert de collines artificielles. Ce pur décor évoque un plateau de cinéma, l’arrière brut d’une attraction foraine. Les visiteurs n’y voient que du feu et admirent de bonne foi cette monumentalité aussi faste qu’antique.
L’envers des lieux se dissimule par une porte dérobée en bois, vissée par un cadenas. La caméra, enfin, pénètre dans les coulisses interdites au public. Un couloir nu se trouve de l’autre côté. Plus aucun hiéroglyphe n’égaye les murs de cette partie du complexe touristique. Une seconde porte en métal garde l’entrée vers les entrailles de ces collines artificielles : la montagne creuse se révèle être une coquille à l’armature métallique. Elle pèse 600 tonnes. »
Eh, bien ! Moi, j’ai vu ces « entrailles ». Parce que, ce n’est qu’à cet endroit que j’ai trouvé un employé qui parlait anglais, très étonné de me voir ici.
Quand je lui ai expliqué mon histoire, il m’a dit :
« On n’aurait pas dû vous vendre une billet pour deux rotations différentes! La preuve est qu’il y a une tempête de sable à Assouan et nous ne savons pas si le dernier avion du jour arrivera ou pas ! »
« Et moi ? Qu’es que je vais devenir ? »
« S’il n’y a pas de vol, vous allez coucher ici. Et reprendre un vol… demain. »
J’avoue que cette possibilité ne me souriait pas trop. J’aurais préféré passer la nuit au « Old Cataract » !
Enfin ! Pour la faire courte, l’avion est arrivé, avec très peu de touristes, et moi j’ai pu retourner à Assouan… « sain et sauf » ! Je me demande, encore aujourd’hui, si vraiment il y a eu une tempête de sable ?
Le comble c’est que, la même année, mon père a vécu la même aventure. En voyage à Abou Simbel, seul à 75 ans, il a tellement traîné pour prendre « une dernière photo », qu’ils l’ont oublié au départ du vol.
Il a dû attendre le suivant, temps pendant lequel les bédouins du coin lui ont offert le thé et invité à se reposer dans leur cahute !
Ces chers égyptiens !
A suivre…
Adrian Irvin ROZEI
Boulogne, mai 2023
Passionnant