Un cadeau tombé du ciel ! (III)

Voici le moment venu pour rappeler ce qu’est « l’Athénée Roumain », que j’ai mentionné, déjà, plusieurs fois dans mes textes.

Comme, par exemple :

Daţi un RON pentru Ateneu! | ADRIAN ROZEI et

Dați un leu pentru Ateneu !* | ADRIAN ROZEI en roumain.

Pour ceux qui ne connaissent pas la capitale de la Roumanie, voici quelques informations à ce sujet :

« L’Athénée roumain (en roumain : Ateneul Român), est une salle de concert située dans le centre-ville historique de Bucarest, sur la Calea Victoriei et la Place George Enescu. L’Athénée roumain fut inauguré en 1889. L’Orchestre philharmonique George Enescu y présente des concerts et le Festival international de musique « George Enescu » s’y déroule en partie chaque année…

Le bâtiment a été conçu par l’architecte français Albert Galleron dans un style néoclassique avec des touches romantiques. L’édifice fut construit sur les fondations d’un ancien manège équestre ayant appartenu à la famille Văcărescu, d’où la forme de rotonde de l’auditorium. Juste en face, s’étend un jardin public avec la statue du poète Mihai Eminescu 

L’auditorium, coiffé d’une coupole à 41 mètres de hauteur, offre un parterre de 600 places assises et 52 autres dans des loges. L’entrée principale donne dans un vaste patio circulaire d’apparat, entouré d’une lignée de douze colonnades formant un péristyle donnant accès à plusieurs escaliers d’honneur vers la salle de concert située au-dessus. » 

Voici le cadre où a débuté ma passion pour la musique classique !

On y relève « la forme de rotonde de l’Auditorium ». Tout comme « la mandarine » de la Seine musicale ! 

C’est dans cette salle, si chère à mon cœur, que j’ai assisté, semaine après semaine, aux concerts de l’Orchestre Philarmonique « George Enescu ».

Raconter toutes les histoires liées à cet endroit « mythique » … est impossible !

J’aimerais, quand-même, vous conter la plus mémorable : 

C’était en 1958, à l’occasion du premier Festival International de musique « George Enescu », trois ans seulement après son décès à Paris, où il est enterré encore aujourd’hui, au « Cimetière du Père Lachaise ». 

Selon une vieille tradition roumaine, les étudiants avaient accès, gratuitement, aux répétitions de l’Orchestre Philarmonique. Je suis allé pour le « concert phare », celui dont le soliste était l’immense violoniste russe David Oïstrakh, sous la baguette du grand chef-d ’orchestre Roumain George Georgescu. 

A notre grande surprise, après une partie de la répétition, on nous a demandé de… quitter la salle ! Grand « branle-bas de combat » dans le (petit) monde de la musique !

Nous n’avons eu l’explication que le lendemain, à la télévision, quand nous avons découvert, après la fin du concert interprété par le génial soliste, au moment des « encore », apparaître, se tenant par la main, David Oïstrakh et… Yehudi Menuhin !

Ils ont joué ensemble, bien sûr, le Double Concerto de Bach ! 

Vidéos Bing Bach Double Violin Concerto – Yehudi Menuhin and David Oistrakh. 

A l’époque, on nous a dit que « c’était la première fois que les deux grands violonistes jouaient ensemble » !

Je ne sais pas si c’était vrai. Mais, je sais qu’ils avaient eu, tous les deux, énormément de liens avec George Enescu :

-Yehudi Menuhin a été son élève.

Menuhin joue sous la baguette d’Enescu

-pour David Oïstrakh, Enesco a écrit la cadence d’un concerto pour violon (Concerto pour violon en ré majeur, Op. 35 de Tchaïkovski) afin de mettre en valeur son talent exceptionnel. 

Oïstrakh et Menuhin à Moscou

C’est pour « ménager la surprise », que la salle a été libéré pendant la répétition de la veille ! Et RIEN n’a « transpiré », donc la surprise fût totale !

Enescu et Menuhin en train de déchiffrer une partition

Trois ans plus tard, à l’occasion du deuxième Festival, je suis allé, avec un petit livre, qui contient le parcours de la vie de George Enescu, y compris des images de l’évènement précédemment décrit, et j’ai obtenu de la part de David Oïstrakh un autographe… sur la photo de 1958 !

La voilà ! 

C’est toujours sur ce petit livre que j’ai « accumulé » bon nombre d’autres autographes, glanés, surtout, pendant les Festivals qui ont suivi et auxquels j’ai assisté. Certains musiciens, à l’époque débutants, sont devenus des grandes vedettes, …d’autres ont « disparu dans la nuit des temps » ! 

Mais moi, je garde ce souvenir précieux auquel je tiens… comme à la prunelle de mes yeux !

Sauf que, je ne me souviens pas comment j’ai fait pour le sortir de Roumanie, au moment de notre départ en 1967 ! 

Il y a, malgré tout, une histoire que je dois mentionner ici !

Parce que… elle a un lien direct avec mon texte. 

« Le Grand Concert de l’Académie Jaroussky – Promotion Lili et Nadia Boulanger

Les Jeunes Talents vous proposent de conclure l’année de la promotion Lili et Nadia Boulanger par un grand concert avec orchestre. Venez admirer ces jeunes artistes interpréter avec brio les plus beaux concertos et airs d’opéra, témoignant de leur virtuosité, fraîcheur et passion contagieuse.

Présenté par l’Académie Musicale Philippe Jaroussky » 

Ce concert doit avoir lieu le 18 juin 2025… à la Seine musicale. 

Moi, j’ai un souvenir ECRIT avec Nadia Boulanger, qui date de… 1961 !

Il s’agit de son autographe, accordé à l’occasion du Festival Enescu où la grande amie du musicien Roumain et de Yehudi Menuhin, faisait partie du jury. Signature qui se trouve dans le même petit livre, déjà mentionné. 

Pour mémoire :

« Juliette Nadia Boulanger, née le 16 septembre 1887 à Paris et morte le 22 octobre 1979 dans la même ville, est une pédagoguepianisteorganistecheffe de chœurcheffe d’orchestre et compositrice française. Elle est la sœur aînée de la compositrice Lili Boulanger.

Nadia et Menuhin: deux grands amis d’Enescu

Ayant su mobiliser des méthodes et des techniques modernes, Nadia Boulanger a été durant plus de soixante-dix ans l’un des professeurs de composition les plus influents du XXe siècle, comptant parmi ses quelque 1 200 élèves plusieurs générations de compositeurs, tels Aaron CoplandGeorge GershwinMichel LegrandLalo SchifrinAstor PiazzollaQuincy Jones et Philip Glass (pour ne citer que ses élèves américains ou influencés par l’Amérique). Son activité musicale est étroitement liée à celle du Conservatoire américain de Fontainebleau, qu’elle dirige de 1949 jusqu’à la fin de sa vie. »

Je dois ajouter que, en 1967, quand nous sommes arrivés à Paris, nous avons aménagé, à peine quelques semaines plus tard, tout près de la rue Ballu, là où se trouve la résidence de Nadia Boulanger.

Le no 36 de la rue Ballu, devenu le no 3 de la place Lili-et-Nadia-Boulanger, où vécurent les deux sœurs de 1904 à leur mort. Une plaque leur rend hommage.

Donc, elle a vécu tout près de la dernière résidence d’Enescu, dans la rue de Clichy.

Mais, l’autographe de Nadia a été apposé, pas dans l’Athénée Roumain, mais dans la salle des concerts de la Radiodiffusion roumaine, que l’on nomme aussi « Sala Radio ».

« Sala Radio (en roumain pour « Radio Hall ») est une salle de concert du centre-ville de Bucarest. Construit en 1959 et ouvert en 1961, il est bien connu pour son acoustique impressionnante.
Par ailleurs, du point de vue architectural, le bâtiment a une très forte empreinte communiste. À l’intérieur, le bâtiment est exactement comme dans les années ‘70, vous donnant l’impression d’être au milieu d’un régime communiste. »,

selon le commentaire de TripAdvisor. 

Tout ça… c’est bien vrai ! 

Mais, au-delà de l’ambiance « Maison des syndicats » à Moscou en 1956, ce qui aujourd’hui fait « un peu vintage », la salle cache une ambiance chaleureuse, grâce aux murs revêtus de bois clair et du grand orgue impressionnant, qui couvre le haut du mur au fond de la scène. 

Aujourd’hui, le Festival Radiro (également connu sous le nom de « Festival international des orchestres radiophoniques »), qui a lieu entre les éditions du Festival Enescu est l’un des plus grands festivals de musique classique au monde, organisé en Roumanie. Il s’agit du plus grand festival international dédié aux orchestres symphoniques radiophoniques.  

RadiRo en 2016

Dans les années ’60, les concerts de « l’Orchestre symphonique de la Radiodiffusion Roumaine », étaient hebdomadaires, toujours le jeudi, ce qui me permettait d’y assister en dehors des concerts de l’Athénée Roumain, qui avaient lieu le samedi soir et le dimanche matin, avec le même programme. 

Au début, j’allais au concert du samedi soir. Mais, à partir du jour où j’ai commencé à fréquenter les « surboum » de samedi, j’ai échangé ma réservation à l’Athénée Roumain pour dimanche matin.

Même si, quelques fois, j’avais du mal pour arriver au concert… à 11h du matin ! 

Mais, les concerts exceptionnels avaient lieu dans la « Sala Palatului ». 

« Sala Palatului (Sale du Palais de la République) est un centre de conférence et une salle de concert situé à Bucarest, en Roumanie. Elle est située derrière le Palais Royal sur la Calea Victoriei. Il a été construit entre 1959 et 1960 sous le régime de Gheorghe Gheorghiu-Dej. 

La salle du palais a été construite en l’honneur du troisième congrès du Parti. Au fil des ans, elle a accueilli plusieurs conférences importantes, telles que celle organisée par la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe, le Congrès mondial de la population, le Congrès mondial de l’énergie et le Congrès mondial de la Croix-Rouge. 

La salle avait initialement une capacité de 3150 places. En 1982, Nicolae Ceaușescu a ordonné l’augmentation de la capacité à plus de 4000 sièges. Aujourd’hui, la salle principale a une capacité de 4 060 places et est construite en forme d’amphithéâtre, avec un dénivelé maximal de 12 m. La scène a une portée totale de 28 m et une largeur de 15 m. 

Devenue l’un des symboles de Bucarest, elle a également accueilli des dizaines de concerts et d’événements culturels tels que le festival « George Enescu ».

Je dois avouer que je n’aimais et n’aime toujours pas beaucoup la « Salle du Palais » !

On ne retrouve pas ici l’ambiance feutrée et intime « fin de siècle » de l’Athénée Roumain. Ni la fresque, impressionnante, qui retrace « les Grandes Heures » de l’histoire roumaine, depuis la conquête romaine (avec l’empereur Trajan !), jusqu’à la Grande Union et le couronnement du roi Ferdinand et de la reine Marie, en 1922. 

Mais, il faut reconnaître que cette salle est… une prouesse technique !

Une « salle sourde » où la transmission du son est totalement électronique !

Si l’on débranche l’installation acoustique, on n’entend rien à partir de la deuxième ou troisième rangée de fauteuils ! 

Tout au moins, c’est ainsi que je l’ai découverte, au début des années ’60.

J’ai eu la grande chance d’avoir dans ma classe, comme collègue, le fils de l’un des administrateurs de la salle. 

Ainsi, j’ai pu profiter, avec une vingtaine de mes collègues de mon âge, d’une visite privée et de la démonstration des capacités techniques de la salle.

On a commencé avec les tests d’écho, la balance « gauche/droite », le « train qui traverse la scène » etc., etc.

On a continué avec quelques « hits » de l’époque, comme « Retiens la nuit » de Johnny, puis les tubes de Caterina Valente et Vico Torriani (Siebenmal in der Woche).

Mais, le plus grand effet (sur moi !) fit la fameuse chanson de Rita Pavone «Cuore ».   

Vidéos Bing Rita Pavone – Cuore 1963   

Les battements du cœur de la petite Rita, qui n’avait que 18 ans, résonnent encore aujourd’hui dans mes oreilles… et dans mon cœur ! 

Mais, l’apothéose fût, « comme de bien entendu », le « grand finale » de la IX-emme de Beethoven !

C’est en sortant de la salle que j’ai décidé de devenir… ingénieur du son !

Mais, ceci est… une autre aventure ! 

Par la suite, je suis revenu dans la « Sala Palatului » pour d’autres concerts ou spectacles. Parmi lesquels, « Les Trois Mousquetaires », par le « Théâtre de la Cité », qui allait devenir le « TNP – Théâtre National Populaire de Villeurbanne », en tournée à Bucarest. Le metteur en scène était Roger Planchon. J’y ai admiré, aussi bien les grands solistes de la musique pop internationale, comme Gilbert Bécaud, Sara Montiel, Petula Clark, Les Surfs, Domenico Modugno, Marino Marini, Remo Germani etc. 

Surtout, j’ai assisté aux concerts des grands noms de la musique classique, tel que Isaac Stern ou Sviatoslav Richter, pour lesquels la salle de l’Athénée n’aurait pas suffi. Dans ces cas, on payait un léger supplément, l’équivalent de 2 ou 3 Euro d’aujourd’hui ! 

Le souvenir le plus inoubliable pour les concerts de cette salle, est le « coup » de Herbert von Karajan !

Encore une fois, j’étais dans la salle sans payer, en tant qu’étudiant, autorisé à assister à la répétition générale du maestro allemand, qui allait diriger l’Orchestre Philarmonique de Berlin, en tournée à Bucarest. 

Après une quinzaine de minutes de répétition, von Karajan est descendu dans la salle, s’est installé au deuxième rang et a laissé l’orchestre jouer seul… pendant une dizaine de minutes ! 

L’interprétation fût parfaite !

Apparemment, l’orchestre connaissait si bien les intentions du maître, que celui-ci a choisi d’écouter le résultat tel qu’entendu par les spectateurs ! 

Alors, je me suis souvenu d’une anecdote qui circulait dans le monde de la musique, à cette époque :

« Deux amis se rencontrent dans les rues de Vienne. L’un d’entre eux est violoniste à la Philarmonique de Vienne.

Son ami lui dit : « J’ai appris qu’il y a un nouveau jeune chef d’orchestre, qui débute chez vous la semaine prochaine. »

« C’est exact ! », répond le violoniste.

« Qu’est qu’il dirige ? », demande l’ami.

« Je ne sais pas. Nous on joue la Cinquième de Beethoven ! »

 

A suivre…

Adrian Irvin ROZEI

Boulogne, mars 2025

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