Un automne de porcelaine…(III)

Paris, le 10 septembre 2022

Le passage par le Bd. Saint-Denis, nous permettait de traverser le Bd. de Strasbourg au carrefour « Strasbourg-St. Denis ». C’était, aussi, le nom d’une station de métro fort pratique pour aborder la traversée de Paris.

Nous on revenait régulièrement à cet endroit parce que c’est ici que se trouvait, et s’y trouve encore, l’agence L 412 du « Crédit Lyonnais ». Dont l’adresse officielle est « 9, Bd. Saint-Denis ».

Nous on entrait par la porte du Bd. de Strasbourg. C’est dans cette agence que mon père a ouvert un compte, qui portait le no. 58974/C, devenu, par la suite 200933B. Je retrouve toutes ces informations grâce à ses carnets d’adresses des années ’60-’70, que j’ai gardé scrupuleusement.

On avait choisi pour ouvrir un compte bancaire, le « Crédit Lyonnais » parce que… c’était le seul nom de banque à résonnance connue pour nos oreilles !

Moi, je n’étais pas titulaire du compte, puisque j’étais encore mineur.

En vérité, je suis devenu « majeur » deux fois dans ma vie :

  • une première fois en Roumanie, à l’âge de 18 ans,
  • et une deuxième fois, en France, à l’âge de 21 ans !

Entre les deux, j’ai été « déclassé » pendant 3 mois !

Bien sûr, dès que j’ai fêté les « retrouvailles » de ma majorité, je me suis dépêché d’ouvrir un compte… toujours au « Crédit Lyonnais », mais à Saint-Etienne. Au grand désespoir de ma mère, quand elle a appris que j’étais le possesseur d’un chéquier. Elle craignait que je ne succombe à la tentation de faire « des dépenses inconsidérées ».

Je vous jure qu’en 55 ans je n’ai jamais donné un seul chèque sans provision !

Et pourtant, à mes débuts, je ne roulais pas sur l’or !

Les premiers 100FF, offerts si généreusement par M. Pierre Servain, dont j’ai parlé précédemment, ont été dépensé vite « avec parcimonie et bon escient ». J’ai acheté, d’abord, dans une boutique d’électro-ménager des Halles, un poste de radio à transistors pour la somme de 60FF.

Ce poste m’a permis de suivre, jour après jour, les nouvelles, mais, surtout, les programmes culturels. J’ai écouté, pendant plusieurs années, les émissions de Christian Barbier sur Europe 1, dans « La nuit est à nous » ou « Barbier de nuit ».

Si la majorité des auditeurs des programmes de Christian Barbier se souviennent de son jingle « Where the rainbow ends », moi, j’ai retenu l’annonce de son programme qui reprenait un morceau de l’air de Figaro « Largo al factotum » de l’opéra « Le Barbier de Séville », qui disait « Ah, che bel vivere, che bel piacere, che bel piacere per un barbiere di qualità, di qualità! ».

Je ne peux pas oublier les soirées de première à l’Olympia, commentées par « le Barbier di qualità! » pendant lesquelles j’ai découvert ou réentendu tant de vedettes de la chanson.

Je me souviens, en particulier, de la première de Barbara et de la présence sur scène, pour une seule chanson « La longue dame brune » de Georges Moustaki, encore peu connu du grand public. Ce qui m’a décidé d’aller la voir et écouter sur scène, quelques mois plus tard, à l’occasion de son passage à Saint-Etienne.

Toujours accompagné par Moustaki, comme me l’a confirmé, il n’y a pas si longtemps, Roland Romanelli, son pianiste. 

Pour revenir à mon pécule d’il y a 55 ans, j’ai investi 10FF dans une place au concert de Charles Aznavour, toujours à l’Olympia.

J’en ai parlé de la manière suivante dans un texte intitulé :

Non, je n’ai rien oublié…

« Puis, j’ai décidé d’aller à « l’Olympia » pour assister au spectacle de Charles Aznavour. Mais, j’ai pensé qu’il ne faudrait pas dépenser plus de 10 Francs.

Ça tombait bien, les places les moins chères étaient vendues à 9,50 FF ! Bien-sûr, tout en haut de la salle.

J’ai pris 10 FF avec moi et je suis parti. Mais, pas avant de m’endimancher, en mettant mon plus beau (et seul !) costume. Que j’avais fait faire, sur mesure, avant notre départ de Bucarest. 

…Le cœur léger et le bagage mince
J’étais certain de conquérir Paris
Chez le tailleur le plus chic j’ai fait faire
Ce complet bleu qu’était du dernier cri… 

Mon costume n’était pas bleu, mais gris ! 

Mon complet bleu y’a trente ans que j’le porte. 

Moi, je l’ai porté, pas trente ans, mais bien quatre, jusqu’à mon premier salaire d’ingénieur. Ensuite, j’ai commencé à acheter mes costumes chez « Burberry » (en solde !). Et même si je ne peux pas dire que… 

…Je n’ai connu que des succès faciles
Des trains de nuit et des filles à soldats.
Les minables cachets, les valises à porter,
les p’tits meublés et les maigres repas. 

…aujourd’hui, j’aurais du mal à m’habiller chez le même tailleur, près des Champs-Elysées !

En arrivant à « l’Olympia », je suis monté au poulailler et j’ai tendu mon billet à l’ouvreuse, sans dire un mot, en l’accompagnant d’une pièce de 50 centimes.

L’ouvreuse a regardé longuement la pièce, puis elle m’a demandé :

« Monsieur, vous êtes étranger ? »

J’ai répondu un « oui » timide.

« Vous apprendrez qu’on ne donne pas 50 centimes de pourboire ! » 

Et elle m’a rendu la pièce !

Ce fut la honte de ma vie ! Mais, aussi, une grande joie : avec les 50 centimes épargnés, j’ai pu acheter un ticket de métro et, ainsi, je ne suis pas rentré à pied à la maison ! » 

Pour le solde, les 30FF qui me restaient, je les ai gardés pour mon départ à Saint-Etienne. 

A Saint-Etienne, très vite, ma situation financière c’est bien amélioré.

J’ai bénéficié d’une bourse d’études d’un montant de 300FF par mois.

Même pour ça,… rien de nouveau !

A Bucarest, je recevais aussi une bourse de… 300Lei ! 

Mais, en France, pendant toute la durée de ma scolarité, je recevais 100 Florins néerlandais par mois, de la part de mes cousins hollandais, qui les déduisaient de leurs impôts.

Dans ces conditions, je suivais, jour après jour, le taux de change « Florin vs. FF ». Et je constatais, avec une certaine satisfaction, que le Florin se renforçait de jour en jour. 

Mon budget était simple à suivre :

  • la coût de l’hébergement à la Maison des Elèves était de 110FF/mois, comprenant le lavage des draps et le ménage,
  • le Ticket-restaurant du CROUS valait 1,10FF (bon pour un repas)
  • l’Ecole des Mines se trouvait à 10 min. à pied de la Maison des Elèves où l’on disposait d’un restaurant universitaire. On était servi à table, par groupe de 6 élèves ; le petit-déjeuner était proposé en self-service dans le même restaurant.

Cette situation correspond à l’année de mon arrivée à l’Ecole (1967).

Par la suite, la situation s’est plutôt dégradée (suppression du petit-déjeuner, ouverture du restaurant aux autres établissements d’enseignement supérieur de la ville, d’où un certain « embouteillage » aux heures de pointe, deux services etc., etc.)

Dans ces conditions, mes « revenus » d’env. 400FF par mois me permettaient de rentrer régulièrement à Paris (en train ou en voiture avec mes collègues) et d’économiser en vue des voyages prévus pendant les grandes vacances, que j’ai passé (trois fois en 1968, 1969 et 1970) …en Italie. Déjà ! 

Mais, au mois de septembre 1967, je n’étais pas encore là !

A l’agence L 412 du Crédit Lyonnais, nous étions reçus par une demoiselle en charge de notre compte, appelée Mlle. Laurence, si ma mémoire est bonne.

Elle nous donnait toujours R.V. à 14 heures, mais, quelquefois, elle n’arrivait que vers 14h15, très pressée en s’excusant : « Donnez-moi une minute ! Je ne suis pas fraîche ! »

Cette formule, un peu cavalière, m’amusait beaucoup !

Malgré « l’absence de fraîcheur », elle était très efficace. Ce qui, vu notre manque d’expérience dans le domaine bancaire, était essentiel ! 

*   *   *

Notre promenade quotidienne dans Paris se poursuivait au long du Bd. de Strasbourg.

A quelques encablures du Crédit Lyonnais, mais sur le trottoir opposé, se trouve le « Passage du Ponceau », puis la rue du Caire. 

« Le passage du Ponceau est une voie privée couverte du 2e arrondissement de Paris.

Elle doit son nom à la proximité de la rue du Ponceau dont le nom lui vient d’un petit pont, un « ponceau » ou « poncel », qui existait sur un égout qui fut couvert en 1605, près de la rue Saint-Denis.

Le passage, ouvert en 1826, a été raccourci en 1854 lors du percement du boulevard Sébastopol, perdant au passage la plupart de ses qualités architecturales et devenant un lieu dédié à abriter des entrepôts pour des marques de confection du Sentier. »

Pour moi, qui venant d’un pays communiste où le commerce privé n’existait plus depuis une dizaine d’années, la vue des boutiques de confection, des grossistes en vêtements et des affaires de textiles représentait une attraction sans égal. Et le symbole du succès de l’initiative personnelle qui, étayée par un travail acharné, ne pouvait mener qu’au succès, voir la fortune, même en débutant tout en bas de l’échelle.  

Une rencontre fortuite m’a « interpellé » et fait réfléchir sur la justesse de mes convictions !

Parmi les personnes que nous rencontrions tous les jours dans la cantine de la rue de Trévise, il y avait un Monsieur fort sympathique, avec qui nous faisions parfois un bout de chemin.

Il venait d’Egypte, était juif et il avait fui le régime de Nasser. Il parlait parfaitement le français, parce qu’il avait suivi sa scolarisation à « l’Alliance israélite universelle » ou, peut-être, chez les « Frères Maristes » du Caire.

Un jour, passant devant les boutiques de confection du quartier, il nous a dit : « J’ai eu, pendant vingt ans, un établissement semblable ! »

Alors, un peu étonné de le voir vivre d’expédients, depuis plusieurs années, je lui ai demandé : « Pourquoi n’ouvrez-vous pas une boutique de textiles ? »

Il m’a répondu : « Les Français sont si conservateurs que, s’ils ont été bien servis une fois, ils retourneront dans la même boutique pendant onze générations ! Je n’ai aucune chance de me frayer une place au soleil ! » 

Cette affirmation m’a laissé songeur. Elle m’est revenue à l’esprit chaque fois qu’un quidam me proposait de monter une affaire ensemble.

C’est, peut-être, aussi, la raison pour laquelle j’ai fait toute ma carrière comme « employé », refusant d’être « patron » !

*   *   *

La « Rue du Caire » n’aurait dû éveiller dans mon esprit rien de particulier. Pourtant, ce fût exactement le contraire !

« Le nom du Caire lui fut donné en mémoire de l’entrée victorieuse des troupes françaises au Caire, le 23 juillet 1798.

Cette rue a été ouverte à la fin de l’année 1799 sur une partie des bâtiments et des jardins du couvent des Filles-Dieu, rue Saint-Denis.

La Cour des Miracles de la rue des Forges y était située à proximité. »

Je ne me souviens plus qui m’a dit, à l’époque, parlant de cette rue : « C’est un ancien accès à la Cour des Miracles »

Pour mémoire :

« La cour des Miracles était, sous l’Ancien Régime, un ensemble d’espaces de non-droit composé de quartiers de Paris, ainsi nommés car les prétendues infirmités des mendiants qui en avaient fait leur lieu de résidence ordinaire y disparaissaient à la nuit tombée, « comme par miracle ». En réalité, une partie d’entre eux ne souffrait réellement d’aucun handicap.

Venus des campagnes pour chercher, en vain, du travail, ou miséreux des villes, les plus défavorisés grossissaient les rangs des cours des Miracles au xviie siècle, sous les règnes de Louis XIII et Louis XIV.

Evidemment, de mon côté, il s’agissait d’une double méprise :

-d’abord, l’accès à la Cour des Miracles se présentait sous un aspect très différent :

Selon Henri Sauval :

« Pour y entrer, il faut descendre une assez longue pente de terre, difforme, raboteuse, inégale. J’y ai vu une maison de boue à demi enterrée, toute chancelante de vieillesse et de pourriture, qui n’a pas quatre toise carré (60 mètres carrés) et où logent néanmoins plus de cinquante ménages chargés d’une infinité de petits enfants légitimes, naturels et dérobés ».

ensuite, l’image même de la Cour des Miracles était faussée, dans mon esprit, par deux éléments : la vision romantico-médiévale dépeinte dans Notre-Dame de Paris de Victor Hugo et le souvenir du film « Angélique, marquise des anges », qui avait fait, quelques trois années auparavant, un grand succès en Roumanie.

Pour la vision de Victor Hugo, il suffit de regarder la gravure de Gustave Doré qui dépeint la Cour des Miracles.

Pour l’histoire d’Angélique, je rappelle le synopsis du film : 

« Alors qu’elle erre sans but, elle est abordée par un nain – Barcarole – qui la conduit dans ce qui semble être une sorte de Cour des miracles. Se réfugiant dans le repaire de Nicolas et des gueux, Angélique, anéantie, accepte de rester à leurs côtés et devient “Angélique, marquise des Anges”. »

Et puis, tout cela n’existait plus… depuis fort longtemps !

« Le 21 août 1784, un édit royal ordonna la destruction totale de toutes les masures du Fief d’Alby pour y établir un marché des marées. Mais le lieu avait si mauvaise réputation que les mareyeurs refusèrent de s’y installer. Le lieu fut investi par les forgerons (d’où le nom de « rue de la Forge »).

On lit parfois que le nom du boulevard et du Quartier de Bonne-Nouvelle viennent de ce que les Parisiens se réjouirent de cette « bonne nouvelle », mais en réalité il vient de l’église Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle, dont la première version fut consacrée en 1551 sous ce nom. »

Bien sûr, en ce temps-là, je ne savais rien de tous ces détails historiques.

Et, à dire vrai, je préférais rester avec mes images livresques. Ainsi, pendant des années, je ne suis jamais allé découvrir ce qui se cachait, vraiment, dans la rue du Caire.

Comme disent tous les journalistes « il ne faut pas laisser la vérité gâcher une bonne histoire ».

*   *   *

En route vers notre hôtel, nous longions la façade du Théâtre de la Gaîté.

« Le Théâtre de la Gaîté-Lyrique, anciennement théâtre de la Gaîté, est une salle de spectacle parisienne,  reconvertie en centre culturel consacré aux arts numériques et aux musiques actuelles en 2011. »

Mais, à l’époque, cette salle réputée, que l’on appelait, à un certain moment, « Le temple de l’opérette », était fermée presque tout le temps. Et l’on se désespérait du risque de la voir transformée en quelque Prisunic ou Monoprix !

C’est peut-être pour cette raison que je n’y suis jamais entré… jusqu’à ce jour !

Mais, en septembre 2022, j’ai « frappé à la porte ». Je n’ai pas été impressionné par la décoration « fluo et néon » de la réception. Elle fait, plutôt « Las Vegas années ‘50 » !

Mais en regardant de près la liste des salles j’ai découvert la mention d’un « foyer historique ».

Je ne préciserai pas comment j’ai fait pour y pénétrer ! Mais, je dois reconnaître que la surprise a été de taille : un ensemble décoratif représentatif pour le style « Napoléon III », avec des cheminées en marbre blanc, des médaillons présentant les gloires du théâtre français classique, des fresques dans l’esprit de l’antiquité, un remarquable plafond peint…

Ça vaut la peine d’y aller pour le brunch, même si le mobilier dépareille dans ce décor… Dommage !                       

  *    *    *

L’étape suivante de mon « parcours de mémoire » est beaucoup moins spectaculaire ! Mais, pour moi, tout aussi « impactante ».

Parce que, elle se réfère à un moment-clé de notre départ de Roumanie.

Au mois de juillet, alors que nous avions vendu presque tous nos meubles, obtenu un nombre incalculable de cachets, prouvant que nous n’avions aucune dette envers l’Etat roumain, que nous n’avions emprunté aucun livre dans chacune des bibliothèques d’arrondissement de Bucarest, après avoir traduit et légalisé tous nos documents etc., etc. il a fallu acheter les billets d’avion pour quitter le pays.

Notre passeport (pour « Personnes sans nationalité ») ayant été délivré pour les Pays-Bas, nous devions nous envoler vers ce pays.

Seulement, la ligne aérienne roumaine n’avait pas de vol pour Amsterdam. Et la loi nous imposait de payer le voyage en Lei, puisque, de toute façon, personne ne possédait de devises dans le pays.

Les vols disponibles de TAROM se dirigeaient vers Londres, Paris ou Vienne.

Nous avons choisi Paris, d’autant plus que mon père ayant fait ses études en France, nous comptions nous y établir. L’ambassadeur des Pays-Bas nous avait averti que « son pays est surpeuplé et qu’il vaut mieux aller ailleurs » !

Nous avions donc besoin d’un visa pour la France. Mon père est allé voir le consul pour l’obtenir. Mais, le consul l’a refusé sèchement : « Sans billet de sortie de France, vous n’aurez pas de visa ! Même pas un visa de transit ! »

En interrogeant la compagnie TAROM, nous avons appris qu’il nous manquaient 12 USD par personne pour le tronçon Paris-Amsterdam.

Donc, après 16 années d’attente, des formalités innombrables, sans meubles, ni travail, ni droit de poursuivre mes études etc., etc. voilà que nous allions rater notre départ… pour 36USD !

Mon père, désespéré, est allé « négocier » avec AIR FRANCE. Ils étaient fermés pour « pause déjeuner » !

Alors, il a tenté, en désespoir de cause, chez KLM.

Ici, une « fillette » qui n’avait pas grand-chose à faire, lui a conseillé : « Ne vous-en faites pas ! Vous avez certainement de la famille aux Pays-Bas ? »

Mon père lui a indiqué les coordonnées de sa nièce, celle qui avait obtenu, remuant « ciel et terre » notre passeport, par l’intermédiaire du ministre des Affaires étrangères hollandais.

« Très bien ! Je vais envoyer un télex à votre nièce, lui demandant de transférer 36 USD. Revenez demain, à la même heure ! »

Le lendemain, à peine apparu sur le pas de la porte, mon père a vu la jeune-fille qui agitait le télex de confirmation pour le règlement des 36 USD. Ouf !

Pour la petite histoire, chez TAROM, ayant fait le lendemain le calcul exact du prix du billet, ils ont constaté… qu’il manquait 0,50USD !

Mais « grands seigneurs », ils ont accepté qu’on les règle… en Lei ! Autre « ouf » de soulagement ! 

Pendant son attente, dans l’antichambre du consul de France, mon père avait fait la connaissance d’un jeune Français de Grenoble, passionné de natation. Il était venu assister à des épreuves de natation, comptant pour le Championnat d’Europe.  Dans le feu et l’excitation de la compétition, il n’a pas fait attention et… on lui a volé le portefeuille et le billet de train pour le retour en France. Maintenant, le voilà au Consulat, à la recherche de 300FF, pour pouvoir acheter un autre billet.

Le consul… l’a renvoyé sèchement, comme il l’avait fait avec mon père.

Cette fois-ci, c’était le tour de mon père de rassurer le jeune-homme : « On va régler tout ça ! Attendez-moi à la sortie du Consulat ! » 

Un quart d’heure plus tard « l’affaire était faite » : nous allions payer le prix du billet en Lei à Bucarest et le jeune homme allait nous envoyer, après notre arrivée en France, les 300FF correspondants.

C’est moi qui ai été désigné pour aller régler le billet à l’office des « Chemins de Fer » roumains. Et, en plus, je suis allé, avec mon nouveau « copain » assister à la finale des épreuves de natation au Stade « Dinamo ». Exactement là où j’avais vu « Angélique, marquise des Anges » et « Le Bossu », quelque temps auparavant ! 

Une fois arrivés à Paris, nous avons trouvé le mandat envoyé depuis Grenoble, chez la cousine de ma mère.

C’était toute notre fortune :  300FF !

Avec le mandat à la main, dès que nous avons eu notre « Récépissé de demande de de Carte de Séjour » délivré par la Préfecture de Police, nous sommes allés à l’office postal le plus proche pour encaisser notre pécule salvateur.

C’était, justement, à l’angle de la rue Papin avec la rue Saint-Martin, à quelques mètres du Théâtre de la Gaîté-Lyrique.  Je vous jure que RIEN n’a changé, depuis 55 ans ! Seulement le logo, mais la façade n’a pas pris une ride. Enfin ! Soyons gentils avec la vieille Dame ! 

Justement ! Au guichet du bureau de poste, une vieille dame, a pris le papier présenté par mon père, l’a tourné et retourné dans tous les sens, et l’a rendu en disant : « Je n’ai jamais vu une chose pareille ! Je ne peux pas vous délivrer de l’argent avec ça. Revenez quand vous aurez de vrais papiers ! »

Pour mémoire, et comme on peut le constater dans l’image jointe, ce « Récépissé… » a été encore renouvelé le 23 février 1968, avec une validité jusqu’au 14 juin 1968 ! On aurait pu attendre encore… une bonne dizaine de mois ! 

Bien sûr, nous avons rouspété et la préposée s’est décidée, finalement, à appeler le directeur du bureau de poste. Qui, après mûre réflexion, a validé notre document. Mais, la vieille dame, fâchée d’avoir été désavouée, a refusé d’exécuter l’opération. Et, c’est le directeur lui-même qui a effectué les formalités scripturales et nous a délivré les 300 FF.

Ce fût ma première expérience avec la bureaucratie française !

Inoubliable !

 

A suivre…

Adrian Irvin ROZEI

Paris, septembre 2022

One thought on “Un automne de porcelaine…(III)

  1. A.B. de Crécy écrit :

    Très intéressante cette flânerie entre le passé et le présent avec tous ces détails précis !!
    C’était hier …si proche et si loin pourtant .. Une autre époque que nous avons traversée si vite quelquefois… C’est bien de prendre le temps de faire le chemin à l’envers.
    Bises

    C.P. de Bucarest dit :
    Urmăresc cu interes periplul tău parizian printre amintiri și… mă duce cu gândul la prima mea vizită la Paris (1992), 3 sau poate chiar 4 zile, ca escală a unei “excursii de studii” pe la organizațiile europene organizată de Institutul diplomatic din Clingendael/Haga, unde, ca “tânăr” sau mai corect spus “nou” diplonat beneficiam de o bursă de 14 săptămâni).

    Paris era ultima etapă a călătoriei, aveam în programul oficial doar o vizită ‘de studiu’ la OCDE vinerea dimineața și trebuia să se termine chiar în duminica Paștelui catolic; un ungur mai vârstnic și mai nesimțit din grup i-a ridicat coordonatorului nostru problema că nu are sens să plecăm spre Haga duminica, de vreme ce luni, la Haga avea să fie zi liberă și deci nu aveam cursuri.

    Pour une fois, am fost cu toții recunoscători ungurului, căci coordonatorul nostru – din fericire, nu olandez, ci britanic/galez, căsătorit cu o diplomată olandeză foarte deșteaptă ajunsă șefa serviciului de formare Resurse Umane – s-a “simțit” și a negociat cu Institutul să ne plătească o noapte în plus de hotel (un hotel absolut mizer, lângă Eglise de la Trinité, cam la 1/3 din drumul între Place Pigalle și deci urcarea spre Monmartre și la 2/3 de La Madelaine) și să plătească autocarul, precum și șoferul acestuia ca să ne rămână la dispoziție duminica pt o excursie la Versailles.etc., etc.

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