Paris, le 10 septembre 2022
Il y’a 55 ans à peine,
Il y’a 55 ans déjà
Ma mémoire est incertaine
Mais mon cœur lui n’oublie pas !
I have never forgotten…
Mort Shuman – Un été de porcelaine (1977)
« Ma mémoire est incertaine… »
Je me demande si c‘est vrai ?
Voici 55 ans, jour pour jour, depuis que je suis arrivé à Paris.
Certains disent en Argentine « La memoria es un espejo deformante ! ». J’aimerais savoir si c’est vrai !
C’est pour ça que « j’ai fait le chemin à l’envers » !
Même si Dave chante :
« On oublie, hier est loin, si loin d’aujourd’hui
Mais il m’arrive souvent de rêver encore
A l’adolescent que je ne suis plusOn sourit en revoyant sur les photos jaunies
L’air un peu trop sûr de soi que l’on prend à 20 ans
Et que l’on fait de son mieux pour paraître plus vieuxJe ne voudrais pas refaire le chemin à l’envers
Et pourtant je paierais cher pour revivre un seul instant
Le temps du bonheur… »
de mes 20 ans !
Comment j’en suis arrivé là ? Commençons par le début !
* * *
Je n’avais rien prévu de spécial pour le jour anniversaire de mon arrivée à Paris, il y a exactement 55 ans. C’était le 10 septembre 1967.
Un dimanche… si ma mémoire est bonne ! Certainement ! De pareils instants… ça ne s’oublie pas !
Le soir même, avec mes parents, nous couchions dans un hôtel choisi par la cousine de ma mère qui habitait la capitale depuis une dizaine d’années.
L’hôtel se trouvait dans le quartier de l’Europe, précisément dans la rue de Moscou, juste à côté de… la rue de Bucarest !
Mais, nous ne sommes restés dans cet hôtel que deux nuits. Pas seulement à cause du voisinage de « Bucarest », que l’on venait de quitter après une vingtaine d’années d’attente !
Surtout, à cause du prix de la chambre : elle coûtait 30 FF par nuit. Et nous n’avions (potentiellement !) que 300FF en tout et pour tout !
L’histoire de ces 300 FF… arrivera en temps voulu !
Je ne me souviens pas comment nous avons trouvé « L’hôtel de l’Ecole Centrale », sis au 3, rue Bailly, juste à côté de la station de métro « Arts et Métiers ». Mais, dans cet hôtel, la chambre ne coûtait que 10 FF/nuit.
Enorme avantage !
C’est ainsi que j’ai habité plus de 5 semaines à cette adresse, qui apparaît sur nos premiers papiers officiels obtenus en France.
Mes parents, en revanche, y sont restés plusieurs mois, jusqu’à ce que mon père trouve un emploi stable.
C’est pour cette raison, je peux l’affirmer, sans me tromper, que mes tout premiers pas dans la connaissance de Paris et de la France ont eu lieu dans ce quartier !
Et c’est pour ça qu’ils m’ont laissé un souvenir… inoubliable !
* * *
55 ans plus tard, au début du mois de septembre 2022, me voilà de retour, tout-à-fait par hasard, dans le quartier de la rue du Faubourg-Montmartre.
Je me promenais sans but précis dans cette rue. Tout d’un coup, me voilà devant un immeuble qui me semblait connu.
C’était à l’angle de la rue du Faubourg-Montmartre et de la rue Bergère.
Alors, je me suis dit : c’est l’emplacement de l’ancienne « Auberge du Riquewihr » ! C’est dans ce restaurant de luxe que j’ai fait mes premiers pas dans la gastronomie française, au mois de septembre 1967.
L’histoire avait commencé quelques deux années auparavant !
A l’été 1965, je suis allé, pour la première fois, à la mer. C’était sur la fameuse plage de Mamaia, au bord de la mer Noire.
Là-bas, j’ai fait connaissance avec deux familles venues du nord de la France : les Servain, les parents et leurs quatre filles, et les Condé avec deux filles. Les âges de la jeune génération s’étiraient entre dix et vingt ans.
Ils habitaient, pour les Servain à Marle et pour les Condé à Laon, deux petites villes du département de l’Aisne, éloignées d’une vingtaine de kilomètres. Le tout, à presque 200 Km au nord de Paris.
Pendant la semaine qu’ils ont passé au camping de Mamaia, dans deux caravanes dotées des installations les plus modernes pour cette époque, nous sommes devenus de bons amis. J’avoue que je n’étais pas insensible aux charmes de Marie-France, l’aînée des filles Servain, qui avait, à peu près, mon âge !
La relation avec les français était un vrai « donnant / donnant ».
Moi, je me chargeais de l’organisation de leur séjour et eux m’initiaient aux « us et coutumes » de la vie française. C’est, par exemple, à cette occasion, que j’ai goûté à quelques spécialités gastronomiques du nord de la France, parmi lesquelles… le champagne de Reims, la région viticole réputée, qui se trouve à deux pas des endroits habités par mes nouveaux amis.
Je me souviens que j’ai été « missionné » pour organiser à Mamaia, dans le plus chic restaurant de la localité balnéaire, un déjeuner de fête à l’occasion de l’anniversaire de Marie-France, qui tombait juste pendant leur séjour en Roumanie.
J’ai eu beaucoup de chance !
Le Maître-d ’hôtel, avec qui j’ai dû « négocier » le menu de fête, venait d’accomplir, peu de temps auparavant, un stage de sommelier en France et il a pu nous conseiller les vins et plats roumains en accord avec le goût français. Sujet dont j’ignorais …tout !
Encore plus ! Il nous a offert, au frais de la maison, une « salade surprise ». Très bien présenté, dans un énorme saladier en porcelaine (nous étions 10 autour de la table !) elle se composait de tous les légumes d’été disponibles sur le littoral roumain.
Par mal chance, un des poivrons verts qui faisait partie du mélange était… fort comme le feu ! Et, bien sûr, c’est la plus jeune des filles qui est tombée dessus ! Mais, « bon prince », Pierre Servain a rigolé, précisant que « justement c’était ça la surprise annoncée ! ».
J’ai gardé, pendant deux ans, le contact épistolaire avec les Servain. Qui ont eu l’amabilité de m’envoyer, tous les mois, la revue « l’Express » à laquelle ils étaient abonnés. Denrée fort précieuse, qui me permettait de faire le troc avec d’autres heureux élus, qui recevaient « Paris Match » ou des revues françaises très difficiles à trouver en Roumanie. Et, cerise sur le gâteau, les polards de San-Antonio ! Que de pierres de voûte d’une culture française contemporaine !
Après avoir reçu l’autorisation de quitter la Roumanie, mais seulement une quinzaine de jours avant notre départ (on ne savait jamais quel contretemps pouvait survenir au dernier moment !) nous avons envoyé un message écrit aux Servain, pour annoncer notre arrivée.
Bien sûr, une carte postale ouverte, pour faciliter le travail de la censure et accélérer le processus de livraison du courrier !
A mon grand étonnement, la cousine de ma mère de Paris n’avait reçu aucune confirmation de leur part, au moment de notre arrivée.
Convaincus que la main de la « Securitate » avait sévi, nous avons appelé Pierre Servain. Et nous avons découvert que mon père s’était trompé dans la rédaction de la carte postale, annonçant notre arrivée… pour un mois plus tard ! Donc, ils attendaient tranquillement… que le moment arrive !
Pour la faire courte, à peine trois jours plus tard, dès le samedi matin, les deux familles au grand complet (10 personnes !) se présentaient à la réception de notre hôtel au 3, rue Bailly !
J’ai retrouvé, avec une énorme joie, la DS de Pierre Servain et la Peugeot 404 Break des Condé, que j’avais connu à Mamaia.
Nous avons fait le tour de Paris, en deux jours, et nous sommes, même, allés à Versailles, pour la soirée des Grandes Eaux !
Et, dimanche soir, quand on s’est quitté, Pierre Servain m’a glissé un billet de 100FF dans la poche ! Geste que je n’oublierai jamais !
Mais, le moment clé a été le dîner du samedi soir, le 17 septembre 1967.
On nous a invité à… « l’Auberge du Riquewihr – Grande Brasserie Alsacienne », au 12, rue du Faubourg-Montmartre !
Encore une fois, 12 personnes autour de la table et moi « l’invité d’honneur » endimanché avec le costume chicos apporté de Roumanie, que j’inaugurais à cette occasion, et… mon français balbutiant !
Je ne me souviens pas du menu de la soirée. Cette fois-ci, c’est Pierre Servain qui a choisi. Mais, voulant me faire découvrir (encore !) une spécialité française, il a commandé des huîtres. Chose étrange, que je n’avais jamais vu de ma vie.
Ils m’ont laissé commencer. Comment faire ? Surtout qu’une dizaine de paires d’yeux me « regardait faire » ! J’ai dû « donner ma langue au chat » et avouer mon incompétence dans la matière.
Et, en regardant faire les autres… j’ai encore appris quelque chose !
Par la suite, dans les années qui ont suivi, je suis allé, quelques fois seul, d’autres fois avec mes parents dans le département de l’Aisne, chez mes amis.
Je me souviens, en particulier, de deux choses :
-la forte impression que m’a laissé la Cathédrale de Reims,
-le mariage de Marie-France, qui a duré trois jours, à Marle !
Et, chaque fois que l’on pensait la fête finie, et l’on proposait de rentrer à Paris, Pierre Servain qui disait, avec un sourire malin au coin de la bouche : « Il y a toujours des trains en France ! »
Quel grand Seigneur ! Quelle générosité ! Paix à son âme !
* * *
Maintenant, 55 ans plus tard, me voilà devant le restaurant de mes débuts en France.
Quelle tristesse ! Le restaurant de luxe des années ’60 a été remplacé par un magasin « Bio c’Bon » ! Voilà le triste état de la gastronomie française !
Je n’ai pas eu le cœur de vérifier si « Bio c’Bon » propose des huîtres.
Mais, je me suis demandé, comme le poète, « que reste-t-il de mes amours ? » Et, je me suis proposé de faire « le chemin à l’envers ».
Autrement dit, de chercher à retrouver les « places fortes » de mon parcours quotidien, il y a un demi-siècle, entre le quartier du Faubourg Montmartre et nôtre « Hôtel de l’Ecole Centrale » au 3, rue Bailly.
Il aura suffi de suivre la rue Bergère pour retrouver mes souvenirs d’antan !
Au bout de la rue, juste en face, se trouve un point-phare de ces souvenirs : les « Folies Bergère ».
Pour ceux qui ne s’en souviennent plus… une piqure de rappel :
« Situées au 32 rue Richer dans le 9ème arrondissement, les Folies Bergère ont été construites comme opéra par l’architecte Plumeret.
Il a ouvert ses portes le 2 mai 1869, sous le nom de Folies Trévise, avec des divertissements légers comprenant des opérettes, de l’opéra-comique, des chansons populaires et de la gymnastique. Elle devient les Folies Bergère le 13 septembre 1872, du nom d’une rue voisine, la rue Bergère.
En 1918, Paul Derval (1880-1966) marque la revue. Ses revues présentaient des costumes extravagants, des décors et des effets, ainsi que de « petites femmes nues ».
Les petites femmes nues de Derval deviendront la marque des Folies. Au cours de ses 48 années aux Folies, il a lancé la carrière de nombreuses stars Français dont Maurice Chevalier, Mistinguett, Joséphine Baker, Fernandel et bien d’autres.
En 1926, Joséphine Baker, chanteuse, danseuse et animatrice afro-américaine expatriée, fait sensation aux Folies Bergère dans une nouvelle revue, La Folie du Jour, dans laquelle elle danse un numéro Fatou vêtue d’un costume composé d’une jupe faite d’une chaîne de bananes artificielles et de peu d’autres choses.
En 1926, la façade du théâtre a été entièrement rénovée par l’artiste Maurice Pico. La façade a été refaite dans le style Art déco, l’un des nombreux théâtres parisiens de cette période utilisant ce style. »
Mon histoire avec cet endroit « mythique » avait commencé quelques mois avant mon arrivée en France.
Je ne me souviens pas par quel miracle, j’avais découvert à Bucarest un livre intitulé « Trente ans parmi les femmes nues ».
Son auteur était un certain Michel Gyarmathy, aujourd’hui oublié, malgré sa réputation mondiale de plus d’un demi-siècle.
« En 1936, Derval fait venir Joséphine Baker de New York pour diriger la revue En Super Folies. Michel Gyarmathy, un jeune Hongrois arrivé de Balassagyarmat, sa ville natale, a conçu l’affiche d’En Super Folies, un spectacle mettant en vedette Joséphine Baker. C’est le début d’une longue histoire d’amour entre Michel Gyarmathy, Paris, les Folies Bergère et le public du monde entier qui a duré 56 ans.
Les funérailles de Paul Derval ont eu lieu le 20 mai 1966. Il avait 86 ans et avait régné en maître sur le music-hall le plus célèbre au monde. Son épouse Antonia, soutenue par Michel Gyarmathy, lui succède. »
Ce livre, que je n’ai pas réussi à retrouver à ce jour, m’a passionné à tel point que je n’ai pas résisté à la tentation de poursuivre sa lecture pendant les heures de cours à l’Ecole Polytechnique de Bucarest dont j’étais l’élève.
Je pensais qu’en le cachant sous la couverture d’un livre de « Socialisme scientifique » (sic !), la matière enseignée en troisième année, personne ne s’apercevrait de la supercherie. C’était sans compter avec l’œil aguerri de la répétitrice, une communiste pure et dure, qui a dû remarquer la couleur jaune passée de la tranche de mon livre.
En faisant mine de se promener parmi les élèves, alors qu’elle interrogeait l’un de mes collègues, elle s’est jetée comme une harpie sur mon livre et me l’a arraché des mains.
Je ne pense pas qu’elle ait compris grand ’chose au titre, mais l’illustration de la couverture, à elle seule, aura suffi pour faire éclater le scandale. Tout pour plaire : un livre en français, parlant des « femmes nues », pendant le cours de « Socialisme scientifique ». La totale !
Je pensais mon sort à l’examen proche scellé pour de bon !
Mais, une fois de plus, le sort m’a souri.
Notre prof. était, ni plus, ni moins que Valter Roman.
« Valter Roman, de son nom de naissance Ernő Neuländer, né le 7 octobre 1913 à Oradea (alors en Autriche-Hongrie) et mort le 11 novembre 1983 à Bucarest, est un homme politique et militant communiste roumain. Il est le père de Petre Roman, premier ministre de Roumanie de décembre 1989 à octobre 1991.
Il participe aux Brigades internationales pendant la guerre d’Espagne ; c’est, semble-t-il, à cette époque qu’il prend le nom de Valter (ou Walter) Roman. Il commande un bataillon d’artillerie. Il fait la connaissance d’Hortensia Vallejo, une communiste espagnole, qu’il épouse. Après la défaite des républicains, il passe en France, et de là en Union soviétique.
À Moscou, il prend la tête de la radio România Liberă, radio de langue roumaine du Komintern. En juillet 1945, il rentre en Roumanie comme commissaire politique de la division « Horia, Cloşca şi Crişan ». Il devient général dans l’armée roumaine et occupe la fonction de chef d’état-major de 1947 à 1951.
De 1951 à 1953, il est ministre des Postes et télécommunications. Il est ensuite mis à l’écart comme « titoïste », puis réhabilité après la mort de Staline.
Il devient directeur de la Editura politică, maison d’édition du Parti communiste ; il est membre du Comité central du parti jusqu’à sa mort. »
En dehors des activités d’« idéologue » du Parti, Valter Roman, donnait aussi des cours de « Socialisme scientifique » à l’Ecole Polytechnique de Bucarest.
Dire qu’il « donnait des cours » est un euphémisme ! En vérité, les rares fois où il était présent dans l’amphithéâtre, il nous parlait de ses derniers voyages dans le monde : « La semaine dernière, j’ai rencontré Mao. » ou « Je rentre de Cuba où j’ai discuté avec Fidel Castro. »
Bien sûr que de tels récits valaient la peine d’être entendus, quel que soit l’opinion politique de ceux présents dans la salle. Ce qui faisait que le nombre d’auditeurs se multipliait souvent à la faveur des curieux qui venaient spécialement pour l’écouter.
Moi, j’attendais un peu stressé le jour de l’examen. C’est le moins que l’on puisse dire !
Après avoir répondu aux questions théoriques, tirées au hasard, Valter Roman m’a posé « une question d’actualité ».
Nous étions en plein déroulement de la « Guerre de six jours ». Naturellement, ce fût : « Quelle est la position de notre Parti dans le conflit du Moyen-Orient ? »
Il faut croire que ma réponse a été satisfaisante, puisque j’ai reçu tout de suite mon carnet de notes avec un 10, la note maximum.
Note que, je dois l’avouer, je n’avais reçu pour aucune autre matière !
Quelques 40 ans plus tard, à l’ambassade de Roumanie à Paris, j’ai raconté cette « aventure » à mon ex-collègue de faculté, dans un cours parallèle, Petre Roman. De prime abord content, quand je suis arrivé à la fin de mon histoire, un peu gêné, l’ex-premier ministre a marmonné « C’est le passé ! » et il s’est éloigné à la hâte !
Mais, à la fin des années ’60, le passage devant les « Folies Bergère » me remplissait de joie. D’autant plus que le nom de Michel Gyarmathy apparaissait sur toutes les affiches des revues.
C’est, peut-être, pour cette raison qu’au mois de mai ’68 j’ai pris la photo de la façade Art Déco avec la danseuse nue partiellement couverte par une large bannière annonçant la grève de l’établissement.
En quelque sorte « la grève des petites femmes nues » !
A suivre…
Adrian Irvin ROZEI
Paris, septembre 2022
J’attends la suite avec impatience. Une bise à Sabine. Merci.
Il faut un peu de patience : il y a encore… quatre épisodes !
Bonjour Adrian
J attends la suite, vite, vite. J adore. Bonne journée
A.G. de Neuchâtel dit:
Adriane, mi-a mers direct la suflet. Pentru mine, exceptionala evocare… Spre completare un amanununt subiectiv: Walter Roman avea renumele, confirmat de experienta mea si colegilor mei, ca nu era zgârcit deloc la notele de la examenul de socialim stiintific.
O mentiune pentru fotografiile în care am recunoscut pe simpaticii (este putin spus) tai parinti si ale tale (ce baiat frumos si suplu erai). Greu de recunoscut în fotografiile prezentului. Nu ma surprinde, caci este perfect valabil si pentru subsemnatul, fapt pentru care simt o lacrima interna prelingâdu-se…
M-E-R-D-E!
I. N. de Bucarest écrit :
Frumoasa amintire
Drag❤
E.R.G. de Talavera écrit :
Me ha gustado mucho!!! y lo curioso es que al abrir el ordenador estaba pensando en ti,