Il y a bien longtemps, quand j’avais huit ou neuf ans, en tout cas bien avant 1956, année du début de la déstalinisation dans les pays de l’Est, il y avait dans mon livre de classe à Bucarest, en Roumanie, un texte qui m’a tellement impressionné qu’aujourd’hui encore, tant d’années plus tard, il est resté gravé dans ma mémoire.
Ce texte, intitulé « La station Tamara », racontait l’histoire d’une petite fille, de son prénom Tamara, qui vivait au long de la ligne du chemin de fer Moscou-Vladivostok, quelque part au fin fond de la Sibérie. Son père, cantonnier de son état, était obligé par le règlement de sortir plusieurs fois par jour de sa maisonnette et se présenter au garde-à-vous, avec le fanion dans la main gauche et saluant de la main droite près du képi, à chaque passage d’un train qui, bien entendu, ne s’arrêtait jamais dans ce lieu perdu, au milieu de la steppe russe.
Et ainsi passèrent les saisons, l’été brûlant de la taïga ou l’hiver avec ses vents acérés venus du Pôle Nord, soulevant des congères de neige qui atteignaient par moment plusieurs mètres de hauteur. Tamara se plaisait bien dans ce paysage de rêve, nageant en été dans les étangs voisins, patinant en hiver sur la glace des mares gelées ou dévalant en traîneau les pentes enneigées du voisinage.
Jusqu’au jour, vers l’âge de sept ans, où c’est posé le problème de la scolarisation de Tamara.