Paris, le 20/12/2022
Ma première visite à Oaxaca date de 1986. Les visas d’entrée sur nos passeports sont là pour le prouver !
Cette année-là, on avait décidé avec ma « fiancée », qui allait devenir mon épouse, de passer quelques jours de vacances au Mexique, au mois de février. Je connaissais (partiellement !) ce pays depuis une bonne dizaine d’années. J’ai pris donc la décision de panacher des endroits connus et d’autres, à découvrir.
A ce moment, j’ai appris que, juste à la date prévue de notre voyage, un phénomène céleste intéressant allait se dérouler au Mexique : une éclipse de soleil ! Mais, l’éclipse ne serait totale que sur la côte Pacifique du pays !
Très bien ! J’ai « construit » notre voyage comme suit : Paris – Mexico-Oaxaca -Puerto Escondido (en avion), puis, Puerto Escondido- Acapulco (en bus) et le retour (en avion) à la Ville de Mexico et Paris.
La première étape, celle de la Ciudad de Mexico, ne représentait pas (pour moi !) une grande aventure. J’ai profité, donc, de l’occasion pour montrer à ma fiancée les monuments traditionnels, les endroits touristiques, les musées et expositions que j’aimais particulièrement. En insistant sur l’une des « spécialités mexicaines » qui me passionnent et intriguent depuis que je les ai découvertes, vers l’âge de quinze ans, alors que je vivais encore en Roumanie : les muralistes mexicains !
Par la suite, j’ai « chassé » les œuvres de Orozco, Siqueiros, Diego Ribera etc… à Mexico, Guadalajara, Monterrey, Puebla, Cancun… et dans tant d’autres villes et villages mexicains.
J’ai eu l’occasion d’en parler de ces expériences dans plusieurs textes, dont, entre autres : El pais de todos los colores (en 2016) où je disais :
« Le Mexique est un pays que je connais bien. Mon premier contact avec l’Amérique latine a eu lieu en 1973 à Acapulco et à Mexico. J’ai alors découvert un monde coloré, vécu d’innombrables aventures en seulement 15 jours, et je me suis immergé dans la musique et l’art mexicain.
Même la présence nord-américaine (supermarchés Walmart ou Woolworth, produits Kellogg’s ou Tide…) était nouvelle pour moi. J’ai été impressionné par l’art des muralistes mexicains (Diego Ribera, Orozco, Siqueiros) dont j’avais entendu parler dans les émissions de radio de Ioan Grigorescu intitulées “Spectacolul lumii » (Le Spectacle du monde), mais que je voyais pour la première fois en vrai. »
Mais, cette fois-ci, j’ai choisi de me souvenir de deux endroits qui m’ont laissé un souvenir impérissable, dans la Ciudad de Mexico.
Tout d’abord, notre hôtel : « Gran Hotel Ciudad de Mexico »
Cet endroit a une valeur historique !
A l’origine, il s’agissait d’un grand magasin dans l’esprit des « Galeries Lafayette » ou « La Samaritaine » de Paris, à la même époque.
L’origine de ce bâtiment historique remonte à 1526. C’était une résidence du comptable royal, Rodrigo de Albornoz. En 1895, il a été acheté par le Français Sebastian Robert pour en faire le premier centre commercial du Mexique. Construit à la hauteur du Porfiriato dans un emplacement idéal au cœur de la capitale, le Gran Hotel Ciudad de México est l’un des coins les plus fascinants de la métropole. Un élément emblématique du Gran Hotel est le vitrail de style Tiffany, l’un des quatre plus grands au monde, créé par le Français Jacques Gruber en 1908. En 1968, il a été inauguré comme le Gran Hôtel Ciudad de México, un patrimoine culturel qui vous invite à venir en faire l’expérience par vous-même.
Ceci est la présentation de l’hôtel d’aujourd’hui.
Ce que cette présentation sommaire ne dit pas est que le « Sebastian Robert » mentionné était un de ces français immigrés au Mexique dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Ils provenaient, pour la plupart, de Barcelonnette, dans les Alpes de Haute Provence.
Barcelonnette, fut entre 1850 et 1950, une des régions françaises de forte émigration vers le Mexique. On trouve ainsi, aux abords de la ville, plusieurs maisons ou villas de « style colonial » érigées par des émigrants au Mexique, revenus au pays entre 1870 et 1930, fortune faite. Ces maisons furent construites à Barcelonnette et à Jausiers.
…un certain nombre d’habitants de Barcelonnette ayant émigré au Mexique, une plaque commémorative évoque la mort de 10 citoyens mexicains, venus s’engager durant la Première Guerre mondiale.
L’histoire de l’hôtel est tout aussi passionnante :
« Sans aucun doute, la plus grande attraction du Gran Hotel à Mexico est le vitrail Tiffany, bien que peu connaissent son histoire. En fait, ce vitrail n’y était pas là à son inauguration en 1899, mais y a été placé en 1906.
Avec plus de 20 000 pièces de verre coloré, le vitrail de Tiffany a été conçu par le Français Jacques Grüber, l’un des artistes les plus en vue de l’école de Nancy, qui a utilisé la technique des « puzzles » pour assembler cette pièce monumentale.
Bien qu’assemblé en France, le vitrail a été amené au Mexique en 1906. En raison de ses dimensions avec trois dômes, un plafond en fer et ses verres multicolores, il était considéré comme le plus grand vitrail d’Amérique et le quatrième plus grand au monde.
Dans le style Art Nouveau, ce vitrail se caractérisait par l’utilisation de formes végétales abondantes et entrelacées, colorées, avec des guirlandes réverbérantes et des feuilles isolées. Bien que cela ait permis le passage de la lumière du soleil, plus d’une centaine de lampes ont été placées pour l’éclairer la nuit.
Grâce à son élégance, sa monumentalité et ses jeux de lumière colorée, ce vitrail est devenu l’attraction principale de la ville, puisque l’entrée était gratuite. Par conséquent, il est devenu patrimoine culturel de la nation, car l’Institut national des beaux-arts le considérait comme une œuvre d’art. »
Nous avons eu la chance d’y habiter en 1986, dans un des moments où l’hôtel était en activité, bien qu’un peu… décrépit !
« Malgré la majesté du Mercantile Center et le vitrail de Tiffany, il ferme ses portes en 1958, restant en désuétude pendant près de dix ans. Par conséquent, les propriétaires de l’époque, la famille Saba, ont pensé à le rénover pour en faire un hôtel.
Ainsi, en 1968, ce bâtiment a été rouvert sous le nom de Gran Hotel de la Ciudad de México, avec les rénovations effectuées par la chaîne « Howard Johnson ». Avec 120 chambres, il est devenu l’un des hôtels les plus luxueux et un point de rencontre social, visité par les grandes célébrités mexicaines du XXe siècle telles que Cantinflas, María Félix, Pedro Vargas et Agustín Lara.
Après des années de splendeur, l’hôtel a rechuté à nouveau dans les années quatre-vingt-dix, il a donc été rénové à nouveau entre 2003 et 2005, pour ouvrir avec seulement 60 chambres, un hall avec piano-bar, ainsi que des événements culturels et une terrasse donnant sur le Zocalo, qui ont permis d’offrir des buffets le week-end. »
Nous avons pu profiter de cet endroit « magique » grâce à la recommandation de l’un de mes agents dans ce pays, lui-même descendant des immigrés de Barcelonnette, parlant encore, à la troisième génération dans le pays, un français impeccable… bien qu’un peu désuet par moment !
* * *
Un autre endroit, tout aussi « historique », ayant connu aussi « des hauts et des bas », que nous avons fréquenté à l’occasion de notre passage à Mexico, fut « l’Antigua Hacienda de Tlalpan ».
Cet immeuble situé au-dessus de la Calzada de Tlalpan à l’angle de la rue d’Allende et construit en 1837, était la propriété de Manuel del Refugio González Flores mieux connu sous le nom de Manuel « El Manco » González…
En tant que militaire, Manuel Gonzalez a participé à de nombreuses batailles, parmi les plus importantes, la guerre de l’intervention américaine au Mexique, en tant que lieutenant, puis combattu dans la Guerre de Réforme, du côté du Parti conservateur. Des années plus tard dans l’armée, il rencontre Porfirio Diaz dont il deviendra collègue et ainsi commence une amitié étroite qui durera jusqu’à sa mort.
Le 16 novembre 1876, à la bataille de Tecoac, Tlaxcala, la victoire était pour les porfiristes. Gonzalez a reçu une blessure par balle au bras droit, qui a été amputé.
Don Porfirio lui a dit : « Compadre, grâce à vous nous avons gagné, et pour cela, vous serez mon ministre de la Guerre ».
En décembre de cette année-là, les troupes porfiristes sont entrées triomphantes dans Mexico City, Porfirio Diaz est entré en fonction comme président. Manuel Gonzalez a occupé différents postes au gouvernement et a lancé sa campagne présidentielle qu’il gagna pour le période de 1880 à 1884, donnant à Don Porfirio le secrétariat de l’Economie, puis le gouvernement de Guanajuato.
Peu avant d’être nommé membre du cabinet de Porfirio Diaz en 1876, il acquit cette grande propriété située à l’époque sur les rives du village de Tlalpan, qu’il habite jusqu’en 1885, peu après la fin de sa présidence, quand il déménage dans sa maison à Guanajuato.
Le 2 avril 1904 à l’intérieur de ce lieu se trouvait le Cercle national Porfirista, une loge maçonnique qui fonctionnait aussi comme parti politique.
Porfirio Diaz postula pour la cinquième fois consécutive comme président de la République, des élections qu’il gagna avec 100% de voix en sa faveur. Curieusement à l’intérieur de cet endroit se trouve une plaque dédiée à Porfirio Diaz et datée du 2 avril 1904 qui rappelle ce curieux fait.
Après la fin de cette réunion, les participants avec Porfirio Diaz sont sortis dans leurs voitures luxueuses (qui à l’époque étaient très peu nombreuses dans la ville) et quelques autres dans leurs carrosses, se dirigeant vers Mexico City pour assister à la pose de la première pierre du nouveau Palais des Beaux-Arts qui commençait à être construit.
Aujourd’hui, dans cette vieille ferme (très modifiée par rapport à la construction originale) se trouve l’un des restaurants les plus prestigieux de la ville, qui a commencé à fonctionner dans cet endroit à la fin des années 1980.
L’image jointe a été tirée du film mexicain “La poupée perverse”, un film de suspense et de drame très célèbre à l’époque, qui a été entièrement tourné à l’intérieur de cet immeuble.
En 1988 plusieurs scènes du film “Mais je suis toujours le roi” (La vie de José Alfredo Jimenez) ont aussi été filmées à l’intérieur de cet endroit ; ce film est resté longtemps sur Youtube.
Vous pouvez revoir quelques scènes de ce film : »
Malheureusement, en ce temps-là, nous ne connaissions rien de toutes ces histoires. Cela ne nous a pas empêché d’apprécier le diner et la musique de l’orchestre du restaurant !
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Il faut préciser que bon nombre des endroits « à connaître » dans la ville de Mexico m’étaient familiers grâce à mon ami Antonio Barrera Sosa, un excellent jeune architecte mexicain, dont j’avais fait la connaissance en 1969, à l’occasion d’un voyage en Italie. Nous nous sommes revus, pendant plus de deux décennies, à Paris et à Mexico, presque tous les ans.
En 1986, il nous a invité à passer le dimanche aux « chinampas » de Xochimilco.
Xochimilco s’étend sur 122 km2 dans l’est de Mexico dont elle représente 7,9 % du territoire. Elle est limitrophe de Coyoacán et Iztapalapa au nord, Tláhuac à l’est, Milpa Alta au sud et Tlalpan à l’ouest.
La partie nord de ce territoire est plane et se situe à l’altitude moyenne de la vallée de Mexico, c’est-à-dire 2 240 m. À cet emplacement se trouvait autrefois le lac de Xochimilco, dont les vestiges sont les canaux de la Chinampería.
La superficie de l’ancien lac de Xochimilco a été réduite petit à petit, jusqu’à la superficie actuelle. Ce lac était alimenté par les eaux de source qui venaient des monts alentour. Il a été canalisé lors du porfiriat pour fournir en eau la ville de Mexico, arrivé lors de l’épuisement de son approvisionnement en 1951.
C’est une zone très touristique en raison de la présence d’un réseau de canaux et de jardins flottants appelés « chinampas » qui sont les derniers vestiges de l’ancien lac Texcoco et sont inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Le nom Xochimilco peut se traduire par « lieu du champ de fleurs » en nahuatl (Xochitl, fleur, milli champ, et -co, suffixe de lieu).
Ce lieu étale ses jardins flottants (chinampas) cultivés par les Aztèques à leur apogée, alors qu’ils vivaient encore sur le lac de Tenochtitlan. Il étale aussi ses canaux sillonnés par des barques (« trajineras ») où prennent place, parmi les promeneurs, des orchestres de mariachis. »
(6) Vicente Fernández – El Rey (En Vivo) – YouTube
Une de mes chanson fétiche, que je demandais aux mariachis à chaque passage au Mexique…
J’avoue que, en 13 ans de visites à Mexico, je n’avais jamais mis les pieds à Xochimilco ! Je voulais éviter cet endroit si touristique.
Mais, cette fois-ci, je ne pouvais pas refuser à ma fiancée cette visite « traditionnelle » pour tout visiteur de la capitale mexicaine. Je comptais, donc, sur le « savoir-faire » et le bon goût d’Antonio pour éviter les pièges de cet « attrape-touriste » réputé.
Bien-sûr, Antonio, accompagnés de sa mère et sa sœur, nous a « pilotés », en nous montrant aussi bon nombre d’endroits traditionnels, peu connus par les touristes.
A suivre…
Adrian Irvin ROZEI
Paris, décembre 2022
Quelle splendeur ! Merci de partager ce beau voyage éveillé…