Quand on voit Tomis d’en haut …

Feuilles de journal

Constanța, 22/05/2015 

…on se dit qu’il n’y a rien de plus beau !*

Il y a quelques trente ans, j’ai lu une nouvelle qui racontait un jeu original inventé par des jeunes qui habitaient un quartier de banlieue.

Comme nos héros vivaient dans des immeubles–barre identiques, qui se faisaient face, ils avaient décidé de donner des numéros et des lettres à chaque fenêtre, comme sur un échiquier. Ensuite, à une heure convenue d’avance, ils se postaient, d’habitude en milieu de soirée, à leurs balcons et indiquaient par téléphone aux copains d’en face les coordonnées d’une fenêtre de leur immeuble que, bien entendu, ils ne pouvaient pas apercevoir (A 5, C 8 etc., etc.)

L’ami devait confirmer ce qui se passait derrière la fenêtre désignée. Ils avaient défini aussi un barème (1 point pour une grand-mère qui regarde la télévision, 2 points pour des voisins en train de dîner, 5 points pour un couple qui fait l’amour …) et à la fin de la semaine celui qui avait accumulé le plus de points recevait un cadeau de la part des autres participants au jeu.

Bien sur que, au bout de quelque temps, chacun commençait à connaître les habitudes de ses voisins, ce qui les interpellait si quelque chose d’inhabituel – un vol, une querelle de famille- venait de se passer derrière les fenêtres de l’immeuble d’en face.

J’ai été fasciné par cette intrusion non-agressive dans la vie de mes semblables et chaque fois, quand l’occasion se présente, je guette avec passion du haut de ma tour d’ivoire la manière dont ils se comportent quand ils ne savent pas qu’ils sont regardés.

Et puis, regarder les toits d’une ville, surtout dans des pays où tout ne se réduit pas à des moteurs d’ascenseurs et à des ventilateurs d’air conditionné, peut vous donner des indications précieuses sur la manière de vivre des habitants de cette ville.

Par exemple, au Caire les toits des maisons représentent une nouvelle ville par-dessus la ville construite en béton, avec ses tentes, ses troupeaux de chèvres ou ses enfants qui courent en liberté à près de 50 mètres de hauteur.

Tomis vu du ciel 001_resizeJe pensais à tout cela du haut de la terrasse de mon hôtel à Constanța**, en plein cœur de la vielle ville, « Peninsula » comme l’appellent ses habitants.

C’est un endroit historique !

Deux mille ans d’un passé riche s’entassent sur quelques hectares entourés des trois côtés par la mer. Ici se sont superposés dans le temps les souvenirs de la ville romaine et les églises de toutes les religions d’Europe, les trésors enfouis devant l’avancée des peuples migrateurs, les villas des riches commerçants qui travaillaient avec toutes les Grandes Puissances, les horribles bâtiments de l’époque communiste, les résidences de luxe de quelques nouveaux riches, construites ces dernières années, et les palais baroques ou « Art Déco » de la première moitié du XXème siècle. C’est le bonheur et le malheur de ce lieu d’exception où tu ne peux pas creuser le sol d’à peine quelques centimètres sans tomber sur des vestiges d’il y a deux mille ans, où des villas superbes du XIXème siècle, abandonnées par leurs propriétaires ont été squattées par des populations marginalisées qui n’ont ni les moyens, ni le goût, ni l’intérêt de les entretenir, où d’anciens palais ont été restaurés en les badigeonnant de couleurs « tape à l’œil » et affublés de fenêtres blanches en PVC.

C’est d’autant plus méritoire de constater que des restaurations de bâtiments historiques se multiplient, il est vrai souvent au profit de sociétés commerciales qui n’ont pas dû payer cher des semi-ruines, dans les couleurs acidulées tellement à la mode de nos jours.

Tomis catedrala 001_resizeMais qui ne dépareillent pas dans un pays de soleil au bord de la mer. En tout cas, moins que les buildings de verre et d’aluminium de quelques hôtels et immeubles de rapport dernièrement construits.

La partie la plus spectaculaire reste toutefois la « nouvelle falaise ».

Refaite complètement il y a quelques mois avec les fonds de l’Union Européenne, elle est devenue un musée de sculptures en plein air éparpillées sur une pelouse, ponctuée de kiosques et lampadaires dans l’esprit « 1900 », comme elle avait été conçue à l’origine. Même le parc archéologique qui se trouve devant la Cathédrale orthodoxe est en cours de mise en valeur.

Mais l’endroit le plus spectaculaire reste toujours la colonnade qui entoure le buste du poète national, Mihai Eminescu, dominé par la silhouette élancée du phare génois.

Tomis far 001_resizeLe seul édifice qui continue à se dégrader lentement et surement, est le Casino, « landmark » représentatif du style « Art Nouveau » et symbole de la ville. Mais pour le refaire il faudrait trouver un investisseur qui veuille bien se charger aussi d’organiser son fonctionnement.

Tomis casino 1 001_resizeMalheureusement, pour l’instant, les candidats ne se bousculent pas au portillon. Même s’il est en fer forgé, style « 1900 » !

Adrian Irvin ROZEI, Constanța, mai 2015

*Parodie d’après la chanson de Francis Lopez, interprété par Luis Mariano dans l’opérette « Le Chanteur de Mexico »: « Quand on voit Paris d’en haut … »

** Tomis, Constantiana, Küstendjé, Constanța : les noms grecs, romain, turc, roumain du port sur la Mer Noire, qui a connu tant de maîtres.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

8*lei: legenda:

 

Un mélange de styles inattendu !

 

 

 

Categorie: cu traista prin tara

 

Cuvinte cheie: Tomis, Constanta, casino, falaise, Ion

 

 

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