Feuilles de journal
Tourbes, 6/08/2015
Il y a déjà quelques bonnes années depuis que, en passant presque chaque semaine entre Capestang et Clermont l’Hérault sur la route nationale, j’ai remarqué le nom d’un village des environs : Tourbes, en occitan Torbes. Sa consonance m’a fait penser qu’il devrait y avoir là-bas, ou qu’il existait dans le passé, des tourbières.
Mais, comme à chaque fois, nous passions en vitesse, nous ne sommes jamais sortis de la nationale, afin de connaître ce village. D’autant plus que, depuis l’ouverture de l’autoroute, son nom n’apparaît même plus sur les panneaux de signalisation routière. Il n’y a pas longtemps, en passant là-bas à l’heure du dîner, nous nous sommes dit que, plutôt que de retourner dans les restaurants que nous fréquentons avec assiduité depuis tant de temps au long de la nationale, ça vaudrait la peine de tenter quelque chose de nouveau : un restaurant à Tourbes. Si cela existe !
Tourbes est une localité avec seulement 1500 habitants. Mais elle s’enorgueillit avec quelques monuments traditionnels dans la région.
Bien sûr, le Monument aux morts de la Première Guerre mondiale, sur lequel on a ajouté les plaques qui rappellent les conflagrations suivantes, avec des victimes de loin moins nombreuses que celles de la « Grande Guerre ».
Ensuite, l’église Saint Saturnin, bâtie entre le XIIIe et le XIVe siècle, mais qui, à l’heure à laquelle nous sommes arrivés, était fermée.
En nous promenant dans le village, nous avons découvert que c’est ici qu’est né Gabriel François Venel (1723-1775), docteur, pharmacien et chimiste du XVIIIe siècle.
En dehors de sa participation à la rédaction de « l’Encyclopédie » de Diderot, Venel a laissé sa trace dans l’histoire en inventant « l’eau de Selz », c’est-à-dire l’eau gazeuse des siphons d’aujourd’hui. Je n’ai pas réussi à découvrir en quoi consiste exactement l’invention de Venel, « l’eau de Selz » existant à l’état naturel dans différentes villes thermales d’Europe. Probablement qu’il a ajouté à l’eau pure le gaz carbonique sous pression, ce qui lui a donné la possibilité de l’introduire dans le siphon, d’où elle sort avec force, quand elle est libérée. En tout cas, cette invention a fait un grand succès du XVIIIe au XXe siècle, non seulement dans les bars et restaurants, mais aussi pour l’extinction des incendies.
La localité de Tourbes se présente comme une petite « circulade languedocienne », village méditerranéen entouré d’un mur de défense médiéval. Même si le mur n’existe plus aujourd’hui, son emplacement peut être facilement reconnu d’après le tracé des rues. Ce village présente aussi la particularité d’avoir une population en augmentation constante depuis quarante ans, pendant lesquels elle a doublé.
Il est fort probable que cette population nouvellement arrivée apprécie aussi le caractère historique du lieu. Parce que la majorité des monuments d’architecture de Tourbes sont bien entretenus, restaurés et mis en valeur par des plaques explicatives en plusieurs langues, installées dans les rues.
Mais, au-delà des tourelles médiévales, des passages cachés qui traversent d’une rue à l’autre, des fenêtres ogivales d’époque « Renaissance » ou des villas décorées du XIXe siècle, le village se distingue par des portes impressionnantes, tout autant par leur nombre que par leur variété. Des portes en bois sculptées, en fer forgé, en tôle ou en pierre, surmontées par des lampes en albâtre, en verre ou en métal, avec des marteaux représentant des animaux ou des formes géométriques, peintes dans les couleurs les plus variées. Quelques portes, ouvertes en plein été, sont protégées par des rideaux multicolores, afin de préserver l’intimité des habitants. Et quelquefois on peut remarquer un petit billet, collé sur une porte, qui indique : « Je suis au jardin » (sic !)
Mais nous étions arrivés à Tourbes à la recherche d’un restaurant. Laissant de côté le nouvel établissement ouvert par un Irlandais dans une villa du XIXe siècle, nous avons choisi la pizzeria qui se trouve sur la place du village, juste devant l’église Saint Saturnin.
Ici le menu est simple : que des pizzas multiples et variées !
Mais en dehors de leurs dimensions pantagruéliques et du prix plus que raisonnable, l’attraction du lieu est représentée par l’ambiance et le décor typiquement méditerranéen. Comme s’ils étaient descendus d’un roman de Pagnol !
Et les passants, venus récupérer leurs commandes, transmises par téléphone, qui s’interpellent avec les clients assis aux tables de la terrasse, en employant le même langage coloré que dans les sketchs de Daniel Villalonga, l’humoriste de la région.
Une discussion – interminable – avec les habitants est un plaisir dont on ne peut pas profiter dans un restaurant « chic ». Mais je me suis demandé si ceux avec qui nous avons discuté sur la terrasse, sous les platanes, sont les mêmes que ceux qui habitent derrière les portes en bois sculptées.
Je reviendrai à Tourbes, afin de le vérifier !
Adrian Irvin ROZEI, Tourbes, 6/08/2015
Claire et Harold de Grande Bretagne ont écrit :
… On clique sur chaque porte pour en révéler trois! Avec un chat et des jolis coins et sans doute des siècles entre la porte la plus récente et celle la plus vieille!
Quelle belle promenade a pied ainsi que dans l’histoire…
Thank you very much for this !
Jacques de Nevers a écrit :
Félicitations pour ton compte rendu de visite à Tourbes…..grâce à toi nous visitons sans bouger ….. promis ……… à la première occasion nous nous arrêterons à Tourbes en connaissance de cause….
je me régale en lisant tes articles!
la photo du restaurant de Tourbes me fait penser au café de nuit de VAN GOGH
amitiés
jp