Pascal Sevran, dans son livre: « Lentement, place de l’ Église. », dit :
« Ce que nous écrivons n’intéresse que nous, si par faiblesse il nous arrive de croire à la sincérité de nos amis, nous saurons bientôt que s’ils nous lisent, c’est pour de mauvaises raisons. Seuls quelques inconnus au creux d’un lit, dans un train, sur un banc public et qui nous lisent les larmes aux yeux, justifient notre impardonnable désir de leur plaire. »
C’est vrai qu’on se demande souvent, alors qu’on noircit du papier, et quelque soit le genre qu’on aborde -roman, poésie, nouvelles etc. – pourquoi et pour qui écrit-on.
Certes, il y a des gens qui ont fait de l’écriture un métier. Autrement dit, qu’ils survivent plus ou moins bien grâce à leur « savoir-faire », en noircissant du papier.
J’imagine qu’ils ont tous rêvé, alors qu’ils avaient vingt ans ou moins, au « carmen saeculare »* qui les ferait entrer au Panthéon de la littérature mondiale, couverts d’argent et de gloire. Et que, petit à petit, devant les calamités du quotidien et la nécessité impérieuse de se nourrir chaque jour, ils ont converti leur rêve en technique. Alors, ils noircissent des pages pour tel ou tel journal, ou telle ou telle maison d’édition qui les payent, certainement, trop peu pour ce qu’ils valent, ce qui est sans doute vrai ou, tout au moins, ce qu’ils pensent.
Mais ceux-la sont des forcenés du stylo-plume.
Par ailleurs, il y a d’innombrables « amateurs », qui noircissent aussi du papier avec un faible espoir, souvent même sans espoir du tout, de gagner quelques sous grâce à leurs écrits. Ce sont le plus souvent des gens qui ont un autre métier, qui les nourrit plus ou moins bien, souvent assez bien, sinon ils n’auraient pas le temps de s’occuper de choses « futiles », mais qui rêvent tout au long de la journée de dur labeur au moment où ils vont se mettre à leur « table de travail », le vrai travail à leurs yeux, et… écrire !
Le plus souvent ce moment, tant attendu, est aussi un moment de torture. Parce que, ayant le sentiment d’avoir rendez-vous avec « l’éternité », ils sont tendus, excités, convulsés, stressés par leurs angoisse de ne pas pouvoir s’extérioriser, quand ce n’est pas par la peur d’avoir oublié un élément du savoir qu’ils espèrent arriver à transmettre.
Alors, pourquoi, diable, se tuent-ils à écrire et à vouloir, en plus, être publiés ? Il doit y avoir mille raisons, les unes plus obscures que les autres.
Quant à moi, je me le suis demandé au moins cent fois !
Au début, j’ai pensé qu’il s’agissait de la satisfaction de voir son nom imprimé en bas d’une page de journal ou de revue. Mais cette satisfaction flétrit très vite. Alors pourquoi continuer ?
Pour ma part, après avoir couru un nombre incalculable de pays, de musées, de lieux plus ou moins exotiques, je suis arrivé au moment où, à l’accumulation, je préfère le partage.
Cela veut dire qu’en plus de découvrir des choses nouvelles, j’ai besoin de partager ces découvertes.
Certes, on peut raconter toutes ces aventures ou rencontres exceptionnelles à ceux qui vous entourent. Mais, en dehors du fait qu’ils n’ont jamais le temps et, le plus souvent, l’envie de vous écouter, vous avez toujours quelques difficultés à mettre en forme l’histoire que vous devez raconter au pied levé. Et vous risquez ainsi de passer à côté de l’effet escompté.
Alors, il ne reste plus que l’écriture. Qui est aussi une manière de faire l’amour avec des dizaines de personnes à la fois, si vous arrivez à les amener au « septième ciel » !
Mais, c’est là où les vers de Brassens concernant le « savoir-faire » de l’amour, prennent toute leur valeur :
Que j’en ai le talent, le génie, loin s’en faut
Pas une seule encore ne m’a crié “Bravo”.
Eh, oui ! Il ne nous suffit pas de faire l’amour avec nos lecteurs. Nous voulons, en plus, qu’ils crient : Bravo !
Et c’est pour cela que nous nous donnons tant de mal !
En ce qui me concerne, tel que le disait Pascal Sevran, j’attends toujours le message du lecteur de la gare, du banc public ou du fond du lit.
Et pour faciliter sa démarche, je joins mon adresse e-mail !
Adrian Irvin ROZEI
Paris, Quartier Latin, juillet 2004
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*Le Chant séculaire ou Poème séculaire (en latin : Carmen saeculare) est un hymne religieux latin écrit par Horace à la suite d’une commande d’Auguste, puis chanté par un chœur mixte d’enfants ou d’adolescents à l’occasion des jeux séculaires de 17 av. J.-C. Il s’inscrit dans la tradition grecque du péan, chant d’action de grâce à Apollon, et dans les thèmes développés par les poètes de l’époque, en particulier de Virgile.
La commande de ce poème a constitué un tournant dans la carrière d’Horace : elle l’a fait revenir à la poésie lyrique et l’a élevé au rang de poète national.
Bravo 😉
👏👏👏👏… Quel talent !!! Je vois bien ce personnage parcourir les océans de mon imagination en chevauchant une Licorne tout en chantant du Brassens… Mais d’après ce que l’on raconte dans les milieux autorisés, il le fait tout les jours vers 18 h dans son jardin… À vérifier.. 😉
Si tu veux vérifier si nous te lisons, eh bien oui moi je te lis -presque toujours pour ne pas mentir- avec grand plaisir, même sans reply.
T´embrasse
Toujours agréable à lire…quel talent!!!
vraiment Bravo Adrian pour partager avec nous tes experiences
C’est toujours un plaisir lire tes articles et pouvoir retourner dans le passée
que pafois on a partagé.
Continue a nous regaler