Feuilles de journal
Boulogne, le 11/12/2019
En voyant ces braves pandores
Être à deux doigts de succomber
Moi, je bichais car je les adore
Sous la forme de macchabées …
Georges Brassens, Hécatombe, 1953
En 1967, quand je suis arrivé à l’Ecole des Mines de Saint-Etienne, j’ai découvert une tradition qui faisait la joie de mes collègues. Elle s’appelait : « La journée des exploits ».
De quoi s’agissait-il ? Simple !
Au début de l’année scolaire, le « bureau de direction » de « l’Association des élèves » se réunissait pour choisir une date à laquelle, pendant tout un après-midi, les élèves de première année (les volailles) allaient se surpasser, en réalisant « des exploits » dans la ville.
On leur avait défini une belle liste d’exploits, comme, par exemple, mettre un pédalo dans le bassin de la place centrale de Saint-Etienne, vendre la pilule, habillés en curé ou en bonne-sœur, faire la quête au profit des mineurs nécessiteux dans des passages souterrains, déverser quelques charrettes à bras remplies de vieux pneus aux carrefours stratégiques de la capitale stéphanoise, patauger dans les eaux d’une fontaine mélangées avec du produit moussant etc., etc.
En un mot, embêter au maximum les locaux et, surtout, rendre ridicules les forces de police, qui avaient reçu pour consigne de « maintenir l’ordre », malgré le sourire amusé d’une bonne partie des habitants de la ville.
En vérité, le but non-avoué de ces « exploits », était de créer, à bon compte, une solidarité du souvenir entre les élèves de l’Ecole et les anciens élèves.
Comment ça ? En leur imposant, pour accomplir tous ces exploits, de s’adresser à leurs anciens, les seuls capables de trouver la solution au problème posé !
Par exemple, pour amener une « presse de 5 tonnes » dans l’entrée de l’Ecole, il fallait savoir qu’une maquette légère d’un tel engin se trouvait dans un établissement de la ville, dont un de nos anciens était le directeur !
Parmi les « exploits » exigés, il y en avait un qui revenait, d’année en année avec régularité : bloquer la circulation dans la fameuse Grand’rue qui traverse la ville !
Le déroulement de l’opération se faisait toujours d’après un « timing » bien rodé :
-d’abord, il fallait obtenir une chaîne de « convoyeur à bandes », utilisée au fond de la mine, de plusieurs dizaines de kilos,
-l’enrouler dans une poubelle en plastique facilement transportable,
-s’exercer afin de la dérouler, à 3 ou 4, en quelques minutes,
-se procurer deux solides cadenas, avec lesquels d’autres collègues allaient attacher la chaîne sur les rambardes qui empêchaient les passants de traverser la Grand’rue à l’endroit le plus central de la ville. Exactement là où le tramway, la route et les passages cloutés se croisaient !
Cette opération allait se dérouler, de préférence, le mercredi ou le samedi après-midi, journées d’affluence au moment des achats suivant la rentrée des classes, afin que la pagaille puisse atteindre son sommet !
Bien sûr, les pandores, sur le qui vive, ne nous laissaient que quelques minutes, généralement en profitant de leur inattention ou d’une diversion savamment organisée, pour pouvoir accomplir notre coupable exploit !
Une fois la chaîne installée et la circulation bloquée, les autres élèves de l’Ecoles se retrouvaient, au milieu de la foule, et chantaient à tue tête des chansons de Corps de garde ou, tout simplement, « Le Chameau », l’hymne de l’Ecole.
Là, les flics ne savaient plus où donner de la tête !
Courser les élèves, tenter de débloquer la circulation en détournant le trafic ou enlever la chaîne qui semait la pagaille.
Bien sûr, caché dans la foule, le président des élèves avait dans sa poche les clés des cadenas pour pouvoir intervenir en cas d’urgence majeure qui aurait dépassé la simple rigolade des joyeux potaches.
Mais, l’expérience montre qu’à chaque fois, les policiers amenaient un « spécialiste » de l’ouverture des cadenas qui, muni d’une scie à métaux, s’attaquait aux cadenas en essayant de les couper. Toute personne de bon sens aurait tenté de scier la chaîne en fer. Non ! Eux s’attaquaient toujours… à l’acier inoxydable! Ce qui prenait beaucoup plus de temps et, souvent, sans un grand succès !
Sauf que, la logique du premier venu, n’est pas la logique des « pandores » (policiers obéissants et passifs) !
Et c’est justement ça qui faisait la joie de mes collègues, à juste titre !
* * *
Je viens de rentrer de New-York, aux Etats-Unis.
A l’arrivée de l’avion, j’ai constaté avec étonnement que ma valise était ouverte !
Je suis allé, sans rien toucher, au comptoir du « Service de réclamations bagages » de la compagnie qui m’avait transporté.
La préposée, sans même jeter un coup d’œil à ma valise, m’a dit :
« Regardez à l’intérieur. Il doit y avoir un papier de la douane américaine ! »
Effectivement, à l’intérieur il y avait un papier double face, en trois couleurs et deux langues (anglais et espagnol), qui dit:
« Transportation Security Administration »
NOTICE OF BAGGAGE INSPECTION
Ensuite, une longue explication pour m’informer que ma valise a été choisie, parmi les bagages enregistrés, pour être inspectée. Et que, le bagage étant fermé, le policier a été probablement obligé de casser le cadenas.
Si TSA regrette sincèrement ( ?) d’avoir eu besoin de le faire, elle n’est pas responsable pour le dommage résultant de cette «précaution nécessaire pour la sécurité ».
Et je passe sur les commentaires et avis démagogiques que tout un chacun peut lire dans le texte attaché.
Ce qui m’a surtout étonné, c’est que la douane américaine, si sophistiquée par ailleurs, n’ait pas trouvé… une simple clé pour ouvrir le cadenas !
Sachant que n’importe quel voleur, tant soit peu de métier, l’aurait trouvé en quelques secondes !
Et que les équipements de dernière génération dont ils disposent n’aient pas su déterminer la nature du contenu, alors que le scan, dans lequel on nous fait passer à l’aéroport, indique clairement qu’il s’agit « d’une recherche millimétrique et non seulement de pièces métalliques » !
Mais, encore plus étrange, le cadenas porte des signes visibles d’une tentative de découpe… sur la partie en acier inoxydable ! Alors que le corps du cadenas est en plastique et laiton !
Les douaniers américains auraient-ils suivi les mêmes cours de formation que les policiers français de Saint-Etienne d’il y a 50 ans ?
Au moment où l’on nous parle tous les jours des merveilles de « l’intelligence artificielle » qui va changer la face du monde, on est en droit de se poser la question !
Adrian Irvin ROZEI
Boulogne, décembre 2019
*pandore \pɑ̃.dɔʁ\ masculin(Argot) Gendarme ou policier obéissant et passif
Estupendo Adrián: Feliz Año Nuevo!!! Estrezlla
Ce monde est fou ! Bonne année 2020 !
Adrian,
Merci pour ton humour.
Merci aussi pour me rajeunir de 58 ans en me ramenant à ma journée des exploits en septembre1961.
Ta mésaventure a quelque chose de rassurant en démontrant un invariant dans le comportement des pandores alors que le reste du monde évolue peut être trop vite.
Bonne Année avec santé et optimisme.
Merci Adrien pour ces souvenirs heureux….
Meileurs voeux de bonne et heureuse année 2020…à toi et ta famille.
peut être se retrouver avec les camarades une nouvelle fois ?
Amitiés
Bernard Oriol
Bonne année Adrien et merci pour cet écho.
Un petit rappel : en 1967, Jean Leroy était à la tête du commando qui faisait chuter des bidons vides ( pas des pneus) par centaines de charrettes bondées en pleine avenue de la Libération au croisement de la rue du Grand Moulin.
C’était un joyeux drille et un camarade délicieux dont la mort nous a privé de sa présence dans nos retrouvailles récentes.
Bonne Année 2020, pour toi aussi!
Tout ce que tu racontes est bien vrai.Seulement, en septembre 1967, moi je n’étais pas encore à l’École. Je ne suis arrivé qu’en octobre.
Donc, je n’ai participé qu’aux ‘Journées des exploits’ qu’en 1968 et 1969. Quel dommage! J’en pleure encore!😥
Bien! Je me suis rattrapé par la suite et je compte en profiter encore longtemps. Si Dios quiere!
Bonne Année 2020, pour toi aussi!
Tout ce que tu racontes est bien vrai.Seulement, en septembre 1967, moi je n’étais pas encore à l’École. Je ne suis arrivé qu’en octobre.
Donc, je n’ai participé qu’aux ‘Journées des exploits’ qu’en 1968 et 1969. Quel dommage! J’en pleure encore!😥
Bien! Je me suis rattrapé par la suite et je compte en profiter encore longtemps. Si Dios quiere!