Otro modelo, otro color ! (IV)

La Bastide Vieille, le 17/02/2020

 

 L’étape romaine était le moment clé de ce périple israélo-italien ! 

Puisque, dans les étapes précédentes, il s’agissait de ramasser les fruits des actions du passé, alors qu’à Rome il fallait livrer une nouvelle bataille : celle de l’encadrement des tableaux argentins !

Les données du problème étaient connues et définies de longue date. Il s’agissait, dans un premier temps, de trouver des cadres adaptés aux peintures de style colonial sud-américain, à un prix raisonnable, et  faire faire le travail dans le laps de temps dont je disposais à Rome. 

Dans un deuxième temps, arriver à transporter les tableaux encadrés en avion, jusqu’à Paris, sans me ruiner et sans les abîmer !  

Plutôt simple !

Facile à dire ! Mais à réaliser ? Les paris sont ouverts. 

Je bénéficiais, heureusement, de l’expérience du passé : trois tableaux encadrés déjà à Rome et trimbalés à travers 5 pays européens. 

« L’étude de marché » étant faite auparavant, je suis allé, dès mon arrivée chez mon « corniciaio » préféré, qui travaille très bien, qui pratique des prix raisonnables et qui ne demande pas des semaines d’attente pour effectuer un travail qui prend deux heures !

 D’ailleurs, à notre première rencontre, il m’a  proposé de lui apporter mon tableau le soir, de l’encadrer chez lui et de me le rendre le lendemain matin à 7 heures, au bar du coin de la rue de mon hôtel, avant que je prenne l’avion pour Paris ! Qui dit mieux ? 

J’avoue que je n’ai pas eu le courage de me lancer dans cette aventure. Ce qui c’est traduit par un autre tour de l’Europe du tableau, avant de le faire encadrer chez le même artisan, six mois plus tard ! 

Je suis allé donc avec mes « ángeles arcabuceros», bien enroulés sous le bras, qui avaient voyagé déjà depuis l’Argentine, à travers le Brésil, les Etats-Unis, la France et Israël, au « Cornici Mancini » à Rome. 

Dès que je suis entré dans la boutique, Sgn. Onorato et tous ses employés ont reconnu « le fou qui vient de Paris pour faire encadrer ses tableaux chez nous ! ». Je n’ai pas hésité à leur faire mes compliments : « Vous êtes les meilleurs au monde ! » Et, qui plus est, je le pense sincèrement !    

Dans ces conditions, j’avais les moyens d’imposer mes critères.

Avec l’aide et les conseils du patron, j’ai choisi un cadre, j’ai négocié le prix et le délai d’exécution, à mon avantage… et je suis allé me promener dans Rome !

J’ai, quand même, téléphoné deux fois, le lendemain, pour m’assurer que le cadre que j’avais choisi a été livré et que le travail était en cours. 

Tout ça parce que, la dernière fois, ils ne m’ont pas averti que le modèle de cadre que je voulais  n’était pas disponible. Ce qui les a obligés à faire le travail en une heure et même de peindre le cadre en bleu, puisque j’avais refusé le vert existant, juste avant le départ de mon avion ! 

« Chat échaudé craint l’eau froide ! ». Ou, comme disent les roumains : « Celui qui s’est brûlé avec la soupe, souffle même dans le yaourt ! » (goût bulgare!) 

Cette fois-ci, tout c’est passé à merveille ! Même qu’ils ont fini le travail… la veille du jour convenu !

Mais, entretemps, j’avais compris que la taille des tableaux, une fois emballés, ne permettrait pas de les prendre en cabine. J’ai donc dû acheter un « bagage supplémentaire » pour mon vol Rome – Paris. 

Pas cher : 20 Euro ! Mais, j’ai mis, sur ma tablette, plus de temps pour finaliser cet achat, que Sgn. Onorato pour encadrer mes tableaux ! En passant par 30 questions subsidiaires (quel siège, quelle assurance, quel poids…). Pour le peu, j’aurais dû leur indiquer… la pointure de mes chaussures ! 

Au dernier moment, vers 19h30, alors que la boutique ferme à 19 heures, j’ai exigé un emballage « spécial avion ». Ce que le patron a réalisé en un tour de main, sans rien demander ! 

C’est ça le « service personnalisé », comme je l’aime !   

Et puis, à l’aéroport, où je craignais des chichis à l’enregistrement, j’ai conté des histoires à l’employé. Il a bien rigolé et m’a envoyé à l’enregistrement des « objets surdimensionnés ». 

Là-bas, je m’attendais au pire ! Pas du tout.  

Une fois déposés sur le tapis roulant, j’ai vu partir tranquillement mes tableaux, entre la cage d’un berger allemand et celle d’un chat siamois, qu’une petite fille cajolait, à travers la boîte, aux sons stridents des aboiements du clebs mécontent !  

J’ai retrouvé mes tableaux à Orly, toujours sur le tapis dédié aux « objets surdimensionnés », mais sans le voisinage du chat ou du chien. Mais, j’avais appris, à Rome, qu’il n’y a qu’un seul comptoir des « surdimensionnés » pour  toutes les destinations. 

Encore heureux que mes tableaux ne soient pas allés à Ouagadougou !

Bof ! Cella n’aurait fait qu’un continent et un pays de plus ! 

                 « Pas la peine, pas la peine de se battre !
                   Quand y’en a pour trois, y’en a pour quatre ! » 

*   *   *

J’ai bien profité de mon temps libre à Rome ! 

Tout d’abord, j’ai participé à la « Journée d’études » sur « La topographie de la zone nord du Forum de Trajan » dans « l’Auditorium de l’Ara Pacis » de l’empereur Auguste.

J’étais invité à ce colloque par la Dott.ssa Claudia Valeri du « Reparto Antichità Grche e Romane » des Musées du Vatican. 

Elle est la grande spécialiste de la Colonne Trajane. Nous sommes en contact depuis quelques mois pour des sujets en rapport avec ce monument, surnommé « l’acte de naissance du peuple roumain ».

J’espère pouvoir raconter cette aventure, une fois que les développements en cours auront abouti ! 

Mais, en attendant, j’ai appris énormément de choses en écoutant les remarquables exposés des conférenciers, les plus réputés spécialistes du monde romain de l’antiquité. 

Là-bas, j’ai fait la connaissance de la Dott.ssa Lucrezia Ungaro, réputée spécialiste du statuaire antique romain, avec qui j’aimerai beaucoup parler des « figure dei “Daci” nel Foro di Traiano ».

C’est prévu pour la prochaine visite à Rome ! Probablement, dans 4 mois. 

 *   *   *

 La déscription des visites, pendant les 3 jours passés à Rome, entre le Musée Braschi, les expositions «Impressionisti segreti » au Palazzo Bonaparte, la collection des moulages de la Villa Médicis, « L’enigma del Reale » au Palazzo Corsini, le passage obligé à la « Galleria Nazionale Barberini », « Canova » à la Piazza Navona… alourdiraient de trop ce récit. 

Une autre fois, je raconterai l’aventure du « meilleur café au monde » à la Piazza Sant Eustachio. 

Mais, il y a une visite qui m’a marqué particulièrement et que je me refuse de passer sous silence : celle de la Villa Borghese ! 

J’avais remarqué dans le numéro de janvier de la revue « Antiquariato », que je lis religieusement tous les mois, l’annonce de l’exposition  « Valadier. Splendore nella Roma del Settecento », à la Galleria Borghese. 

D’ailleurs, les images qui illustreront la suite de ce texte, seront reprises dans cette revue : il est formellement  interdit de prendre la moindre photo dans l’exposition ! Et les Cerbères grouillent dans chaque pièce.   Et ils ne sont pas en marbre, comme sur la statue  « à l’antique » de Bernini ! 

Je connais la Galleria Borghese depuis ma première visite à Rome.

Je suis passé dans son voisinage des dizaines de fois, ces 50 dernières années.

Mais, je viens de m’apercevoir que je n’y suis pas entré depuis… 1968 !

« Comment t’essplique ? », comme disaient mes fils à l’âge de 5 ans. 

A la « Villa Borghese » en 1968 et en 2020 ! Les 50 ans sont passés… comme un rêve !

C’est en parlant avec l’une des surveillantes de l’endroit, que j’ai découvert que :

« Fermée en 1983, la galerie subit une restauration complète durant quatorze ans, redonnant à l’extérieur de l’édifice son aspect original avec ses enduits, ses statues en façade, et surtout, son escalier d’entrée à deux rampes. La galerie ouvre à nouveau ses portes en juin 1997. » 

L’exposition « Valadier » était donc une excellente occasion de retourner à la « Galleria Borghese » ! 

Mais, tout d’abord, j’ai fait un tour dans le parc de la Villa Borghese, en passant devant l’un de mes endroits préférés : « Casina Valadier ».

Qui se trouve… sur la Piazza Bucarest. Tout s’explique ! 

L’exposition sur  Luigi Valadier ( Rome, 26 Février 1726 – Rome, 15 Septembre 1785 ) a été un choc ! 

Les quelques 90 objets, des sculptures sacrées, des accessoires liturgiques, de l’argent travaillé, des bronzes, du métal doré ou argenté en couverts et décorations de table, des marbres ou des pierres dures… qui s’entremêlent avec les collections permanentes et les fresques de la Gallérie… il y a de quoi tourner la tête de plus d’un amateur d’art !

 On pourrait y passer la journée ! Mais, le ticket d’entrée ne donne droit qu’à deux heures. Totalement insuffisant ! Il faudrait y revenir. Sauf que l’exposition ferme le 2 février. Je l’ai attrapée… in extremis ! 

Parmi les œuvres d’art de la collection permanente de la galerie, dont je me souviens parfaitement depuis ma visite en 1968, il y avait « L’Hermaphrodite endormi »  et la célèbre sculpture de Canova « Pauline Borghèse en Vénus victorieuse ».

Ainsi, j’ai tourné un long moment autour de Pauline, pour l’admirer sous toutes les coutures ! 

Pauline et « cannolo siciliano »! La même douceur blanche! « On en mangerait! », comme chantait Boby Lapointe.*

Derrière moi,  une américaine frisant la huitième décennie  de vie, discourait,  en anglais, pour un jeune américain, et faisait profiter de son soit disant savoir tous les visiteurs : «Pauline n’était pas du tout comme ça ! Elle avait commandité l’œuvre, donc elle s’est fait « embellir » par Canova. C’est du photo-shop ! ». 

Mon sang n’a fait qu’un tour ! 

« Vous êtes jalouse ! », je lui ai lancé, en anglais.

Elle a fait semblant de ne pas comprendre. Alors, j’ai repris en italien: « Comment savez-vous ça ? »

« On a trouvé des dessins dans les archives du Louvre ! »

Et elle m’a tourné le dos, en entrainant avec elle le jeune homme qui n’avait rien compris à notre controverse.

 Toutefois, cette affirmation m’a « interpellé » (comme on dit de nos jours !)

Et j’ai potassé, un peu, le sujet ! 

Pauline avait 23 ans quand elle a posé pour le grand sculpteur.

« Caractéristique du style néoclassique du sculpteur, l’œuvre fit scandale à cause de la rumeur que la princesse avait posé nue pour la sculpture, ce qu’elle-même avait délibérément voulue, tout en sachant que cela scandaliserait… Elle évoque l’Aphrodite (Vénus) victorieuse… pour rendre hommage à la beauté triomphante de la princesse Borghèse, elle qui comptait parmi les plus belles femmes de son temps. » 

Qui plus est,

« plus tard, plus âgée et flétrie par la maladie qui devait l’emporter en 1825, Pauline Bonaparte ne supporta plus la vue de la statue, ni que le public puisse la voir et ainsi la comparer à son ancienne jeunesse. ».

J’ai compris ainsi que j’étais tombé, sans le savoir, sur une de ces vieilles rombières gaucho-anarchistes, probablement défenseuse déclarée du « droit des femmes à disposer de leur corps », qui n’hésitent pas à réinterpréter à leur façon la vérité et l’histoire, pour s’en servir dans le cadre de leur « juste combat ».

Et ceci m’a rappelé le commentaire que nous utilisions, il y a un demi-siècle, dans la Roumanie communiste, où l’histoire du pays variait en fonction des intérêts du Parti : « L’avenir est certain (le communisme victorieux !), le passé est imprévisible ! ». 

  *   *   * 

J’ai fini la soirée, selon une bonne tradition instaurée depuis quelques années, avec… un autre Valadier !

« Popolo », en 1909, en 1968 et en 2020 !

J’ai traversé d’abord la Piazza del Popolo, dessinée par Giuseppe Valadier, le fils du précédent, « architecteurbanistearchéologue italien, né le 4 avril  1762 à Rome et mort dans la même ville le 1er février 1839 ». 

J’ai pris ensuite un capuccino à « L’Hôtel de Russie », toujours un projet de Giuseppe Valadier.

Je viens ici toujours tard dans la soirée.  Le plus souvent, il n’y a plus beaucoup de monde dans le jardin. Mais, cette fois-ci… il n’y avait personne ! Mois de janvier oblige ! 

J’allais partir, quand un « cameriere » m’a demandé ce que je souhaite. « Rien qu’un capuccino ! »

« Tout de suite ! ».

Il a allumé les chauffages au gaz et il est venu me faire la conversation !

Une fois de plus, un « service personnalisé ». Pour la modique somme de 8 Euro, petits fours compris ! 

Ensuite, j’ai descendu à pied la « Via del Babuino », jusqu’à la « Place d’Espagne », en admirant les vitrines des grands couturiers internationaux. 

L’humidité de la journée faisait du goudron de la voie un miroir luisant dans lequel se reflétaient les lumières des vitrines éclairées.

J’étais seul ; la ville m’appartenait ! 

Que peut-on demander de plus ? C’est ça le bonheur ! 

« Pourvou que ça doure ! », comme disait Laetitia Bonaparte, la maman de qui vous savez, celle qui a fini sa vie au bout du Corso, à quelques pas seulement de l’endroit où je me trouvais.  

*   *   * 

Assis confortablement dans le T.G.V. qui m’amène de Paris à Béziers, je somnole tranquillement, tout en passant en revue l’histoire des quatre derniers mois. Mais, je garde un œil sur mes tableaux, bien emballés et cachés entre deux rangées de sièges.

Prudence ! Prudence ! Il m’est déjà arrivé de surprendre un monsieur « bien sous tout rapport », qui tentait de descendre du train avec ma valise à la main, dans la gare de Montreux ! Alors que moi j’allais à Milan ! 

Ça fait 4 mois que je ne suis pas allé dans notre maison, près de Béziers ! Cella ne m’est pas arrivée depuis 13 ans !

 Mais, en octobre, la voie de chemin de fer a été emportée par un orage et la circulation des trains a été interrompue pendant 3 semaines.

En novembre, j’étais « aux Amériques ».

En décembre, j’avais prévu d’y aller. Mais, c’était sans compter avec « l’arrêt de travail d’une certaine catégorie de personnel », qui faisait que le voyage, entre Paris et Béziers, prenait, au moins, 9heures !

En janvier, je suis parti en Israël et en Italie. 

Et, maintenant, me voilà enfin en route vers Béziers, accompagné de trois tableaux venus d’Amérique du sud et encadrés à Rome ! 

Le bilan financier de cette opération est plus que positif !

Deux tableaux sur toile de « l’Ecole de Cuzco », encadrés avec du bois doré à l’or fin à 115 Euro/pièce, et une peinture à l’huile sur bois dont le coût final est de 47 Euro ! Qui dit mieux ? 

Maintenant, il s’agit de trouver les emplacements appropriés dans notre maison.

Les spiritistes font tourner les tables. Moi, je fais tourner les tableaux !

« Et, si l’on remplaçait celui-ci par celui-là ? Es-ce que celui de l’escalier ne serait pas mieux dans la salle à manger ? Faisons un essai !» 

Au bout d’un moment, chaque tableau trouve sa place. Qu’elle ne va plus quitter… jusqu’au « prochain arrivage » !

Mais, ce que je regrette le plus, c’est que je ne serai pas ici dans 150 ans, quand on  pourra lire, dans les revues d’art spécialisées, que deux tableaux de « l’Ecole de Cuzco » du XVIIe siècle ont été trouvés dans un grenier de la région de Béziers ! Et que

« l’authentification d’une telle toile provoque toujours passions et polémiques. D’autant qu’aucun tableau de ce genre ne s’est vendu sur le sol français depuis plus d’un siècle. On ne connaît d’ailleurs qu’une centaine de ces toiles, dispersées à travers le monde. » ** 

Sans pouvoir expliquer leur provenance, mais estimant leur valeur à plusieurs millions d’Euros. 

De là où je serai, je vais bien me marrer ! 

                                                    Adrian Irvin ROZEI

                                            La Bastide Vieille, février 2020

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* « … Rien n’est plus beau que la retraite aux flambeaux
Sauf peut-être ma cousine
Pauline
Qui s’est fait une indéfrisable
Elle est admirable, on en mangerait…
»

 

Boby Lapointe – La peinture à l’huile

 **Commentaire récent sur une trouvaille caravagesque, dans la région de Toulouse !

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SERVICE APRES VENTE

De passage sur les Champs-Elysées, je découvre dans la vitrine de la boutique « Eric Bompard », la bien connue société française spécialisée dans le cachemire, des tableaux avec des cadres presque identiques aux miens.

J’aimerais tellement savoir quel a été leur prix !

Mais ça, c’est « secret défense » !

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