« Murales », « fresques »… l’aventure continue ! (IV)

Boulogne, le 20/04/2024

 

Cette lettre mérite quelques clarifications !

Tout d’abord : « Pendant l’entracte vous m’avez beaucoup impressionné avec votre connaissance sur l’architecture de l’Opéra. »

Je dois préciser que la vie, les goûts, les initiatives culturelles du roi Gustav III m’ont passionné depuis les années ’70, au moment de ma première visite en Suède. 

Il faut dire que non seulement sa personnalité, par ses goûts et son éducation, est très proche de la culture française, mais aussi que la Suède, qui n’a pas souffert des destructions violentes de la Révolution française, garde encore aujourd’hui des témoignages vivants de cette époque.

Ainsi, j’ai eu l’occasion d’écrire des textes en rapport avec cette époque brillante de l’histoire suédoise.

Mon texte le plus proche de « l’architecture de l’Opéra » de Stockholm a été publié en 2006 et l’on peut le retrouver sur mon site à l’adresse :

Mona Lisa din Stockholm | ADRIAN ROZEI (adrian-rozei.net) en roumain et sans illustrations !

« Nobody is perfect ! » Comme chante Renaud « …il faut aimer la vie
L’aimer même si le temps est assassin et emporte avec lui
Les rires des enfants
Et les Mistral Gagnants
 »… tout comme les illustrations des textes d’il y a 20 ans !

Néanmoins, pour faciliter l’accès au texte mentionné à ceux qui ne maîtrisent pas (encore !) la langue roumaine, j’ai décidé de… faire un effort !

J’ai fait traduire par l’IA en français l’extrait du texte qui concerne le sujet d’aujourd’hui.

Le voilà plus bas. Ceux qui comprennent le roumain, ou que cela n’intéresse pas,… peuvent passer directement au paragraphe suivant, en caractères gras !


« Le 16 mars 1792, un somptueux bal masqué fut prévu dans les salles du Royal Opera House de Stockholm.

Le bâtiment de l’opéra, qui se trouve encore aujourd’hui au centre de la capitale suédoise, en face du palais royal, a été construit selon les plans de l’architecte suédois Carl Frederick Adelcranz et inauguré dix ans auparavant, selon la volonté du roi Gustav III.

Cependant, ce n’est pas le seul opéra que Gustav III fit construire, car il avait également aménagé les salles des châteaux de Gripsholm et de Drottningholm, monuments artistiques qui nous sont parvenues intactes et qui sont aujourd’hui deux témoignages sans précédent de la technique théâtrale du 18ème siècle . 

Gustav III, homme d’art passionné, rêvait de créer un style artistique suédois qu’il considérait comme le vecteur le plus approprié pour valoriser la grandeur de l’histoire nationale. Il écrivit lui-même des pièces de théâtre, choisissant comme héros ses prédécesseurs : Gustav Vasa, le libérateur de la Suède, et Gustav II Adolf, le grand roi conciliateur.

C’était d’ailleurs le rôle que rêvait de jouer Gustav III, une sorte d’Henri IV tel que le présentait Voltaire, et c’était l’image qu’il voulait laisser dans l’histoire. Cependant, dans la pratique, cette course effrénée à la grandeur lui fit provoquer des guerres avec ses puissants voisins, la Russie et le Danemark, dont il espérait récupérer de nouveaux territoires, comme la Carélie et Viborg ou la Norvège. 

Ce qui ne l’a pas empêché durant les 22 années de son règne de nouer et de rompre des alliances avec les grandes puissances européennes, même avec celles contre lesquelles, tôt ou tard, il allait déclarer la guerre. Toutes ces activités politiques, ainsi que l’autoritarisme avec lequel il régnait sur la noblesse suédoise, lui laissaient encore le temps nécessaire pour se consacrer étroitement aux arts, écrire, dessiner les plans des différents édifices qu’il voulait construire, voire même voyager à travers l’Europe, à la recherche de monuments et d’œuvres d’art de l’Antiquité. 

Ainsi, en 1783, un voyage prétendument culturel en Italie lui permet non seulement de visiter les monuments artistiques de l’Antiquité et de la Renaissance, mais aussi de renforcer les liens politiques avec les cours italienne et française.

A l’occasion de sa visite à Versailles, il parvient également à convaincre le roi Louis XVI du rôle politique et militaire que la Suède pourrait jouer en Europe du Nord et ainsi obtenir une subvention de 1,2 million de livres, pour cinq ans. 

L’admiration de Gustav III pour la culture et la mode françaises s’est traduite, entre autres, par la création du « style gustavien », essentiellement une variante du genre français qui régnait à la cour de Louis XVI, et que l’on retrouve dans la décoration et le mobilier des châteaux construits à l’époque, que l’on peut encore voir en Suède aujourd’hui, presque inchangés. 

Il est vrai que le fait d’être quelque peu en dehors des grands axes d’invasion de l’histoire et l’absence de révolutions destructrices, comme celle de France, ont protégé, dans une certaine mesure, les monuments nationaux de ce pays. 

Toute cette activité fébrile menée par le roi nécessitait d’énormes fonds et, en dernière instance, asséchait le trésor public, créant des conflits permanents avec le Parlement (Riksdag), qui se voyait obligé de voter de nouveaux impôts. C’est ainsi qu’à certaines occasions, une alliance objective s’est formée au Parlement entre les représentants de la noblesse et de la paysannerie, les deux principales classes de la société suédoise de l’époque, destinée à boycotter les propositions royales.

Encore plus! En 1792, la noblesse mécontente avait commencé à préparer un complot contre le roi dans le but de le prendre en otage pour une éventuelle abdication ou peut-être même de l’assassiner. 

Cependant, le 16 mars 1792, alors que le roi, qui se trouvait dans une loge de l’opéra où le coiffeur royal le préparait pour l’entrée dans la salle du bal masquée, il remarqua une note, trouvée sur une commode, avec la mention : « Pour Sa Majestés, secrète et importante ».  Il n’y prêta aucune attention. 

Puis, lorsqu’il crut reconnaître l’écriture du billet, le roi ouvrit la lettre et lut : « Sire, prêtez attention aux conseils d’une personne qui n’est pas à votre service, qui ne recherche aucune faveur, qui n’a aucun droit pour excuser vos crimes et qui souhaite néanmoins écarter le danger qui vous menace. Soyez assuré qu’un complot a été ourdi pour vous assassiner. Ceux qui font partie de la conspiration sont en colère parce que le bal de la semaine dernière a été annulé. Ils ont décidé d’exécuter leurs plans aujourd’hui. Restez à la maison et évitez d’aller aux bals pour le reste de l’hiver. De cette façon, le fanatisme du crime se dissipera. »

 Il y avait des indications sur l’identité de l’auteur de la lettre, qui déclarait qu’il le mettait en garde uniquement parce qu’il détestait l’idée d’un assassinat.

Le baron Bjelke, qui faisait également partie du complot et à qui le roi montra la missive, avec une présence d’esprit et une connaissance du caractère royal sans précédent, expliqua au roi que l’auteur du message cherchait à l’intimider et à le dissuader de participer à toute manifestation mondaine. 

“Pour m’intimider ! Quel homme pourrait être fier d’une telle idée ? Je ne prête aucune attention à ces absurdités. Si j’écoutais tous les avertissements que je reçois, je ne bénéficierais pas d’un moment de paix et j’aurais constamment peur d’être assassiné. »

Comme à son habitude, fier et hautain, le roi décide d’assister au bal masqué. “Si l’auteur insolent fait mine de se moquer de moi, il dira que le roi avait peur !”

 Après une longue attente, les trompettes annoncent enfin l’entrée de Sa Majesté dans la salle de bal. Enthousiaste et apparemment sans inquiétude, le roi apparaît, appuyé au bras du comte d’Essen, à qui il dit : « J’ai eu raison de ne pas faire attention au billet que j’ai reçu. S’il y avait eu un complot contre ma vie, il aurait été exécuté avant mon arrivée ici. »

Le comte répondit en s’inclinant, ajoutant : « Que l’opinion de Votre Majesté soit vraie ! »

Cependant, le roi remarque divers regards hostiles parmi ceux qui l’entourent et, accompagné de l’ambassadeur de Prusse, décide de se retirer.

À ce moment-là, il s’est rendu compte qu’il était entouré de diverses personnes masquées qui lui bloquaient le passage. Poussé par la foule, le roi s’appuya contre le rideau qui faisait face aux coulisses, là où l’attendait Ankarstroem, le noble chargé de l’assassiner.

Celui-ci, déterminé à mettre en œuvre la décision fatale, toucha l’épaule du roi avec sa main gauche, tandis que dans sa main droite il tenait le pistolet préparé.

Le roi, étonné et curieux de voir celui qui osait le toucher, se retourna.

Ankarstroem souhaitait s’assurer qu’il ne se trompait pas sur la victime choisie. Sans la moindre hésitation, il déchargea l’arme sur le corps du roi, tandis que des prestidigitateurs tentaient de faire diversion en criant : « Au feu, au feu ! » pour lui donner le temps de disparaître. 

En réalité, bien que grièvement blessé, le roi, avec une présence d’esprit et une volonté étonnante, parvient à prendre en charge les opérations et ordonne la fermeture des portes de la ville.

“J’ai ordonné, Messieurs, que les portes de la ville soient fermées pendant trois jours. Ce n’est qu’après cela que vous pourrez envoyer des messages aux tribunaux concernés ; ce délai sera d’autant plus avantageux qu’on saura alors avec certitude si j’ai une chance de survivre”, dit le roi.

A la demande de Sa Majesté, toutes les personnes présentes dans la salle ont été obligées de retirer leur masque, de se laisser contrôler si elles ne disposaient pas d’arme et de décliner leur identité et fonction. 

Par une curieuse coïncidence, le dernier des nobles présents à être contrôlés fut Ankerstroem. Mais malgré tous les efforts déployés par les médecins, la blessure du roi s’avéra mortelle et après seulement quelques jours, il ferma définitivement les yeux. 

* * *

Cet événement, par son aspect mélodramatique, ainsi que par la personnalité exceptionnelle de celui qu’il a éloigné de la scène politique européenne, a marqué l’imaginaire d’une époque et est resté imprimé dans l’inconscient collectif jusqu’à aujourd’hui.

Au XIXe siècle, d’innombrables artistes reprennent le thème de l’assassinat théâtral du roi de Suède pour illustrer diverses actualités, politiques pour la plupart. C’est le cas, entre autres, de l’écrivain américain Edgar Allan Poë, dans la nouvelle « Le Masque de la Mort Rouge », traduite en français par Charles Baudelaire, ou du romancier Théophile Gautier. 

Encore plus! Eugen Scribe a écrit un opéra historique intitulé “Gustav III ou le Bal masqué” sur une musique de Daniel Auber, qui fut présenté pour la première fois au Théâtre de l’Opéra de Paris le 27 février 1833.

Vidéos BingGalop du « Bal masqué » d’Auber 

Mais la véritable entrée dans l’histoire de l’art de l’événement décrit fut marquée par la première de l’opéra “Un ballo in maschera” de Verdi, le 17 février 1859, au théâtre Apollo de Rome. En fait, pour Verdi, le drame du roi Gustave III n’était qu’un prétexte pour mettre en scène les conflits politiques du monde italien contemporain, qui n’ont pas échappé à l’attention de la censure de la péninsule.

Mais, grâce au génial compositeur italien, l’aventure du roi de Suède réapparaît régulièrement sur les scènes mondiales. Les seules scènes où l’œuvre de Verdi n’est jamais jouée restent celles des théâtres créés par Gustav III, dans les châteaux de Drottningholm et Gripsholm. Car, grâce à une règle adoptée par ces théâtres, les seules œuvres présentées sur leurs scènes sont des créations du XVIIIe siècle, avec décors et costumes d’époque. Même les musiciens qui les interprètent sont habillés et portent des perruques comme à l’époque de Gustav III.

Lors du festival d’opéra qui a lieu chaque été à Drottningholm, la seule concession faite au modernisme concerne l’habillement contemporain du public. Ce qui pose par ailleurs des problèmes acoustiques, car il semblerait que les crinolines atténuaient les sons d’une manière différente que les robes, même de soirée, portées aujourd’hui.

Afin de préserver l’authenticité de l’ambiance du XVIIIe siècle, sans risquer un incendie provoqué par des torches allumées pour éclairer la scène et les allées, une ampoule électrique a été créée, à lumière vacillante, qui porte d’ailleurs le nom du théâtre du château royal de Drottningholm. »

 

A suivre…

Adrian Irvin ROZEI

Boulogne, avril 2024

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