Monte-Cristo ? …l’aventure continue ! (V)

La Bastide Vieille, janvier 2025

Cette présentation a eu, aussi, le mérite de me faire découvrir le combat de Claude Ribes en faveur de la réhabilitation de la mémoire du général Dumas :  

« Depuis 2002, l’écrivain Claude Ribbe, biographe du général Dumas et fondateur de l’association des amis du général Dumas, mène campagne pour sa réhabilitation. Le 30 novembre 2002, à l’occasion de l’entrée au Panthéon d’Alexandre Dumas, il prononce un discours au Sénat devant le cercueil de l’écrivain et le portrait du général.

En 2006, pour le bicentenaire de la mort du général, il obtient que deux plaques commémoratives soient apposées… 

Le 4 avril 2009, une sculpture réalisée par Driss Sans-Arcidet est inaugurée à Paris, place du Général-Catroux, à la suite d’une demande de Claude Ribbe, formulée en 2002 et acceptée par le Conseil de Paris. Elle représente des fers d’esclaves brisés. L’association des amis du général Dumas milite pour qu’une réplique de la statue détruite sous l’Occupation soit réinstallée auprès de ce monument et qu’une copie de cette statue soit offerte à la République d’Haïti, conformément à un souhait émis en 1838 par l’écrivain Alexandre Dumas, qui imaginait un financement de l’original et de la copie de la statue par les hommes de couleur du monde entier et écrivait à ce propos : « Ce serait une manière de rappeler à la vieille Europe, si fière de son antiquité et de sa civilisation, que les Haïtiens, avant de cesser d’être français, ont payé leur part de gloire à la France ».

Et voilà que je découvre, grâce à un article de journal et à un programme T.V., au mois de novembre 2024, qu’une polémique autour de la mémoire du général Dumas vient d’éclater.

L’affaire étant (très) complexe et, plutôt que de la transcrire avec les approximations inévitables dues à la méconnaissance du sujet, je préfère donner la parole au personnage principal, le plus à même d’aborder ce sujet : je veux parler de Claude Ribbe.

Je reprends, donc, ses propos tels que lus dans un article publié par le quotidien « Le Figaro », en date du 31 octobre 2024. Au risque… d’être un peu long !

 « L’écrivain Claude Ribbe, biographe du général Dumas, a rencontré Ladj Ly qui devrait bientôt réaliser un film consacré au père d’Alexandre Dumas. Selon lui, le réalisateur des Misérables ne cherche qu’une caution pour légitimer une « instrumentalisation politique et racialiste ».

Claude Ribbe est écrivain et réalisateur, biographe du général Dumas.

J’ai consacré 22 années au général Alexandre Dumas, père du célèbre écrivain. Cela s’est traduit par des biographies : Alexandre Dumas, le dragon de la Reine (Le Rocher, 2002), Le Diable noir (Alphée, 2008) réédité en 2021 par Tallandier sous le titre Le général Dumas, né esclave, rival de Napoléon et père d’Alexandre Dumas. Le glorieux officier est également présent dans plusieurs autres de mes ouvrages et dans les opus que j’ai consacrés au chevalier de Saint-George, son ami. Sans compter les articles, tribunes ou préfaces. J’ai adapté Le Diable noir en documentaire et le général apparaît dans une docu-fiction réalisée sur Saint George en 2011. Outre un scénario inédit, j’écris en ce moment un grand roman dont le général est le héros et qui sera le couronnement de tout ce travail. 

Parallèlement, j’ai mené toutes sortes d’actions : une intervention au Sénat en 2002 afin d’associer le général à la panthéonisation de son fils, une association, un monument symbolique à Paris qui rend aussi hommage à tous les esclaves, une plaque au col du petit Saint-Bernard, où ce champion a remporté l’une de ses plus éclatantes victoires et une autre sur la maison où il est mort à Villers-Cotterêts.

Tous les 10 mai depuis 2009, j’organise un rassemblement mémoriel. Et je remue ciel et terre depuis 2002 pour que la statue du général, abattue pendant l’Occupation, soit réédifiée à l’identique à Paris, avec une copie pour Haïti, conformément à un voeu exprimé par son fils.

Le général Dumas est en effet né en 1762, fils métis d’une esclave, dans ce qui était alors la colonie française de Saint-Domingue. Venu en France avec son père, le marquis de La Pailleterie, avec lequel il s’est ensuite brouillé, il s’est enrôlé dans les dragons de la Reine. C’est sous cet uniforme qu’il a rencontré en 1789, dans la cour du château de Villers-Cotterêts, sa future épouse et le grand amour de sa vie. Leur fils a repris le pseudonyme du père et il est le romancier français le plus connu à l’étranger, le plus adapté au cinéma. 

Commandant en second du régiment de Saint-George, composé en partie d’anciens esclaves, le général Dumas obtient son grade à la faveur de la Révolution. Il s’est distingué par ses exploits à la tête de l’armée des Alpes, qui lui valurent la jalousie de Bonaparte, et surtout par sa magnanimité héroïque lorsqu’il fut nommé en 1794 chef de l’armée de l’Ouest à Nantes et qu’il reçut la mission de terminer un génocide déjà bien engagé en Vendée. Il démissionna avec éclat et préféra le risque de l’échafaud au crime de guerre.

Après un an de disgrâce, il fut appelé à Paris pour mater une insurrection royaliste. Mais l’essieu de sa guimbarde se rompit et il ne put arriver qu’après son rival. Il servit néanmoins sous ses ordres, dans la campagne d’Italie, puis en Égypte où il se brouilla définitivement avec Bonaparte.

Prisonnier en Italie dans des conditions atroces qui lui firent perdre la santé, il revint à Villers-Cotterêts mourir de chagrin pour avoir été rayé des cadres et n’avoir pu participer à Austerlitz. Napoléon refusa de lui accorder un arriéré de pension et la Légion d’honneur, à laquelle il avait droit. J’ai réitéré cette dernière requête, à titre posthume, auprès de deux présidents de la République. En vain.

Le réalisateur des Misérables n’est, de mon point de vue, soutenu que par celles et ceux qui veulent à tout prix associer l’image des noirs à l’immigration, à la délinquance, aux banlieues, à la révolte contre l’autorité.

Ladj Ly

Le 29 janvier 2024, je reçois un email d’un producteur me demandant d’adapter au cinéma la réédition de mon Diable noir. Je rencontre Ladj Ly.

Après plus de quatre heures d’échanges, j’estime qu’il ne sera pas possible de m’associer à ce qu’il veut faire du général, sauf, à la rigueur, à participer au scénario pour garantir un semblant de vraisemblance historique et éviter la caricature. Mais le réalisateur de Montfermeil me semble vouloir transformer l’Antillais en immigré africain des quartiers aux prises avec les institutions et avec l’autorité, représentée par Napoléon. Je me contenterai de dire qu’il envisage de tourner en Afrique les scènes de Picardie. 

Le général est un héros français noble et fédérateur. Un film ? Bonne idée ! Mais Ly ne cherche en fait qu’une caution – mes ouvrages et mon engagement- pour légitimer sa vision obstinée : une
instrumentalisation politique et racialiste. Le réalisateur des Misérables n’est, de mon point de vue, soutenu que par celles et ceux qui veulent à tout prix associer l’image des noirs à l’immigration, à la délinquance, aux banlieues, à la révolte contre l’autorité. Bref, dresser les Français les uns contre les autres. Ils espèrent tirer profit d’une supposée légitimité uniquement fondée sur la couleur de peau. Le général étant métis, cela revient à le noircir, à effacer tout ce qui le rattachait à son père et à gommer l’épisode vendéen. 

Ladj Ly m’a convaincu qu’il est bien la dernière personne à pouvoir réaliser une belle œuvre cinématographique sur ce sujet. Faute d’avoir mon soutien, il tente à présent de se servir du titre de mon livre et de mon film, Le Diable noir, pour m’embarquer de force dans cette galère, au point de tromper certains journalistes. Je suis obligé de dire à quel point je me désolidarise -en connaissance de cause – de ce projet. Si un tel film se fait, je n’irai certainement pas le voir. »

Au vu de la nouvelle donne engendrée par la sortie du film « le Comte de Monte-Cristo », de son succès et des commentaires de la critique concernant le changement d’approche dans la présentation des faits historiques, il sera très intéressant de suivre le débat en cours et de prendre acte de la suite !

  *   *   *

Entretemps, mes « rencontres » avec Dumas et son cher Comte continuent !

Pas plus tard qu’au début du mois de janvier 2025, sur les allées Paul Riquet de Béziers, là où se tiennent toutes les semaines des foires des antiquaires, je suis tombé sur une carte postale expédiée de Marseille y a près d’un demi-siècle.

Elle représentait un endroit que je visitais avec assiduité à la même époque : « Le Château d’If et les Iles du Frioul -Vue aérienne ».

Voici, aussi, le texte du verso de la carte postale, qui ne manque pas d’intérêt !

J’ai parlé de ce lieu dans un texte écrit en 2017 :

 La ce servesc stomatologii ! | ADRIAN ROZEI

Sauf que, maintenant, je n’ai plus besoin de courir à Marseille pour admirer le Château ! II se trouve au mur d’un hangar de notre maison du Languedoc, tel que raconté dans le texte : 

Dis !  T’as vu Monte – Cristo ? (VIII) | ADRIAN ROZEI

 *     *    *

Comme on peut le constater dans ce (long) texte, des suites à mon « aventure » avec Monte-Cristo s’ajoutent… jour après jour !

Mais, de temps en temps, il faut se poser et… faire un « point d’étape » sur la situation en cours !

Ça promet d’autres « ajouts » à venir !

A suivre…

Adrian Irvin ROZEI

La Bastide Vieille, janvier 2025

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