Mes sphinx imaginaires (III)

La Bastide Vieille, 14/11/2021

Mes rencontres avec des sphinx de tout genre ne pouvaient pas s’arrêter en si bonne voie !

Dans le département de l’Hérault,  au cœur du Languedoc, où je vis une grande partie de l’année, nous bénéficions d’un endroit étonnant : le Cirque de Mourèze.

« Le cirque de Mourèze est situé dans la commune de Mourèze dans le département de l’Hérault en région Occitanie.

Le cirque est voisin du lac du Salagou et du village de Villeneuvette. »

Cet endroit m’est très familier depuis… une quarantaine d’années !

Tout simplement, parce qu’il se trouve juste à côté de la maison où mon épouse a passé toute son enfance : c’est la maison de ses parents !

Bien sûr, ce serait impossible de lister, même une infime partie des événements auxquels nous avons participé dans la région !

D’ailleurs, nous y sommes presque toutes les semaines, surtout à la belle saison. Et, depuis deux ans, nous pouvons même y passer la nuit !

Pour plus de détails, il faut lire le texte :

12 juillet 2019 

Mais, revenons à notre cirque ! 

« Il s’agit d’un cirque dolomitique de 340 ha, vieux de 160 millions d’années, où l’érosion a façonné un paysage ruiniforme, aux sculptures rocheuses étonnantes.

La dissolution différentielle de la dolomie et la présence d’un massif fortement diaclasé explique la formation d’un champ de panneaux et de colonnes rocheuses (pinacles) aux formes parfois suggestives. 

Les pinacles sont nommés: le Sphynx, le Gardien, l’Oracle, l’Ours et le Berger, les Hauts Fourneaux, le Cerbère, la Tour du Guetteur, la Tour de la Brèche, la Tour du Poulailler etc.

Certaines de ces colonnes pétrifiées prennent des formes étranges, évoquant un crâne humain, la silhouette d’un rapace ou encore d’un phallus (des cartes postales en vente à Mourèze étaient d’ailleurs légendées « le zizi »). 

Une des scènes du film Le Bénévole de Jean-Pierre Mocky montre une aliénée se “frottant langoureusement” à la base de ce pinacle à la forme si particulière. »

Je connais toutes ces formations rocheuses depuis 1984, à l’occasion de ma première visite dans le Languedoc, quand mes futurs beaux-parents m’ont présenté les « beautés de la région ».

Et nous y retournons pour les admirer avec chacun de nos amis, qui viennent nous rendre visite ou, tout simplement, pour déjeuner ou dîner dans ce paysage merveilleux. 

Et pourtant, après tant et tant de visites, j’ai encore un problème ! Et, il concerne justement… le Sphinx ! (avec « i », pas avec « y », comme l’écrit Wikipedia !).

J’ai beaucoup de mal à retrouver une quelconque  ressemblance avec le Grand Sphinx de Gizeh !

J’ai tourné autour, dans tous les sens et j’ai posé la question de sa dénomination à plein de gens de la région. Les avis sont partagés ! 

Peu importe !

Il semblerait que :

« De 1920 à 1980, l’écrivain Gaston Combarnous (1892-1987) s’intéressa au lieu et publia deux monographies.

Il fut le premier à réaliser un cartogramme du cirque, effectua plusieurs prospections et attribua un nom à la plupart des rochers. Installé en 1940 à Mourèze, il y écrivit plusieurs ouvrages scientifiques, mais aussi des romans sur la région. »

Mais, comme Gaston Combarnous n’est plus parmi nous… personne n’est en mesure de confirmer ou infirmer ses affirmations. 

Toutefois, je vous propose de venir, aussi nombreux que possible, admirer notre sphinx. Et, ensuite, nous organiserons un référendum, pour entériner  la dénomination. Ou l’écarter !

Mais, de grâce !, ne venez pas tous en même temps ! 

   *   *   * 

Je dois reconnaître qu’à la fin de cette énumération  de sphinx, qui se trouvent dans tant de beaux pays, j’ai eu un sentiment d’absence !

Si j’ai connu tant de sphinx, plus ou moins ressemblants à l’original, je n’ai pas rencontré… de sphinge ou sphynge !

Pour mémoire :

« Dans la mythologie grecque, elle est le pendant féminin du sphinx. On la décrit parfois comme « un sphinx à buste de femme » 

Bien sûr, j’ai rencontré dans les musées tout aussi bien des sculptures ou des peintures représentant des « dames sphinx » !

Mais, jamais dans la nature, fût-ce sous forme de rocher ou de visage sculpté dans la paroi d’une montagne. 

Alors, pour ne pas être accusé de sexisme, je vais vous parler de deux superbes sphynges, qui gardent l’entrée d’un très beau château de notre région.

Il s’agit du Château de Raissac, tout près de notre résidence languedocienne de Capestang. 

Selon les informations trouvées sur internet :

 « Installée au cœur d’un vignoble en activité de 80 hectares, cette maison d’hôtes haut de gamme occupe un château majestueux datant du XIXème  siècle. Elle se trouve à 4 km de la cathédrale de Béziers et du musée  des Beaux-arts, au sein de l’hôtel Fayet.

Ornées d’antiquités, les chambres raffinées sont dotées du Wi-Fi gratuit et d’une salle de bain privative avec baignoire. » 

Mais, pour trouver beaucoup plus de détails sur l’histoire de cette propriété, il faut consulter le remarquable livre de Jean-Denis Bergasse, intitulé « L’Eldorado du vin – Les châteaux de Béziers en Languedoc ». 

Ça tombe bien !

C’est justement dans ce château, à l’occasion du vernissage d’une exposition de céramique de Christine Viennet, artiste de talent, que j’ai fait la connaissance de Jean-Denis Bérgasse, il y a une vingtaine d’années.

Par la suite, Jean-Denis est devenu « mon Président » et, j’ose l’affirmer, mon ami.

Mon Président, à la Société Archéologique et Littéraire de Béziers, qu’il m’a incité à rejoindre, et ami, puisque j’ai eu bon nombre de fois la chance de discuter avec lui, tout aussi bien du passé de notre Société, que de l’histoire du Félibrige, dans le Languedoc et en Roumanie. 

C’est à sa demande, que j’ai publié mon premier article en français, justement dans le Bulletin de la Société. 

« La seigneurie de Raissac appartint, aux XVIème et XVIIème siècles aux Dumas (alias de Mas), également seigneurs de Mus, Réals et Soustres (Saint-Macaire). Charles du Mus de Mas (vers 1606-1691) seigneur de Raissac épousa en 1651 à Béziers Marthe de Barrès (Cabrerolles, Le Coussant), mais sans enfant, elle institua ses frères pour héritiers. » 

Par la suite, plusieurs mariages et héritages concernant des personnalités locales s’ensuivirent pendant près de deux siècles à la tête du domaine, avant d’arriver à sa vente aux enchères. 

« Un nouveau destin commençait à Raissac, en 1828, avec Joseph-Louis-Barthélémy Viennet (1781 – 1867), receveur particulier des finances à Béziers et frère du futur académicien français, Jean-Pons Viennet (1778 – 1868), député de l’Hérault qui s’honorait de l’amitié de Louis-Philippe. » 

On comprend donc aisément, d’après la suite de cette filiation, que le château de Raissac est resté dans la même famille depuis bientôt deux siècles. Ce qui est un gage de poursuite acharnée du maintien et de l’embellissement du patrimoine familial. 

C’est ainsi que l’on peut remarquer, de part et d’autre de la cour rectangulaire, qui précède l’accès de plein pied au château, deux sphynges qui se regardent de face. 

 *   *   * 

Après ce long périple sur les traces des sphinx à travers le monde, il ne me manque plus qu’un membre de cette confrérie… dans notre jardin !

En trouver un, moderne, ce serait chose facile ! 

Mais, mon rêve c’est d’avoir un sphinx… d’époque ! Un peu comme Axel Munthe à Anacapri, dans le Golfe de Naples !

Ce médecin de talent nous a raconté dans son livre**** comment il a trouvé le sphinx égyptien dont il rêvait depuis toujours. 

Mais, ça… c’est, peut-être en demander un peu trop, de nos jours !

Toutefois, selon Axel Gryspeerdt :

« Il est vrai que chez Munthe le vrai coexiste avec le faux ; beaucoup de bronzes sont des copies ; l’origine d’autres objets est incertaine. Mais Goethe n’était pas non plus trop attentif à l’authenticité des objets recueillis. Le témoignage du passé, l’esthétique, le caractère singulier l’emportent nettement.

Les goûts, comme les objets, se transmettent. Tibère, Goethe, Munthe ne partagent-ils pas, à des siècles de distance, les mêmes passions pour les « italianités », pour « les pierres », pour les sculptures anciennes, les bronzes et les plâtres et toutes ces choses que nous appelons antiquités (pour lesquelles Tibère avait incontestablement moins de recul) et pour les merveilles de la nature ? Une lignée traversant les générations semble s’établir, animée par les mêmes démons. »

Cette affirmation me laisse encore une chance ! 

 

 Adrian Irvin ROZEI

La Bastide Vieille, novembre 2021

**** «  Le Livre de San Michele est un livre de souvenirs rédigé par le médecin suédois Axel Munthe (1857 – 1949) et publié pour la première fois en 1929 par l’éditeur britannique John Murray, sous le titre original : The Story of San Michele. Écrit en anglais, il a été un best-seller dans de nombreuses langues et a été constamment réédité pendant les sept décennies qui ont suivi sa parution. »

2 thoughts on “Mes sphinx imaginaires (III)

  1. Je me dois de vous faire une confidence !
    Je n’ai jamais lu les trois dernières pages du « Livre de San Michele ». Parce que, dans l’édition d’avant-guerre, dénichée dans la Roumanie de mon enfance, ces trois pages manquaient. Et un livre « aussi décadent », selon les critères des autorités de l’époque, n’était pas réédité.

    Quand je suis arrivé en France, j’ai acheté le livre, avant d’aller visiter Capri, mais…je n’ai pas lu les pages absentes dans l’édition roumaine !
    Par superstition ? Pour préserver le mystère de la fin de l’histoire ? Qui sait !
    Peut-être qu’il serait temps de… sauter le pas !

    Adrian Irvin ROZEI

  2. A.M.D de Versailles dit :
    Je devais avoir 14 ou 15 ans lorsque je lus cet ouvrage d’Axel Munthe;
    ce fut un « coup « de foudre.

    J’ai adoré le style, l’ambiance, et sa vie tournée vers les souffrances des autres; mécène aussi …

    Lorsque je suis allée passer une semaine à Capri il y a qq. années,ma 1ere visite fut de me rende dans sa maison ….avec la promenade enchantée de ce long balcon. Quel panorama!

    Fascinée par le personnage, la beauté du site, non je n’ai pas remarqué le sphinx; je ne me souviens pas.
    Il faut dire qu’à époque cet élement décoratif figurait souvent dans les parcs et jardins.

    Cet homme, au coeur immense, était un grand monsieur, proche des personnes en difficultés, ne ménageant pas sa peine lors des épidémies de choléra … et le respect du VIVANT puisqu’il défendait déjà les conditions de vie des animaux cela m’a touchée

    Merci de l’avoir évoqué!

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