Le retour de « Genji » (III)

Boulogne, le 24/12/2023

 

Dans tout le fatras abandonné par Sorin Popa, j’ai trouvé aussi quelques estampes japonaises.

Après les avoir gardées dans leurs rouleaux en cuir plus de 20 ans, j’ai décidé de les exposer sur les murs du grenier dans notre maison du Languedoc.

Les estampes japonaises à la Bastide Vieille

Mais, depuis que je les vois et revois aux murs, -plus de 20 ans ! – je me pose les mêmes questions :

  • qui est leur auteur ?
  • de quelle époque datent-t-elles ?
  • quelle est leur valeur marchande (s’il y en a une !) ? 

« Lourde tâche ! », comme disait… qui vous savez !

Il faut trouver un spécialiste de l’art japonais compètent et (surtout !) honnête ! L’énorme majorité des soi-disant « spécialistes », quand ils ne donnent des avis « au doigt mouillé », essayent systématiquement de sous-évaluer votre bien dans l’espoir de vous l’acheter pour « trois sous et demi » afin de le revendre avec un énorme bénéfice.

D’ailleurs, la première question qu’il vous posent, avant même de regarder l’objet en question, est « voulez-vous le vendre ? »

Les journaux regorgent d’anecdotes sur la culbute sur le prix faite par de tels « spécialistes ». Qui, souvent se terminent… devant les tribunaux !

Ceux-ci se « dépêchent lentement » de prononcer un jugement : quelques dizaines d’années !

« Vous comprenez ? Il ne faut pas jeter le discrédit sur toute une profession ! » 

Je leur fais confiance …pour se discréditer eux-mêmes ! 

Alors, il ne vous reste plus qu’à tenter de trouver la solution du problème …par vous-même !

Ce qui signifie des études poussées dans des domaines aussi « multiples et variées » que le mobilier XVIIIème et ses copies, la peinture ou céramique du XIXème, les cannes, les timbres, les caves à liqueur ou les gravures etc., etc.

Et, j’allais oublier, dans le cas qui nous intéresse maintenant, …les estampes japonaises !

Je reconnais que ce genre de recherche me passionne… à la folie !

Elle est une (fausse) justification pour hanter les musées, les galeries d’art, consulter des revues spécialisées, parler avec des marchands d’art et des antiquaires et… « last, but not least » l’occasion de découvrir des personnages « haut-en-couleurs » d’un monde si spécial !

Dans la majorité des cas, si vous avez prononcé timidement un mot technique péché dans un dictionnaire spécialisé devant ces « spécialistes », ils vous demandent tout de suite : « Vous êtes un professionnel ? »

Alors, avec une grande assurance, je réponds : « Bien sûr ! Je suis un homme de métier ! » Et, quelques minutes plus tard, j’ajoute : « Un professionnel du Nitrate d’Ammonium ! »

Cette affirmation aussi inattendue qu’incongrue les déstabilise totalement !

C’est le moment idéal pour poser mes questions très pointues.

Et, quelquefois, j’apprends des choses nouvelles ! 

*    *   *

Toutes ces recherches sont bien amusantes et m’occupent de manière enrichissante pendant des longues semaines, voire des années !

Comme l’Eglise catholique « j’ai l’éternité devant moi » !

Mai, quand-même ! J’aimerais, un jour, résoudre mon problème ! 

Pour ce qui est de mes estampes, les caractères japonais Katagana, Hitagana ou Kanji ne m’étant pas familiers, je suis obligé de chercher des similitudes graphiques dans les cartouches des estampes en espérant  retrouver des noms d’artistes réputés. Quelle complication !

On peut dire, sans exagérer, que « le japonais, c’est du chinois ! »

Toutefois, en étudiant et en analysant sans arrêt mes estampes, j’ai remarqué une « formule graphique » qui se répétait : une espèce de « cartouche » avec un débordement, un peu comme un bock de bière avec un faux-col qui déborde !

Alors, j’ai commencé à chercher des signatures qui ressembleraient à mon « bock qui déborde » » !

J’ai cru mille fois avoir trouvé la (bonne) solution ! Et, je me suis trompé… mille fois !

J’ai été même tellement sûr de ma trouvaille, après une visite au Musée Bruckenthal de Sibiu (Roumanie), que j’ai écrit un texte -une bouteille à la mer !- dans l’espoir de susciter une confirmation à mes hypothèses !

Republicare… cu Utagawa Kuniyoshi | ADRIAN ROZEI (adrian-rozei.net)

Ou, en traduction Google translation :

Réédition… avec Utagawa Kuniyoshi | ADRIEN ROZEI (adrian–rozei-net.translate.goog) dans laquelle il faut remplacer « timbres » par « estampes ». Nobody is perfect ! Sauf… le Bon Dieu !

Et encore, quand il n’est pas trop sollicité ! 

Un (autre) coup d’épée dans l’eau ! 

Mai, je n’ai jamais perdu l’espoir !

Comme chantait Joe Dassin (à peu près !) : 

« J’ai dépensé ma jeunesse comme une poignée de monnaie
J’ai fait un peu de tout, un peu partout, sans savoir rien faire
La fleur aux dents, c’était tout ce que j’avais
Mais je savais bien que toutes les estampes du monde m’attendaient !

Un jour ici, l’autre là, un jour riche et l’autre pas
J’avais faim de tout voir, de tout savoir, j’avais tellement à faire
À me tromper de chemin tant de fois
J’ai quand même fini par trouver celui qui mène à toi ! »

Voilà !

Ou, comme chantait Barbara :

« Ce fut, un soir, en décembre
Vous étiez venus m’attendre
Ici même, vous en souvenez-vous ?

À vous regarder sourire
À vous aimer, sans rien dire
C’est là que j’ai compris, tout à coup
J’avais fini mon voyage
Et j’ai posé mes bagages
Vous étiez venus
Au rendez-vous
Qu’importe ce qu’on peut en dire
Je tenais à vous le dire
Ce soir je vous remercie de vous
Qu’importe ce qu’on peut en dire
Je suis venue pour vous dire
Ma plus belle histoire d’estampes, c’est vous !

C’est, une fois de plus, dans l’exposition « A la cour du Prince Genji » présentée au Musée Guimet !

Dans une vitrine, l’on peut y lire :

« UTAGAWA Kunisada (1786 – 1864) dit Toyokuni III, produira des œuvres dans cette veine. Pour rendre plus accessible l’œuvre originale, l’auteur n’hésite pas à changer de cadre temporel et à transformer les waka en haiku (forme de poésie inventée au 17é siècle). La profusion de détails et la qualité des productions de l’artiste ont largement contribué au succès du livre parodique. »

Maintenant que je sais – enfin ! – qui est l’auteur de mon estampe, je n’ai de cesse de découvrir un peu plus de « son histoire » !

Rien de plus simple ! L’Oncle Google, qui sait tout, est là !

« Utagawa Kunisada (歌川 国貞?) (1786-12 janvier 1865), connu également sous le nom Utagawa Toyokuni III (三代歌川豊国?) est l’un des peintres d’ukiyo-e les plus populaires du xixe siècle et aussi l’un des plus prolifiques et ayant le mieux réussi sur le plan financier, devant Kuniyoshi et Hiroshige. Il a notamment fait une illustration du Genji monogatari et des représentations d’acteurs de kabuki contemporains. Il est un maître incontesté de l’estampe sur bois

Une représentation de Toyokuni III

Il collabore parfois avec Hiroshige et Kuniyoshi sur des séries d’estampes réalisées dans les années 1840 et 1850, alors que le Japon est en pleine période d’expansion et que les estampes sur bois sont très demandées. À cette époque, il est au plus haut point de sa carrière et domine le marché d’estampes d’acteurs de kabuki et de Genji, réalisant également en grand nombre des peintures de bijin-ga et sumo-e.

On estime qu’il a réalisé plus de 20 000 œuvres au cours de sa vie. 

Il meurt après ses deux contemporains majeurs, Hiroshige et Kuniyoshi, décédés respectivement en 1858 et 1861. Ses dernières années sont marquées par un renouveau qualitatif : ses séries sont beaucoup plus inspirées et se démarquent de la plupart de ses œuvres antérieures produites en série. Il meurt à Edo après avoir formé plusieurs élèves tels que Toyohara Kunichika et Utagawa Kunisada II. »

Alors, pourquoi -diable ! – à part quelques « afficionados » passionnés des arts japonais, personne, en tout cas pas le grand public, n’entend jamais parler de ce grand artiste ?

Encore, « la malédiction du spécialiste » qui frappe ?

Alors que les même expositions Hiroshige et Utamaro tournent en rond dans tous les musées du monde, frisant la nausée ?

J’entends déjà la voix de celui « qui sait tout » : « C’est un artiste mineur ! »

Si l’on donnait au public la possibilité de choisir ? « Jamais de la vie ! C’est nous qu’on sait ! »

Et pourtant, les quelques expériences d’un passé récent (Sorolla, Gemito, Akseli Gallen-Kallela) ont prouvé le contraire !  Et combien d’autres Körösfői-Kriesch, Andreescu, Casorati, Lenci, Ginori etc., etc. ? Tout ce beau monde qu’il nous reste encore à découvrir !

Si les « spécialistes » veulent bien nous le permettre ! 

  *   *   *

Pour ce qui est de mon cher UTAGAWA Kunisada dit Toyokuni III il ne me reste plus qu’un seul « détail » à éclaircir : sa valeur marchande !

Pour avoir la réponse, rien de plus simple : il suffit de suivre, au jour le jour, les ventes aux enchères dans différents pays du monde.

Parce que, une fois de plus, les prix varient… à la tête du client !

 « Vous voulez vendre le vôtre ? …ça n’intéresse personne ! »

Jusqu’au jour où découvrez une œuvre similaire en vente publique !

Mais, dans ce cas… c’est différant !

Comme disait un réputé humoriste de ma jeunesse :

« Achetons des vieilleries ; vendons des antiquités ! »

 

Adrian Irvin ROZEI

Boulogne, décembre 2023

One thought on “Le retour de « Genji » (III)

  1. G.P. de Paris écrit :
    Bonjour Adrian !
    Merci pour tes mails que je ne lis pas toujours avec l’attention qu’il conviendrait !
    Mais celui-ci m’a particulièrement intéressé !
    J’avoue que je suis sidérée par ta soif de connaissances permanente et ton incroyable énergie !! (Et aussi d’une certaine espièglerie qui m’amuse). Je ne sais pas de qui tu tiens des gênes aussi solides mais des fées se sont penchées sur ton berceau !
    D’abord pourquoi exposer ces magnifiques estampes au grenier ?? Elles méritent vraiment mieux !
    Ensuite, étant une fan d’estampes, du Japon et de l’Asie en général, je vais me précipiter au Musée Guimet. Sur ton conseil !
    PS : comme je vois que tu n’aimes pas te faire gruger -moi non plus- tu dois avoir des adresses pour vendre des tas de trucs qui se sont accumulés chez nous et dont les enfants ne sauront que faire. Du genre : or inutile, bijoux, timbres, vieux livres, etc … si c’est le cas je suis preneur.

    C.P. de Bucarest dit :
    N-am nici o îndoială că până la urmă vei găsi TOATE răspunsurile la întrebările tale – chiar și pe acela (pe care îl aștept cu mai mult interes decât “la valeur marchande”) despre motivele oculte pentru care “ton artiste majeur reste méconnu du grand public, caché derrière le paravent des expositions de ses deux confrères de moindre relevance artistique et commerciale🤫 ».
    Cât despre “la malédiction du spécialiste”, sper din suflet că vei fi văzut la timpul său (cca. 2013)- cu un savuros sentiment de legitimă “răzbunare” în cea mai pură cheie a farsei specifice Commediei dell’arte – excelentul film “La migliore oferta”, în care trufia/pedanteria patologică/mizantropia/cupiditatea ba chiar și, stricto sensu, practica înșelării cu bună știință a deținătorului neavizat în beneficiul personal ale “specialistului” sunt “pedepsite” aspru, cu un rafinament [estetic dar] sadic pe măsura vinovățiilor cumulate ale personajului.

    AMD de Versailles écrit :
    Beaucoup d’humour dans la démarche opiniâtre d’un détective… pas amateur … !

    JMR de Villach (Autriche) dit :
    Belle histoire Adrian
    Toujours passionnant de te suivre
    Grüße aus Villach

Leave a Reply