Feuilles de journal
Se la voce è un po’ velata accompagnami in sordina…
La mia bella Fornarina al balcone non c’è più!!
Lungotevere dorme mentre il fiume cammina…
Io lo seguo perché mi trascina con sé e travolge il mio cuor.
Vedo un ombra lontana e una stella lassù…
O chitarra Romana accompagnami tu!
« Chitarra Romana » – Claudio Villa
Boulogne, 15/04/2020
L’ « Annéee Raffaello » vient de commencer !
500 ans depuis sa mort ! Déjà ? On dirait que c’était hier.
Pendant ce (très long) laps de temps, on a vu et revu, par ci et par là, les tableaux, fresques, dessins, sanguines… de Raphaël. Mais, cette fois-ci, on a décidé de mettre « les petits plats dans les grands » !
« Raffaello alle Scuderie del Quirinale », du 5 mars au 2 juin, et « Raffaello alla Domus Aurea », du 24 mars à janvier 2021, à Rome, « Raphaël au Château de Chantilly », du 7 mars au 5 juillet, au Kupferstichkabinett del Kulturforum de Berlin, jusqu’au 1er juin, à la National gallery de Washington, jusqu’au 14 juin, enfin à la National gallery de Londres, du 3 octobre au 24 janvier 2021.
Et, bien sûr, « An Impossible Exhibition » de Bruxelles, avec « des reproductions grandeur nature, ce qui permet d’admirer des œuvres dispersées dans 17 pays différents. ». Au moins, cette dernière exposition a eu la bonne idée de fermer… le 14 mars.
Juste à temps ! Parce que, les autres ne seront vues par personne !
Pas de chance ! Si Raphaël avait pu imaginer la catastrophe qui allait s’abattre sur le monde cinq siècles plus tard, il serait mort… un an plus tôt ! Ou, qui sait, un an plus tard !
Voici une raison de plus pour refuser les « célébrations à date fixe », dont j’ai tellement horreur. Tout autant pour Pâques, Noël ou pour le Nouvel An, que pour le « centenaire de la mort de… » ou de « l’anniversaire de la fin de la Guerre du… ».
A ces occasions, des queues interminables, des visiteurs qui se bousculent, des guides qui commentent à voix haute… font disparaître en grande partie le plaisir que l’on pourrait attendre de la contemplation d’une œuvre artistique.
Des œuvres qui, en dehors des « grandes messes anniversaires» à la mode, retiennent rarement l’attention du public !
Voila pourquoi, pour moi, « l’année Raphaël » a commencé… en 2018 !
Et, voici comment !
* * *
Rome, 23/05/2018
Au printemps 2018, j’ai acheté chez un antiquaire, sur les « Allées Paul Riquet » de Béziers, deux vieilles cartes postales de Rome.
L’une d’entre elles représentait « Il Traforo sotto il Quirinale ». J’ai raconté son histoire dans le texte au même titre.
L’autre carte postale, portait la mention : « Roma – Palazzo Barberini ».
Elle avait été envoyée de Gênes, au début du XXe siècle.
Je connais ce palais depuis… un demi-siècle, en 1968, lors de ma première visite à Rome ! Et je suis retourné le visiter d’innombrables fois depuis.
Le Palazzo Barberini a une histoire impressionnante.
Le palais Barberini est un palais de Rome, situé sur la place homonyme œuvre de Carlo Maderno qui en commence la construction en 1627, assisté de son neveu Francesco Borromini qui reprend le chantier à la mort de son oncle en 1629 et qui collabore tout d’abord avec Le Bernin lequel en termine la construction, seul, en 1633.
Le Palais Barberini est dû à la commande du pape Urbain VIII.
Maffeo Barberini, né à Florence en avril 1568 et décédé à Rome le 29 juillet 1644, est le 235e évêque de Rome et donc pape de l’Église catholique qu’il gouverna de 1623 à 1644 sous le nom d’Urbain VIII.
Entre 1633 et 1639, Pierre de Cortone exécute pour le pape Urbain VIII sa fresque la plus célèbre, la « Gloire des Barberini » qui orne le plafond du grand salon du palais. Ce décor peint est aussi appelé le « Triomphe de la Divine Providence ». Il s’agit d’une allégorie de la Providence et du pouvoir divin des Barberini.
Mais, il faut préciser que le pape Barberini n’a pas laissé un souvenir heureux dans l’histoire de Rome.
Même si « Urbain VIII a également été un grand bâtisseur. »
Il commande au Bernin le célèbre baldaquin surplombant l’autel pontifical de la basilique Saint-Pierre (1633). Le bronze nécessaire à sa construction est arraché au revêtement des poutres du portique du Panthéon, d’où le sarcasme romain : Quod non fecerunt barbari, fecerunt Barberini (« Ce que n’ont pas fait les barbares, les Barberini l’ont fait »).
Ce Panthéon, fameux pour la tombe de Raphaël que l’on peut admirer encore de nos jours, est un des rares monuments de l’antiquité romaine qui nous soit parvenu intacte !
Le palais est confisqué par le pape Innocent X à la mort d’Urbain VIII, mais rendu aux Barberini en 1653.
En 1656, des fêtes y sont organisées en l’honneur de la visite de la reine Christine de Suède. La Convention européenne des droits de l’homme y est signée le 4 novembre 1950.
Le palais fut acquis par l’État italien en 1949, qui y installe la Galerie nationale d’art ancien (Galleria nazionale d’arte antica) dans l’aile gauche, dont les collections rassemblent de nombreuses œuvres de peintres européens majeurs du XVe au XVIIIe siècle.
C’est ce que raconte Wikipedia !
Seulement, depuis 2018, on est passé à une autre étape ! Parce que, l’Etat italien a rendu à la « Galerie nationale d’art ancien » l’aile occupée depuis 1949 par le « Circulo Ufficiali delle Forze Armate ».
Et que, à partir du « Jeudi 17 mai 2018, à l’occasion de l’ouverture des nouvelles salles dans l’aile sud du Palazzo Barberini et de leur retour au public, il sera possible de visionner l’exposition:
Eco et Narcisse.
Portrait et autoportrait dans les collections des galeries nationales MAXXI et Barberini Corsini organisées par Flaminia Gennari Santori et Bartolomeo Pietromarchi.
Pour célébrer son ouverture, les nouvelles salles, … seront aménagées avec Eco et Narciso, l’exposition réalisée par les « Galeries Nationales » en collaboration avec le MAXXI… »
Quelle chance ! Je suis arrivé, sans rien savoir, pour visiter le Palais, le 23/05/2018, six jours seulement après le vernissage de l’exposition !
Mais, d’abord, j’ai fait un tour dans le jardin qui précède l’entrée du palais, pour comparer l’image de ma carte postale d’il y a un siècle avec « l’état des lieux », tel qu’on peut les admirer aujourd’hui.
Rien n’a changé en 110 ans ! Sauf, peut-être, le socle de la statue d’Alberto Thorwaldsen, qui a dû être cerclé de métal pour éviter que les pierres ne se disjoignent.
Puis, j’ai emprunté le fameux escalier en colimaçon à colonnes jumelées, bâti par Borromini, alors que l’escalier symétrique, à la gauche du palais, est l’œuvre du Bernin. Une paille !
Le choix d’inaugurer le « nouveau palais Barberini » avec l’exposition « Eco et Narciso » a été on ne peut plus original. Même si, par moment, certaines œuvres exposées risquent de choquer le visiteur pétri d’art classique. Il s’agissait d’ « un chemin qui serpente entre art ancien et art contemporain sur le thème du portrait et de l’autoportrait, avec des œuvres des collections des deux musées nationaux. »
C’est vrai que rencontrer, sur le même mur, les images ou photos de Mao et du Pape Jean Paul II, prises par Yan Pei-Ming, encadrant le buste en marbre du Pape Urbain VIII du Bernin, a de quoi surprendre !
Tout comme le fameux portrait de Henri VIII de Hans Holbein le Jeune, avoisinant ceux de Michel Butor et Hermann Melville !
Mais, la pièce qui m’a le plus marquée fut une de celles de « l’Appartement d’hiver de Son Eminence ».
On y pouvait admirer ici, sans vitre de séparation, sans aucun intermédiaire, pratiquement « le nez dans la toile », les portraits de « Maria Maddalena » de Piero di Cosimo et « La Fornarina » de Raphaël Sanzio, l’une à l’envers de l’autre, comme deux faces de la même médaille.
Le choix de leur voisinage n’était pas le fait du hasard !
Comme dit Flaminia Gennari Santori dans la présentation de l’exposition:
« …tout les deux portraits et non portraits, portraits d’une personne mais aussi d’une idée, et peut-être même, de différentes manières, autoportraits de l’artiste…
Celui de Piero di Cosimo, peint vers 1490, est en réalité une image caractéristique, à mi-chemin entre le tableau de dévotion privée et le portrait idéal…
La Fornarina (la Boulangère) est une des dernières œuvres peintes par Raphaël, peu de temps avant sa mort en 1520 et elle est la version laïque de ce que l’on peut trouver dans la Maddalena : un portrait/ non portrait dans lequel les symboles et les attributs sont fondamentaux.
Cette jeune femme est représentée comme une Venus « pudique », sur un fond de lauriers et myrte, symboles d’amour et vertu, mais ceci ne nous dit rien sur « qui est cette femme ». Depuis le XVIIIe siècle elle a été identifiée de manière hypothétique avec la compagne du peintre, une certaine Margherita Luti, fille d’un boulanger du quartier du Trastevere, d’où son surnom.
Mais, parmi les attributs du personnage saute aux yeux le bracelet portant le nom de Raphaël, sa signature, qui pénètre ainsi activement dans le cadre, comme si c’était celui qui présente sa propre femme au regard du spectateur. La « belle » de Raphaël est donc une double affirmation du sujet et de l’artiste, qui représente ainsi « son » image… »
Ce que les éminents critiques d’art, qui ont préparé cette exposition, ne nous racontent pas est TOUTE l’histoire d’amour entre la Fornarina et Raphaël !
Quand il est arrivé à Rome, en 1508, le jeune Raphaël n’avait que 25 ans, mais il était déjà très connu et apprécié. En 1514, il a été nommé architecte de la Basilique Saint-Pierre et, la même année, il fut fiancé avec Maria, la nièce d’un très influent cardinal, nommé Bibbiena, ce qui était un grand pas en avant sur l’échelle sociale. Et pourtant, Raphaël resta célibataire jusqu’à la fin de sa vie !
Une explication pourrait surgir en suivant l’activité du peintre.
A partir de 1512, Raphaël a travaillé dans le quartier du Trastevere, en peignant la villa d’un riche banquier romain, Agostino Chigi.
C’est ainsi qu’il aurait connu et serait tombé amoureux de la fille du boulanger Luti (La Fornarina), qui avait sa boutique près du chantier du peintre.
Margherita, celle que l’on voit dans le tableau exposé au Palazzo Barberini, aurait été la maîtresse de Raphaël jusqu’à sa mort, le 6 avril 1520. Et, quatre mois plus tard, elle serait entrée au couvent pour toujours !
En regardant de si près l’image de la Fornarina, j’ai eu un moment le sentiment… qu’elle me parlait !
Elle devait savoir que, chaque fois quand j’écoute la chanson « Chitarra Romana », j’ai comme un nœud dans la gorge en écoutant les vers :
« Se la voce è un po’ velata accompagnami in sordina…
La mia bella Fornarina al balcone non c’è più!! »*
Et ça, depuis mes 14 ans, quand j’ai entendu pour la première fois cette chanson, interprétée par Connie Francis !
Va savoir pourquoi ! J’ai dû être romain il y a cinq siècles !
Enfin ! Chacun de nous a sa « Fornarina » !
Mais, cette fois-ci, j’ai décidé de faire un pas de plus : aller voir son balcon !
Ou, plutôt, sa fenêtre ! Qui existe encore, dans le quartier du Trastevere !
* * *
J’ai quitté le Palazzo Barberini un peu pensif !
Il était un peu tard pour aller au Trastevere. J’ai décidé donc de continuer à pied vers la Piazza Barberini.
C’est, une fois de plus, un de mes endroits « fétiche » à Rome, depuis 1968 !
A cette époque, je suis passé par là en compagnie d’un ami roumain, qui venait d’arriver de Bucarest depuis moins de deux mois. Et, comme d’habitude, j’ai refait encore la photo de 1968, devant la « Fontana del Tritone » !
J’ai choisi ensuite d’aller vers la « Piazza di Spagna ».
A ce point, j’ai toujours un choix « capital » à faire!
Dois-je prendre à droite, la Via Sistina, ou en dessous, la Via Due Macelli ?
Si je vais par la Sistina, je peux passer devant le théâtre «Il Sistina ». Si je suis la « Due Macelli », je croise « Il Salone Margherita ». Le premier présente des pièces de théâtre ou des « musicals », alors que le second est, depuis 1898, le phare du « café chantant » à Rome, où l’on peut dîner en écoutant un opéra ou un spectacle de variété.
Mais, ce soir, je n’ai envie… ni de l’un, ni de l’autre !
C’est le souvenir de la « Fornarina » qui tourne dans ma tête !
Je vais donc au Ristorante « Alla Rampa ».
C’est aussi un de mes préférés… même s’il n’existe que depuis une quarantaine d’années !
Mais, dans ses salles, décorées dans un style « campagne du Lazio », sont passées Domenico Modugno, Jack Lemmon, Massimo Ranieri… et tant d’autres vedettes du cinéma, du théâtre, de la chanson italienne et internationale. On a le choix entre un décor qui reproduit la Rome antique ou une rue d’un quartier traditionnel romain avec des fenêtres à volets, des balcons et même des étendoirs à linge !
Cette fois-ci, je choisis de diner dehors, sur la terrasse.
Ainsi, je peux sortir mon walkman et écouter tranquillement « « Chitarra Romana », chantée par Connie Francis !
Adrian Irvin ROZEI
Boulogne, avril 2020
–
*« Si ma voix est un peu voilée, accompagne-moi en sourdine
Ma belle Fornarina n’est plus à son balcon ! »
(A suivre…)
SERVICE APRES VENTE
J’ai écrit dans ce texte, comme dans tant d’autres, depuis quelques années :
« Je jette un coup d’œil rapide au Panthéon. Comme d’habitude, une queue « longue et touffue » de touristes attend pour voir la tombe de Raphaël ! Ce n’est pas la peine de rester. J’ai assez perdu de temps comme ça ! »
C’est vrai que se bousculer pour regarder la tombe de Raphaël, en jouant des coudes et en entendant des commentaires imbéciles du genre : « Jojo, mets ta laine. Il fait froid dedans ! », n’est pas de nature à m’inciter à revisiter ce monument-phare de la Rome antique !
Et voilà qu’un phénomène mondial inattendu a vidé Rome de ses visiteurs, depuis quelques semaines.
Heureusement, les reporters de toutes les télévisions du monde sont autorisés à filmer les lieux emblématiques de « Urbs aeterna » dans ces conditions particulières, que je n’ai pas vu et j’espère ne jamais revoir jusqu’à la fin de ma vie !
Le Journal télévisé d’ « Antenne 2 », chaîne officielle de la télévision française, nous a permis d’admirer ces lieux sous un angle inhabituel.
Je profite de l’occasion pour vous proposer de suivre ce reportage.
Vous le trouverez à la 52émme minute de la vidéo suivante :
https://www.francetvinfo.fr/replay-jt/france-2/20-heures/jt-de-20h-du-jeudi-7-mai-2020_3920453.html
Je suis sûr et certain qu’il restera dans toutes les mémoires !