La finta giardiniera … (VI)

ou „Die Gärtnerin aus Liebe” *

 

La Bastide Vieille, le 28/12/2020

Et puis, il y a mon préféré : le plaqueminier !

J’ai découvert l’existence des kakis, il y a quelques 30 ans, à… Venise !

J’étais de passage à l’Hôtel Bellini,  arrivé tard, le soir, depuis Villach en Autriche. Tôt, le lendemain, je devais rejoindre mon agent italien à Mestre, pour commencer notre tournée de la clientèle.  C’est pour cette raison que j’avais choisi un hôtel à Cannaregio, près de la « Stazione Santa Lucia ».

D’ailleurs, aujourd’hui « l’Hôtel Bellini **** » s’appelle « NH Venezia Santa Lucia ».

« Vous cherchez un hôtel romantique à Venise ? Bienvenue au Bellini, un établissement de choix pour les voyageurs comme vous.

Vous profiterez de chambres relaxantes équipées d’une télévision à écran plat, d’une climatisation et d’un minibar… .Situé à quelques pas des monuments les plus populaires de Venise, comme Cannaregio (0,7 km) et Ponte di Rialto (1,1 km), le Bellini est une destination de choix pour les touristes. »

Mais moi, je n’étais même pas intéressé par la vue vers le Grand Canal ou par l’église « San Simeon Piccolo » ou « Santi Simone e Giuda Apostoli », juste en face du balcon de ma chambre « al piano nobile ».  J’étais mort de faim et il était trop tard pour chercher un restaurant !

Alors, je me suis rabattu sur le minibar de ma chambre ! Dedans, sous un film plastique, quatre boules rouge/orange ! « Ce serait, peut-être, des tomates  …ça peut se manger ça ? Ce sont les précédents clients qui les ont oubliés ! », je me suis dit !

Je les ai goûtés, avec beaucoup de méfiance !

Depuis, je suis devenu un sacré « fan » des kakis ! Et plus ils sont mûrs, presque pourris !, mieux ça vaut !

C’est pour cette raison que mon épouse, connaissant  mon (gentil!)  vice, m’a offert comme cadeau de Noël, il y a une dizaine d’années,  un plaqueminier ! Depuis, je guette tout au long de l’année, l’avancée du mûrissement de mes kakis ! Qui, en quatre années seulement, sont devenus si nombreux qu’il faut en arracher près de la moitié, pour que les branches ne plient et ne cassent sous le poids des fruits !

Mais, la grosse bataille commence une fois que les kakis sont devenus (presque) mûrs ! C’est la lutte contre… les oiseaux, qui les apprécient…  autant que moi !

Que n’ai-je essayé ! Les filets (simples ou doubles !), les CD qui tournent et jettent des rayons de lumière, au grès du souffle du vent…                                

C’est un combat permanent, à la fin duquel, le plus souvent, nous nous partageons le butin.

Peu importe ! Le résultat est… divin!      

*   *   *                      

La revue « La Méditerranée – Le milieu du Monde » de 1995, affirme, dans un texte intitulé « Mémoire des jardins » que : « Tous les jardins se référent à l’élément essentiel le plus précieux : l’eau ! »

Je serais tenté de répondre que celle-ci est une affirmation gratuite ! Il y a tant de jardins au monde ou l’élément liquide est absent.

Comme dans le cas des « jardins sec », japonais ! Où il n’est que suggéré, comme dans le  célèbre jardin de rochers de Ryōan-ji.

« Il s’agit du plus fameux jardin de ce type : des dessins faits au râteau sur le sable blanc représentent les vagues, autour de quinze rochers disposés avec soin, comme des récifs dans la mer. » 

Une fois de plus, notre jardin se trouve… à mi-chemin entre le « sec » et « l’humide » !

Certes, nous avons « la fontaine Médicis » et le «jardin japonais » sec, ou l’arrosage par aspersion de la pelouse centrale, que j’éclaire de nuit avec des jeux de lumières, en l’appelant « les Grands Eaux de Versailles » ! A peine modeste !

Mais, nous n’avons ni étang, ni marais, ni plan d’eau…! Tant pis pour les moustiques ! 

Fruits et repos à la Bastide !

En vérité, pendant une dizaine d’années, nous avons eu un minuscule bassin de quelques 2 m X 1,5 m, avec 10 cm de profondeur, où s’ébattaient joyeusement une quinzaine de poissons rouges. On les nourrissait…à Pâques ou à la Trinité ! Je ne sais pas comment ils se débrouillaient !

Grand seigneur, je leur ai proposé de leur laisser, de temps en temps, un billet de 10 Euros, pour qu’ils puissent faire leurs emplettes au Supermarché de Capestang ! Ils ont dédaigné cette proposition… honnête ! 

Au milieu du bassin, il y avait un nénuphar rose, installé par un locataire précédent. Au bout d’un certain temps, le nénuphar ne faisait plus de fleurs et était devenu… une horrible racine noire. 

Et c’est là où mon manque « d’expérience agricole » m’a joué un sale tour !

Le trouvant disgracieux, je l’ai enlevé !

En moins de 10 jours, les 15 poissons sont morts ! C’était l’horrible nénuphar qui fournissait l’oxygène pour la survie de ce petit monde, si sympathique ! 

J’ai couru à la « Jardinerie » la plus proche, pour réparer mon erreur. J’ai suivi, moyennant argent sonnant et trébuchant, les conseils du vendeur de la « Section animalerie ».

Huit jours ! C’est tout le temps qu’ont survécus mes nouveaux protégés !

J’ai refait l’expérience, avec le même triste résultat ! 

Mais, dés l’arrivée des beaux jours, je me propose de recommencer, après avoir  consulté un vrai professionnel et pas un « vendeur de supports-chaussettes », comme ceux des grands espaces commerciaux, à la périphérie des grandes villes !

C’est vrai que j’avais parlé, il y a une dizaine d’années avec un « vrai spécialiste ». Il m’a garanti qu’aucun poisson rouge ne peut survivre, si le bassin gèle ! Et, pourtant, les nôtres vivaient très bien sous la mince couche de glace, que l’on peut apercevoir une ou deux fois par an, pendant au maximum deux jours ! Nous ne sommes, quand même, pas en Alaska ! 

Maintenant,  je ne sais plus à quel « spécialiste » me fier ! 

*   *   *

L’histoire du malheureux nénuphar de notre bassin m’amène au dernier chapitre de ce (trop !) long texte ! C’est le plus simple et le plus compliqué de tous !

Rien de plus normal que d’avoir des fleurs…dans un jardin.

Elles représentent, comme dit un écrivain de mes connaissances, «  les accents sur les voyelles ou les diacritiques sous des lettres (dans les langues qui en comportent!): ils peuvent changer complètement le sens d’un mot ! ». De la même façon, un massif de fleurs ou un arbre fleuri, peut changer, du tout au tout l’aspect d’un jardin !

Mes premières expériences dans le domaine du jardinage : un balcon fleuri à Boulogne-Billancourt, en 1990 !

 Mais, le problème avec les fleurs est… leur saisonnalité !

Comme elles se succèdent, tout au long de l’année, il faut tenter de panacher les floraisons de manière à pouvoir en profiter le plus longtemps ! Et, une fois de plus, d’essayer d’obtenir la plus grande variété. 

Bien sûr, dans un jardin méditerranéen, il faut miser sur les espèces locales ! 

Tout d’abord, les lauriers ! Nous avons panaché au maximum les couleurs (rouge, rose, blanc…) et multiplié les haies qui jouent souvent un rôle de « rideau » ! Par exemple, pour cacher des citernes de gaz, ou pour séparer des « espaces à thème » différents (japonais, « Table du silence », cacher un mur lépreux… etc.).

Ensuite, grâce aux arbres fruitiers et aux buissons en fleur, reconstituer une ambiance de saison qui va de pair avec leur floraison (cerisier, abricotier, pruniers, amandier, figuiers, lilas, forsythia,  jujubiers etc.)

Mais, quelquefois, les plantes fleurissent… là ou l’on ne les attend pas ! 

Un exemple ? Ma belle-mère aimait les cyclamens. Ce qui faisait que tous les amis, connaissant cette préférence, lui offraient cette plante en pot. Une fois les fleurs fanées, elle avait l’habitude de replanter les bulbes dans un coin caché du jardin.

C’est ainsi que, depuis une vingtaine d’années, nous voyons fleurir régulièrement, et ceci à la fin de l’hiver !, de superbes fleurs rouges, sans que personne ne s’en occupe ! Et cela, juste derrière mon jardin de cactus, ce qui donne un effet inattendu, tout près des agaves! 

Dans le bassin sec, devant la maison, nous avons fait alterner les tulipes et les rosiers, qui ne fleurissent pas en même temps. Tout comme les hortensias et les œillets d’Inde, dans un autre coté du jardin, ou les iris et les lauriers ! Sans parler des lilas, qui entourent le labyrinthe. 

Les iris avoisinent l’éléphant en céramique bleu, alors que l’éléphant en céramique verte se cache… parmi les cactus, qui fleurissent en jaune vif ! 

En été, nous ajoutons des pots avec des bégonias ou des pétunias multicolores, mais ceci n’a rien d’original. Plus rare est le massif de céanothe (un superbe arbuste grâce au bleu unique de ses fleurs), qui se couvre, au printemps de petites fleurs bleu, qui ressemblent à des myosotis ! 

Ou des trois arbres de Lagerstroemia indica, (communément appelé Lilas d’été, Lilas d’Inde ou encore Myrte de crêpe, une espèce d’arbres ornementaux de la famille des Lythraceae, originaire de Chine et du Japon), qui se couvrent de superbes  fleurs roses. Nous avons eu beaucoup de mal à les faire  fleurir, jusqu’au jour ou nous avons découvert la quantité correcte d’eau d’arrosage qu’ils préfèrent !

                                                             *   *   *

Plus d’une fois, j’ai entendu des amis, qui connaissent notre jardin, de vue ou par les photos, me conseiller : « Tu devrais faire un jardin potager ! Ainsi, vous mangerez sain ! ».

J’ai toujours refusé clairement ce conseil !

Tout d’abord, pour s’occuper d’un jardin potager, il faut être présent sur place en permanence. Ce qui n’est pas notre cas qui, dans des conditions normales, partageons notre temps entre Paris et La Bastide, et voyageons pas mal autour du monde !

Qui plus est, nous n’avons plus un espace suffisant pour un tel jardin. J’ai déjà du mal à « caser » toutes les espèces d’arbres fruitiers ou décoratifs, des plantes locales ou « d’importation », des « jardins de fabriques » et… que sais-je ?

C’est ça aussi qui nous a déterminé, quand nous voulions  choisir de nouvelles plantations, de ne prendre qu’un seul exemplaire de chaque espèce, afin de multiplier au maximum leur variété. 

Pour l’instant, en faisant le tour du jardin, j’ai repéré les trois derniers endroits où nous pouvons encore planter un arbre, de préférence fruitier ou décoratif. En tenant compte de l’ensoleillement, de l’exposition aux vents d’hiver, des espèces qui poussent dans leur voisinage, voire, même, de la couleur, au moment de leur floraison !

Notre choix c’est fixé sur un Arbousier commun (Arbutus unedo), « parfois appelé Arbre à fraises, une espèce d’arbustes,  qui pousse sur l’ensemble du pourtour méditerranéen occidental, mais aussi dans le nord du pourtour oriental ». Ce sera une nouvelle expérience ! Et, peut-être deux pistachiers, puisque ceux-ci vont, une fois encore !, par paire mâle/femelle ! Avec le risque de tomber sur un pistachier… LGBT ! 

Mais, la vraie raison pour laquelle j’ai refusé le potager suggéré vient des expériences constatées avec d’autres jardiniers amateur du voisinage !

J’ai remarqué que, à chaque tour dans leur potager, quand les tomates sont mûres, les poivrons ne le sont pas, quand il y a des concombres, il manque les oignons etc., etc. !

Alors, à quoi bon ? Puisque, de toute façon, il faut « compléter » avec les produits du marché ? 

Néanmoins, au mois de septembre, j’ai décidé de faire une expérience… inhabituelle !

J’avais remarqué, devant notre pharmacie de quartier à Boulogne, un jardinet avec… des plantes médicinales, avoisinant un écriteau  avec leur nom commun et leur dénomination scientifique.

Voici une idée amusante ! J’ai donc investi la somme de 15 Euros, auprès d’un jardinier officiel, en achetant plusieurs plantes de « jardin potager » (salades, épinards, ciboulette, persil…), auxquelles  j’ai ajouté des plantes aromatiques sauvages (thym,  romarin,…) cueillies dans la garigue ! 

Une première tentative de « culture de plantes aromatiques et médicinales » à petite échelle, en 2020. Un succès inattendu ! Pas loin du « jardin de cactus »

Le tout, planté en fonction… de la taille ou de la forme des feuilles, dans trois auges en pierre, qui attendaient une utilisation dans le jardin ! Dont celle « abandonnée » par le livreur portugais du bassin de la fontaine « Farnèse », qui a trouvé, ainsi, un excellent emploi ! 

A ma grande surprise, cette plantation plutôt fantaisiste, à brillamment réussi. Nous nous amusons à arracher, par-ci, par-là, une feuille ou deux, pour agrémenter nos plats !

Sauf…la pauvre salade, qui a fait le bonheur des escargots du jardin en moins de deux !

Et, ainsi, j’ai fait le tour de mes « victoires et défaites » dans le monde de « l’agriculture » !

Comme je l’ai annoncé, avec une grande franchise, dans le (sous)titre de ce texte !

                                                 *   *   *

Je pense que ceux qui ont eu le courage de parcourir cette très longue description de mes aventures, ont compris qu’elle m’a aidé pour commencer à combler mon manque d’expérience dans le « domaine agricole » !

Il paraît qu’un jésuite du XVIIe siècle, le père Claude Buffier, aurait répondu au fameux Prince de Ligne, qui lui demandait des renseignements sur un sujet obscur : « Voici un sujet dont j’ignore tout, il faut absolument que j’y consacre l’écriture d’un livre ! »

En somme, on apprend en écrivant !  Voilà, c’est fait !

Adrian Irvin ROZEI

                                    La Bastide Vieille, décembre 2020

*La finta giardinieraK.196 (La Fausse Jardinière) est un opéra de Wolfgang Amadeus Mozart, en allemand Die Gärtnerin aus Liebe (Jardinière par amour),  créé en 1775 sur un livret en italien  attribué à Giuseppe Petrosellini.

***Toutes ces affirmations peuvent être « documentées » avec des photos d’époque ! Malheureusement, elles se trouvent dans des albums, bien classés, à Boulogne !

Je m’engage, une fois la pandémie, encore en cours finie, quand nous serons en mesure d’y retourner dans la Région parisienne, de les ajouter à mon texte. C’est, tout aussi valable pour l’ensemble de ce récit !

Je souhaite que ce moment arrive… au plus vite !

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