ou “Die Gärtnerin aus Liebe » *
La Bastide Vieille, le 28/12/2020
En 2019, à Dubaï, un jeune homme m’a demandé de le prendre en photo, en occupant l’essentiel de l’image avec la superbe pelouse qui couvre une énorme terrasse, devant le bâtiment de l’Opéra, récemment inaugurée.
En parlant avec lui, j’ai découvert qu’il était Slovène de Ljubljana, et que c’est sa société qui avait gagné le concours pour la réalisation de cette pelouse, exigée par l’émir, devant plusieurs autres compétiteurs japonais et nord-américains.
Il revenait maintenant à Dubaï, pour une seule journée, comme invité d’un congrès international, qui lui a demandé de présenter les technologies employées pour la réalisation de cette pelouse et pour son entretien.
J’ai profité de l’occasion pour « rafraîchir » mes connaissances dans le domaine de l’arrosage par « goutte-à-goutte ». Et mon interlocuteur m’a invité à Ljubljana, pour me montrer « le dernier cri de la technologie » dans ce domaine !
Mais, depuis une vingtaine d’années, j’ai pris l’habitude, dés que je vais me promener dans les vignes, autour de notre maison du Languedoc, de regarder de près les tuyaux en plastiques qui longent les rangées.
Et je découvre, à chaque fois, inscrits sur les tuyaux, les noms des mêmes producteurs qui étaient mes clients, il y a une quarantaine d’années. Ce qui était une rareté, à cette époque, est devenu aujourd’hui chose courante et naturelle. Avec les évolutions des rendements, en poids et en qualité qui en résultent. Et que ceux qui se déchaînent contre l’usage des plastique font semblant de ne pas voir, pour des raisons faussement écologiques !
* * *
En 1984, j’ai visité le Pavillon Kraft « The Land », au Disneyworld (Orlando –Florida).
« La seconde partie (de la visite) se fait dans une succession de serres présentant les fermes piscicoles, la culture sous serre, et des laboratoires expérimentaux en compagnie d’un guide énonçant les innovations comme la culture hydroponique. La technique hydroponique présentée dans l’attraction « Living with The Land » est utilisée dans le pavillon du Canada ».
(Living with the Land Ride, Epcot, Walt Disney World Resort… a regarder seulement entre 5’30 et 12’30!)
Impressionné par les avancées technologiques découvertes ici, j’ai écrit à l’administration du Pavillon, sur papier à en-tête « ELF Aquitaine », demandant des avis et conseils dans leur domaine de compétence, que je comptais répercuter auprès de mes clients.
J’attends encore la réponse !
* * *
Toujours dans les années ’80, j’ai découvert que dans la « sabana de Bogotá », la plaine de « l’Altiplano » qui entoure la capitale de la Colombie, il y avait plus de 1000 hectares de serres, où l’on cultivait des fleurs, essentiellement des œillets. A l’époque, déjà, un tiers des œillets vendus aux Etats-Unis provenaient de cette région !
Comme les « films plastiques » pour serres étaient devenus mon « chouchou », j’ai commencé à m’intéresser à ce débouché !
Je suis devenu membre de « ACOPLASTICOS » (L’association colombienne pour le développement des plastiques), dont je recevais les publications, j’ai contacté des sociétés locales travaillant dans ce domaine…
J’ai compris très vite que mes agents, habitués à fréquenter un milieu industriel, n’avait ni le temps, ni le goût pour mes fantaisies « agricoles » !
J’ai recherché, donc, des sociétés en contact avec le monde des serres ou des fleurs.
C’est comme ça que j’ai choisi comme agent, rien que pour cette « application », un des deux spécialistes de la culture florale, la fameuse société française « Meilland ».
« Meilland est une société de création de variété de roses françaises. La société appartient à 100 % aux familles Meilland et Richardier.
Devenue Meilland International, c’est l’une des plus importantes sociétés de création de variété de rose au monde, avec son centre de recherche du domaine de Saint-André au Cannet-des-Maures, du Luc dans le Var, et d’autres pépinières et jardins d’essai à travers le monde. »
Tout ça j’ai eu la chance de visiter bon nombre de « fincas », spécialisées dans la culture des roses et œillets, en Colombie.
Et, poussant la conscience professionnelle à l’extrême, je suis allé faire un tour à la «Foire de l’Agriculture » de Bogota !
Hmm ! Pour être tout à fait honnête, j’y suis allé plutôt pour accompagner une de mes amies colombiennes, qui travaillait dans ce domaine !
Mais, cela m’a permis d’assister à la compétition du « plus beau zébu », race de bovidés inexistante en France !
En même temps, avec mes clients, producteurs de « film banane » je rendais visite à quelques fermiers, qui cultivaient des centaines d’hectares de ce fruit, tellement apprécié sur les marchés de la Métropole, dans les Antilles françaises. Et je me tenais au courant des problèmes des agriculteurs, sérieusement concurrencés par « Chiquita Banana », venue d’Equateur !
Déjà, la « mondialisation » !
Qui, à la différence de ce qu’on nous raconte à satiété, depuis peu de temps, ne présente pas que des inconvénients ! J’en ai, aussi, profité !
Par exemple, pour exporter mes granulés de plastique… sans payer le transport !
Comment ça ? Simple ! Afin d’aider les producteurs de bananes antillais, dont les coûts de production étaient nettement supérieurs à ceux d’Amérique Centrale (prix de la main d’œuvre oblige !), les autorités française ont décidé que les produits utilisés dans « l’industrie bananière » voyageraient depuis la Métropole, sans payer le fret.
Ce qui, d’ailleurs, ne gênait pas grand monde, puisqu’il n’y avait pas énormément de choses à transporter dans ce sens. En tout cas, beaucoup moins que les grandes quantités de bananes demandées par le marché de la Métropole !
Mon produit (la matière plastique utilisée pour la fabrication du film qui protégeait le régime de bananes), s’inscrivait parfaitement dans ce cadre.
Sauf que, les containers utilisés pour le transport des bananes sont réfrigères, afin d’éviter un mûrissement précoce des fruits.
Mais, dans le sens « Métropole-Antilles » il n’est pas nécessaire de faire marcher le système de refroidissement. Même plus ! Il faut laisser ouverts les opercules des containers, afin d’éviter la condensation à l’intérieur, au moment de la traversée de l’Atlantique, qui engendre d’importantes variations de température.
Facile à dire ! Beaucoup plus compliqué à obtenir de la part des dockers ! Ce qui faisait, malgré les notes rappelant cette obligation, que mes plastiques arrivaient aux Antilles…trempés jusqu’au cœur des sacs. Ceci supposait une opération de séchage additionnelle, qui faisait perdre tout l’avantage du « fret gratuit » ! Sans parler du mécontentement de mes clients, à cause des travaux supplémentaires engendrés !
Une fois de plus, j’ai découvert qu’entre le « monde industriel » et celui de l’agriculture, il y avait… tout un monde !
* * *
A la fin des années ’80, mon beau-père s’était lancé dans la culture des amandiers, au cœur du Languedoc.
J’ai commencé, donc, à m’intéresser à cette « spécialité », apprenant que la France importait plus de 7000 T/an d’amandes sèches, pour la fabrication de la pâte d’amande !
J’ai suivi, pas à pas, ses expériences, tentatives, succès et échecs.
Tout à fait par hasard, j’ai découvert, dans le grand quotidien « El Mercurio » de Santiago de Chile, que l’on publiait, chaque jour, le cours des amandons sur le marché mondial. Ça m’intéressait, d’autant plus que mon beau-père, comme tous les autres producteurs français, était payé, -avec 18 mois de retard !- en fonction de ce cours et de la parité USD/FF, la Californie faisant « la pluie et le beau temps » sur ce marché !
En parlant de ce sujet avec Mario Antunez, mon agent chilien pour les matières plastiques, j’ai découvert que j’avais à faire à un spécialiste dans ce domaine !
«Nous avons 18 hectares d’ amandiers!
Tu veux les voir ? On y va demain après-midi après les visites auprès des clients plastiques. Ça se trouve dans la « Valle del Maipo », dans la « Region Metropolitana », juste à coté des vignes que tu nous as fait planter ! »
C‘est ainsi que j’ai découvert cette immense zone viticole, célèbre aujourd’hui pour la qualité de son vin.
Entre autre, la bien connue « Bodega Concha y Toro », avec le fameux « Casillero del Diablo », dont la production inonde tous les restaurants du continent américain… et pas seulement ! ***
Je passerai sur ma « croisade » liée au « Carmenere », dans les années 2000, un cépage d’origine française, aujourd’hui disparu en France, et qui, entretemps, est devenu… le vin national chilien !
Mais, la « honte de ma vie » ce fût quand j’ai vu les amandiers de mon agent ! A seulement deux ans, ils étaient deux fois plus étoffés que ceux de mon beau-père… à quatre ans !
Normal ! La qualité du sol, la régularité du climat, les vents identiques, saison après saison… dans cette région.
Et j’ai compris, aussi, que nous avions du souci à nous faire pour la vente du vin européen, dans les années à venir !
* * *
Toujours à la même époque, j’ai vécu, par collègues de travail interposés, une autre « aventure agricole » plutôt inattendue !
Il y avait dans un département voisin au mien, toujours chez ATO Chimie, l’entreprise du Groupe ELF Aquitaine qui produisait toute sorte de produits chimiques, une matière plastique appelée « Rilsan ».
« Le polyamide 11 (polyundécanamide, nylon 11, PA 11, parfois appelé « nylon français ») est un polymère thermoplastique de la famille des polyamides aliphatiques, d’origine renouvelable car dérivé de l’huile de ricin.
Ce polymère technique semi-rigide a été développé par ATO Chimie à Serquigny (France), aujourd’hui Arkema, et est commercialisé depuis les années 1950 sous le nom de Rilsan PA11. Les PA 11 et 12, de caractéristiques proches, sont utilisés pour produire par exemple des pièces pour véhicules (ex. : durites pour carburant, conduites pour frein à air de camion), des conduites flexibles pour les secteurs du pétrole et du gaz (ex. : conduites offshore), des filets de pêche, des cordes pour instruments de musique, des revêtements (ex. : de câbles électriques) protégeant de la corrosion (voir Rilsanisation). »
On comprend aisément, au vue des applications mentionnées, que les quantités de ce produit commercialisées étaient plutôt confidentielles, en comparaison avec les « matières plastiques de grande consommation », dont j’avais la responsabilité !
Mais, les dirigeants de la société, toujours obnubilés par un seul indicateur, -la MBU (marge brute de autofinancement !)-, avaient les « yeux de Chimène » pour ce produit, très bien valorisé, il est vrai.
Cela me froissait un peu ! Quoi qu’ils fassent, mes chers collègues du « Rilsan », leurs bonnes marges n’allaient pas changer les résultats d’ensemble de la boîte !
Et un beau jour, il y a une cinquantaine d’années, arrive d’Argentine « la commande du siècle » de Rilsan ! Je ne me souviens pas s’il s’agissait de 2 ou de 20 T de produit, alors que, pour la « grande consommation » nous avons vendu jusqu’à 200 000 T par an !
Branle bas de combat !
« Quel est ce nouveau développement découvert en Argentine ? Peut-on l’introduire… dans d’autres pays ? »
Après investigation approfondie, mes collègues ont découvert que les militaires argentins, la junte au pouvoir à cette époque, avaient décidé de « rilsaniser » les casques à l’allemande de tous les soldats de l’infanterie !
Relation commerciale… un peu embêtante, pour le pays des « Droits de l’homme »!
Mais, quelques années plus tard, une autre « commande du siècle » de Rilsan arrivait, toujours d’Argentine !
Nouvelle application : les éleveurs argentins avaient remarqué que « les boucles d’oreille » en métal, avec lesquelles ils marquaient le bétail dans la Pampa, avaient tendance à rouiller, et ainsi contaminer les animaux. Ils ont eu donc l’idée de « rilsaniser » le fil de fer et, ainsi, éviter une importante perte, dans leur troupeau !
Je ne me souviens pas combien de temps à duré l’emploi de ce procédé. Il me semble qu’il a été remplacé par des « boucles d’oreille » en polypropylène, beaucoup moins cher.
Mais, pendant un bon moment, quand je regardais les énormes troupeaux de vaches, dans les immenses plaines de là-bas, je me disais que ces animaux n’étaient pas conscients de la chance qu’ils avaient en arborant des « bijoux » venus de France, produits dans la vallée de la Risle, une petite rivière de Normandie, qui a donné le nom à cette matière plastique !
A suivre…
Adrian Irvin ROZEI
La Bastide Vieille, décembre 2020
*La finta giardiniera, K.196 (La Fausse Jardinière) est un opéra de Wolfgang Amadeus Mozart, en allemand Die Gärtnerin aus Liebe (Jardinière par amour), créé en 1775 sur un livret en italien attribué à Giuseppe Petrosellini.
*** Toutes ces affirmations peuvent être « documentées » avec des photos d’époque ! Malheureusement, elles se trouvent dans des albums, bien classés, à Boulogne !
Je m’engage, une fois la pandémie finie, quand nous serons en mesure d’y retourner dans la Région parisienne, de les ajouter à mon texte. C’est, tout aussi valable pour l’ensemble de ce récit !
Je souhaite que ce moment arrive… au plus vite !
Très belle histoire agricole
Belle rétrospective