La « Cigale » ayant chanté tout l’été…

Feuilles de journal
Nantes, le 9 juillet 2018

 
Se trouva fort dépourvue 

Quand la bise fut venue!


Pour ne pas la trouver « dépourvue », je suis venu à Nantes en juillet! Alors que, grâce au réchauffement climatique, elle chante…à tue tête !

Trêve de plaisanterie!

Je ne suis pas venu à Nantes depuis le début des années ’90.

A l’époque j’étais « chef produit »  pour le chlorate de soude. Un produit qui servait aussi comme désherbant.

C’est ce  produit qui a été remplacé par le glyphosate, qui fait aujourd’hui l’objet de tant de polémiques.

Eh oui! Je me suis battu en vain pour convaincre toute l’Europe… et mes  chefs, de la nocivité du « Round-up » de Monsanto (le nom de marque de ce glyphosate de malheur !). J’ai même crée  un groupe de réflexion (un lobby, quoi?) à Bruxelles.

Peine perdue! « C’est un combat d’arrière garde! », criaient tous. « L’avenir…c’est le glyphosate! »

Ils m’ont muté ailleurs et mon successeur… a fermé l’usine. «  Quel emmerdeur ce Rozei! Il n’a pas compris le sens de l’histoire ! »

Mais, au début  des années ’90, je ne savais pas que mon produit était voué à une « mort annoncée ».

Je suis donc allé à Pontivy, au cœur de la Bretagne, pour « inspecter » le stockage de mon distributeur breton, qui couvrait par ses ventes tout l’ouest de la France.

Bien sûr que je ne connaissais rien au stockage des produits phytosanitaires.

Mais, je me suis promené avec un air entendu dans les hangars, j’ai donné « des indications précieuses » pour le stockage, nous avons longuement déjeuné  et… je suis rentré  à Paris!

Mais, auparavant, j’ai passé le week-end à Nantes, hébergé par des amis, les autres frais payés par ma boîte!

Ce n’était pas mon premier séjour en Bretagne.

J’ai fait un tour du pays en 1970. Même que la mort du Général De Gaulle m’a trouvé  à  Quimper et c’est dans l’énorme cathédrale de la ville que j’ai assisté à sa messe de requiem. Impressionnant! Dans le froid du mois de novembre, presque dans le noir, avec la ferveur traditionnelle des chants bretons… Il faut rappeler  le courage des bretons et que la ville de Nantes est « Compagnon de la Libération » depuis… 1941!

Quel souvenir inoubliable!

Heureusement, dans les années ’90, j’avais d’autres moyens qu’en ’70! Surtout que… c’était ma boîte qui payait!

Je n’ai donc pas hésité un instant et je suis allé  dîner à la « Cigale ».

C’est un endroit mythique!

Inauguré en 1895, ce restaurant est décoré du plus pur style « Art nouveau ».

Comme dit Wikipedia :

« Situé sur le côté sud de la place Graslin, face au théâtre du même nom, entre les rues Piron et Regnard, elle fut conçue par l’architecte-céramiste Émile Libaudière, ornée par le sculpteur Émile Gaucher et le peintre Georges Levreau, et témoigne de la démesure de l’époque Art nouveau. Elle fut inaugurée le 1er avril 1895. Mme Calado en est la première propriétaire.

Dès ses débuts, elle attire bourgeois nantais et artistes se produisant au théâtre Graslin. Les surréalistes, tels que Jacques Prévert ou André Breton, y ont eu leurs habitudes. Jacques Demy y a tourné des scènes de son film Lola en 1961. La brasserie a servi par la suite de décor à d’autres films : « Debout les crabes, la mer monte ! » de Jean-Jacques Grand-Jouan (en 1983) ou encore « Jacquot de Nantes » d’Agnès Varda (en 1991).

En 1964, elle est transformée en self-service au gré d’un changement de propriétaire, mais les lieux sont protégés contre toute dégradation par le classement aux Monuments historiques. Menacée d’être abandonnée durant les années 1970, elle retrouve sa destination de brasserie en 1982.

Elle est de nos jours emblématique de la culture nantaise et perpétue la tradition des grandes brasseries françaises du xixe siècle. »

En vérité, si je me trouve aujourd’hui dans cet endroit mythique, c’est un peu à cause du…réchauffement climatique ! Etrange, n’est pas ?

La semaine dernière, en promenade dans le Quartier latin, j’étais à la recherche d’un restaurant pour diner. La température extérieure était presque insupportable ! Près de 28°C vers 20 heures du soir !

Alors, ma seule idée était de trouver un restaurant… avec l’air conditionné.

Pas si simple ! Tous ces restaurants où, tout au long de l’année, il fait un froid de canard, avaient ouvert largement leurs portes, à la recherche du moindre souffle d’air. Très probablement, leur installation de conditionnement d’air n’avait pas été calculée… pour la canicule !  

Le seul restaurant du coin où la climatisation fonctionnait normalement, c’était « Vagenande » !

Ca tombe très bien ! Il s’agit d’un de mes endroits préfères du Quartier latin. Que je connais… depuis des décennies !

Si je suis venu d’innombrables fois dans ce lieu, c’est aussi à cause du décor.

La présentation du restaurant raconte, bien mieux que moi, l’histoire de l’endroit:

Située dans un immeuble construit en 1878, la Brasserie Vagenende n’a pas toujours porté ce nom. Dans la boutique, en rez-de-chaussée, reprise en 1904, les frères Edouard et Camille Chartier fondateurs d’une chaîne de “Bouillons” installent un de ces restaurants populaires qui font leur réputation et leur fortune d’alors. Ces derniers en soignent tout particulièrement le décor, lui donnant tout le charme et le luxe de la Belle Epoque: Des miroirs biseautés, qui se reflètent à l’infini, encadrés de boiseries travaillées dans un pur style “nouille”(encore cette aberration ! C’est du plus pur style « Art nouveau » ! – mon commentaire) fait de courbes et d’arabesques. 

Entrez pour y admirer la verrière qui recouvre une ancienne cour intérieure, la faïence aux motifs de fruits tressés, les 36 paysages peints sur pâte de verre crées et signés par Pivain, les cloisons basses ouvragées qui soutiennent des piliers portemanteaux en bronze. 

Après quelques années d’exploitation, ce Bouillon Chartier est repris par son grand concurrent Rougeot qui le cède à son tour, dans les années 20, à la famille Vagenende; celle ci, durant plus de cinquante ans, s’évertue à conserver et sauvegarder tout le cachet “début de siècle” de cet endroit populaire … qui faillit devenir un supermarché en 1966 !

Heureusement, suite à une campagne de presse, l’intervention d’André Malraux ministre de la culture de Charles de Gaulle fait échouer le projet de destruction en demandant son classement. 

Et depuis 1983 l’inscription du plafond, des murs et des sols, à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques, garantit la préservation de ce bijou de la Belle Epoque, sous l’œil avisé de ses propriétaires Monique et Marie Egurreguy. 

Moi, je connais cet endroit depuis… une bonne quarantaine d’années !

Mais, ce que le commentaire officiel ne dit pas, c’est que la couleur traditionnelle de l’endroit était rouge et or. Seulement, une décision intempestive de je ne sais quel décorateur, qui voulait faire « moderne », a changé, il y a quelques années, la couleur en… vert et gris, et remplacé la tente extérieure par une véranda en verre ! Mais le décor intérieur est resté inchangé. Puisqu’il est classé ! 

J’ai vécu à cet endroit bon nombre d’événements. Je me souviens du dernier repas en ville pris avec mon cousin, le musicien Costin Cazaban, avant qu’il nous quitte pour un monde meilleur. C’était après un concert de « L’Ensemble intercontemporain », qui avait interprété une de ses œuvres, dans une salle de concert voisine.

Puis, en 2014, je me trouvais chez « Vagenande », par hasard, le soir même où Lydie Salvaire avait reçu le prix Goncourt pour son roman « Pas pleurer ». Très gentiment, elle m’a accordé un autographe… sur le feuillet de présentation du restaurant !

Début juillet, j’ai choisi une table tout au fond de la salle, là où il faisait…le plus frais !

Bien m’en a pris ! Même si le gigot d’agneau (plat du jour !) était fini, j’ai eu la chance d’avoir comme voisins de table un couple fort sympathique, qui venait de Vannes, en Bretagne.

C’est ainsi que j’ai eu l’idée d’aller en Bretagne !

Et me voilà sur la route de Vannes. Première escale : Nantes.

Une fois revenu à la « Cigale », j’ai fait un tour dans la salle, pour admirer et me remémorer le décor en céramique multicolore. Mais, malgré tout, j’ai décidé de diner…dehors ! Cette fois-ci, il faisait plus frais dehors, que dedans.

Diner, en plein nuit de juillet, sur « la place Graslin, face au théâtre du même nom », est un moment privilégié ! L’éclairage de la place et du théâtre, les jeux d’eau qui dessinent un ballet aléatoire, la musique bien choisie (merci le Walkman !), forment un tout qui, complété par 6 huîtres, un foie gras poilé et une bouteille de Muscadet, ne peuvent être que la mise-en-scène d’un spectacle de rêve.

Mais, arrivé au dessert,  j’avais un  problème ! Comment expliquer à la serveuse que je souhaitais avoir mon dessert « à l’italienne » : une boule de glace à la vanille, qui flotte dans un café froid, le tout recouvert de beaucouuuup de crème Chantilly !

Quand je lui ai décrit mon rêve secret, la serveuse a répondu, tout de suite :

 Mais, vous souhaitez avoir un « affogatto al’caffé » ! 

On voit que ces bretons ont voyagé de par le monde !

 

                                                      Adrian Irvin ROZEI

                                                       Nantes, juillet 2018

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