La Bastide Vieille, le 31/03/2025
Dans un numéro de la revue « HISTORIA », daté du mois de décembre 1956, qui traînait dans le bac à livres abandonnés à la Médiathèque de Boulogne, je trouve, au chapitre « Les livres d’histoire », la critique d’un volume, récemment paru, sous la plume de Chr. Melchior-Bonnet, le directeur de la publication.
Il s’agit de « La vie quotidienne à Rome » par Jérôme Carcopino, réédité par le Club du meilleur livre.
Je connais fort bien ce livre qui date de 1939.
Même que j’en ai parlé dans un de mes textes, posté sous le titre :
« Roule, roule train du plaisir »… toute la nuit ! (I) | ADRIAN ROZEI en 2020.
Je racontais alors :
«Quand j’avais 17 ans, le prof de géographie de notre lycée de Bucarest a eu une idée lumineuse ! Il a demandé aux Chemins de fer roumains (C.F.R.) de lui prêter, pour deux semaines, une voiture-couchette avec une quarantaine de lits, en pleine saison d’été. Et il l’a obtenue !

Ma classe du lycée, après le bac, avec quelques uns de nos professeurs, parmi lesquels celui d’ “Histoire – Géographie” (photo de droite) et votre serviteur (photo de gauche)
Alors, il a démarré une négociation ardue, avec un autre département des C.F.R., pour que, pendant ce laps de temps, la voiture puisse être attachée à des trains circulant de nuit entre les principales villes du pays.
Il a donc concocté un trajet ayant comme points de chute les gares proches des principaux endroits d’intérêt touristique, historique ou géographique roumains. Et il a obtenu que la voiture-couchette puisse s’arrêter le matin dans ces gares et qu’elle reparte le soir vers une nouvelle destination.
Une fois tout ce programme finalisé, il a proposé à ses élèves de participer à ce « voyage d’études », en grande partie financé par l’école. Alors, il a sélectionné les heureux élus (moitié garçons, moitié filles) en fonction de leurs résultats scolaires, tout au long de l’année.
Moi, son élève préféré, son « chouchou » toujours au premier rang, écoutant ses leçons comme… parole d’Evangile et en préparant d’avance des « questions pertinentes », afin de lui permettre de nous faire des exposés historico-géographiques enflammées, j’ai été le premier sur la liste des élus.
Il faut dire que ses cours dépassaient de loin le niveau moyen des lycées bucarestois ! Par exemple, c’est grâce à lui que j’ai découvert les écrits de Jérôme Carcopino, un très grand historien français, aujourd’hui connu seulement par les « gens de métier ».
Son livre « La vie quotidienne à Rome à l’apogée de l’Empire » a été, tout au long de ce voyage, la référence absolue, à l’occasion de la visite des sites daco-romains des Carpates. A cette date, en 1963 ou 1964, Jérôme Carcopino était encore en vie, puisqu’il n’est décédé qu’en 1970, et membre des Académies française et roumaine. »
Le plus étonnant dans cette histoire n’est pas tellement que notre prof connaissait ce livre, mais qu’il ait osé en parler librement, pendant ses cours, sachant que :
-Carcopino a été « membre de l’Académie Roumaine », mais pas de « l’Académie de la République Populaire Roumaine » ! Parce que, ainsi que le disait un académicien (populaire), au sujet d’Emil Racovitză, un autre remarquable savant roumain de la première moitié du XXe siècle :
« -Tov. (Camarade) l’académicien Traian Săvulescu : « (…) Racoviţă n’est pas membre de notre Académie (Acad. R.P.R., ndlr), car il était membre de l’Académie précédente. Bien que j’aie été membre de l’Académie précédente, parce que je suis en vie, je suis aussi membre de l’Académie actuelle de la R.P.R. Nous avons le grand bonheur de vivre à l’époque actuelle. »
-Carcopino a détenu des fonctions importantes pendant le régime de Vichy et a pris des décisions et positions (très) ambiguës à cette époque :
« À la Libération, il est révoqué de ses fonctions pour sa participation au gouvernement de Vichy. Emprisonné à Fresnes en août 1944, dans la même cellule que Sacha Guitry, il obtient sa libération provisoire en février 1945.
Le 11 juillet 1947, la Haute cour de justice rend un arrêt de non-lieu pour services rendus à la Résistance, alors que son prédécesseur en tant que secrétaire d’État à l’Instruction publique, Jacques Chevalier, est condamné à vingt ans de travaux forcés, et que son successeur à cette même fonction, Abel Bonnard, est condamné à mort (par contumace). En 1951, il est réintégré dans la fonction publique.
Dans ses mémoires, il présente, selon Simon Epstein, une « apologie systématique et documentée à l’extrême du pétainisme en général et de son rôle personnel en particulier »
Tout ça, ne l’a pas empêché d’être élu, en 1955, comme membre de l’Académie française !
« Membre de l’Académie pontificale d’archéologie romaine, docteur honoris causa de l’université d’Oxford, membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, Jérôme Carcopino est élu à l’Académie française le 24 novembre 1955 au fauteuil d’André Chaumeix, également pétainiste, ce qui lui permet de faire aussi à l’occasion l’éloge de Pétain (« il en admirait le réalisme minutieux et la majestueuse rectitude, la foi intacte dans les destinées du pays, l’abnégation totale et délibérée »). Il y est reçu le 15 novembre 1956 par André François-Poncet qui prononce à cette occasion un mémorable discours. »
Toute cette histoire s’était déroulé moins d’une dizaine d’année avant notre voyage !
Et un mois seulement avant la publication de l’article « pêché » dans la revue « HISTORIA » de 1956 !
Etrange !
Adrian Irvin ROZEI
La Bastide Vieille, mars 2025
SERVICE APRES-VENTE
« Mais c’est pas tout,
Mais c’est pas tout.
Il nous faut aussi de la sagacité,
Mais c’est pas tout,
Mais c’est pas tout.
Car ce qu’on doit avoir, et surtout,
C’est d’la tactiqu’,
De la tactiqu’, dans la pratiqu’.
Comm’ la montre a son tic tac ! »
bourvil la tactique du gendarme youtube – Recherche
« La tactique du gendarme » : Bourvil
Et, oui ! C’est pas tout !
En continuant mes recherches, je tombe sur un autre no. de la revue « HISTORIA », datée de juin 1960.
Cette fois-ci, j’ai consulté la rubrique « L’Histoire de la Musique par les Disques » du même Chr. Melchior-Bonnet.
Une autre surprise m’attendait !
Le premier texte, en haut à gauche de la page, s’intitule :
« Beethoven : Concerto pour violon en Re majeur »
Ce concerto m’est doublement connu ! D’abord, il fait partie de ceux que mon père jouait régulièrement. Dans « sa version », expurgée des « fioritures », qui ne comprenait que les thèmes essentiels !
Ensuite, parce que j’ai eu la (grande !) chance d’entendre les musiciens qui ont enregistré ce disque… il y a plus de six décennies. Concerto, aussi bien joué par d’autres grands interprètes, comme Isaac Stern, le samedi 23 octobre 1965 (à 20h !), ainsi que je le retrouve dans le programme de salle, enrichi par l’autographe du maestro.
Pour le soliste du disque mentionné par « HISTORIA », David Oïstrakh, j’en ai parlé à plusieurs reprises : c’était, entre autres, à l’occasion du premier Festival Georges Enesco, à Bucarest, en 1958. C’est en bas de la photo qui le représente, en compagnie d’un autre géant du violon, Yehoudi Menuhin, et du chef d’orchestre roumain George Georgescu, sur la scène de l’Athénée Roumain, à l’occasion de ce concert, que j’ai obtenu son autographe trois ans plus tard. Et, toujours à l’occasion d’un Festival Georges Enesco.
Pour André Cluytens*, le chef qui dirige l’orchestre R.T.F. dans l’enregistrement du disque mentionné, la date du concert auquel je l’ai applaudi est encore plus facile à retrouver : il l’a marqué lui-même en dessous de l’autographe (le 17/09/ 1964) !
Mais, émerveillé par la qualité de la soirée, j’ai tenté de revenir le lendemain. Sans payer une autre place, qui de toute façon n’était pas disponible, mais en « trafiquant » l’invitation de la veille, en modifiant le « 7 » en « 8 » !
Malheureusement, la ficelle était trop grosse ! J’ai été (gentiment !) éconduit par le contrôleur à l’entrée de la salle.
Je n’ai pas renoncé, malgré tout, et j’ai continué à tourner autour de la « Salle des Congrès du Parti Communiste Roumain », là où avait lieu le concert.
A travers la vitre d’une salle de répétition j’ai entendu un jeune violoniste, en train de répéter un concerto que je ne connaissais pas.
Heureusement, un autre jeune, probablement élève du Conservatoire, trainait aussi par-là, à l’affût de « la bonne aubaine », tout comme moi.
« Tu ne connais pas ce morceau ? », me dit-il. « C’est le concerto pour violon de Bruch ! » C’est ainsi que j’ai découvert cette pièce maîtresse du répertoire romantique pour violon !
Vidéos Bing Max Bruch – Violin Concerto No.1 in G minor I. Perlman
« Le Concerto pour violon no 1 en sol mineur op. 26 est une œuvre composée par Max Bruch entre 1864 et 1866 avec diverses révisions dont la dernière date de 1868.
Il s’agit de la partition de loin la plus connue du compositeur (qui est pourtant l’un des plus prolifiques du XIXe siècle) et de l’un des grands concertos pour violon romantiques allemands, avec ceux de Ludwig van Beethoven (en ré majeur, op. 61, 1806), Felix Mendelssohn (en mi mineur, op. 64, 1844) et Johannes Brahms ( en ré majeur, op. 77, 1878). En particulier il a complètement éclipsé les deux autres concertos pour violon que Bruch écrivit postérieurement, ainsi que sa Fantaisie écossaise.
Le compositeur, n’étant pas violoniste, demanda des conseils à Joseph Joachim pour l’écriture de son concerto et lui en a dédicacé la partition. »
J’espère que, 61 ans plus tard, je suis pardonné pour cette « tentative d’effraction » …que j’avoue si tard !
C’était « pour la bonne cause » !
Comme ce texte tente de le prouver !
–
* André Cluytens, né le 26 mars 1905 à Anvers (Belgique) et mort le 3 juin 1967 (à 62 ans) à Neuilly-sur-Seine (France), est un chef d’orchestre français d’origine belge. Figure marquante de la vie musicale française des années 1950 et 1960, il est particulièrement connu pour ses interprétations de la musique symphonique française (Berlioz, Franck, Ravel), du répertoire russe (Borodine, Rimski-Korsakov, Moussorgski, Chostakovitch) et du répertoire germanique (Beethoven, Wagner).