Il ritorno a Roma… (II)

Rome, 10/10/2024

Eh, bien ! Vous avez, certainement, la (bonne) réponse !

Parce que, en ayant lu mes nombreux post, vous avez remarqué mon faible pour une « spécialité » que je chasse depuis de nombreuses années aux quatre coins du monde : « los murales ».

Je les désigne par le terme espagnol parce que cette « spécialité », devenue, ces dernières années, dans la culture occidentale une mode, existe dans le monde latino-américain depuis des décennies, sinon depuis un siècle !

Il suffit de se rappeler l’œuvre des muralistes mexicains !

El pais de todos los colores | ADRIAN ROZEI (adrian-rozei.net)

Mais, je dois reconnaître que ce sujet n’a même pas effleuré mon esprit à Rome, malgré les séjours répétés dans cette ville !

Grave erreur ! Je viens d’apprendre, grâce au livre mentionné précédemment que :

« Aujourd’hui, Rome n’est plus seulement connue pour l’art antique, mais aussi pour le Street-Art : selon la presse internationale, la Ville éternelle surpasserait même Berlin avec ses innombrables peintures murales, qu’on ne compte plus. »

Et, par la suite, Giuseppina Micheli, qui signe le texte sur la « Roma contemporanea », intitulé « Roma si colora di Arte : Le premier itinéraire à la découverte de la Street Art capitoline », se demande :

« Sommes-nous ouverts à cette forme d’expression ? Aujourd’hui, peut-être, oui car c’est devenu une mode. Organisations spécifiques, visites organisées et ciblées, décors photographiques, expositions ont fait connaître ce monde autrefois souterrain et invisible. »

C’est, certainement, parce que je ne pratique pas les « visites organisées et ciblées » que cette spécialité m’a échappé… à ce jour !

Maintenant, j’ai décidé de la découvrir. Mais, encore une fois « a mi manera » !

Frank Sinatra – My Way – A Mi Manera (Letra en Español) ♥ – YouTube

Il faut reconnaître que, dans ces conditions, la tâche n’est pas facile !

« Le Street Art est aussi né comme outil de réaménagement urbain, ne l’oublions jamais. (Affirmation dont je laisse la responsabilité à Giuseppina Micheli ! Il faut se rappeler les muralistes mexicains ou, plus près de nous, de Miss’Tic.)

Et là où l’abandon institutionnel avait atteint son paroxysme, ces façades aveugles des banlieues sont devenues des musées gratuits et accessibles à tous. »

Il s’agit donc de chercher ces œuvres d’art sur des « façades aveugles des banlieues » !  « Vaste tâche ! »  Et si difficile à accomplir en si peu de temps dont je dispose.

A Rome, la zone où se concentrent les « murales » se trouve dans les quartiers d’Ostie et de Garbatella. 

Je connais ces endroits depuis des décennies. A Ostie, je suis allé, à la plage, à l’occasion de mon premier voyage à Rome, en 1968.

J’ai découvert alors le port de « Ostia antica », avec la mosaïque des entrepôts dédiés aux marchands en provenance de Narbonne, à l’époque appelée « Gallia Nabonensis ». Depuis que j’habite près de la moitié de l’année à 10 Km de Narbonne, je cherche désespérément et sans grand succès à retrouver cette mosaïque !

Je passe régulièrement à travers le quartier de Garbatella en allant vers et depuis l’aéroport de Fiumicino, à la vitesse du « Leonardo express », le train « high speed » qui le dessert.

Cette fois-ci, j’ai décidé d’entreprendre mes recherches dans le quartier de Garbatella.

Pourquoi ? Parce que cet endroit abrite un « mural » dédié à un grand acteur italien, « Romain » -s’il en est ! –  à la mémoire duquel je suis très attaché !     

Mais, tout d’abord il faut se rappeler que, pour ce qui est de la pratique du Street Art :

 « L’artiste s’imprègne du tissu social et architectural, le vit, se l’approprie et le restitue au spectateur dans sa vision. Le Street Art n’est pas éternel, du moins celui créé avec les premières techniques : l’artiste est conscient que son œuvre sera en proie au temps, à la météorologie et à l’humain. Tout change, tout se mélange, tout évolue. Il est des œuvres qui ne sont visibles que grâce à des prises de vue photographiques fortuites… Mais la dégradation, le « je m’en foutisme », l’indifférence, quand les réflecteurs s’éteignent, reprennent le dessus. »

C’est pour ça qu’il est important de garder la mémoire des lieux et qu’en revenant après seulement quelques mois, on risque de ne pas retrouver des œuvres découvertes précédemment, ou d’en découvrir de nouvelles, non encore répertoriées par les fans du genre.

Ce fut aussi mon cas, en comparant la réalité du lieu avec les indications du livre.

Mais, « à tout seigneur tout honneur ! »

Commençons par le mural qui représente le symbole et le nom du quartier : Clementina Eusebi.

Il se trouve près de la Piazza Suli, a été exécuté par les artistes Solo & Diamond, et représente la supposée hôtesse « garbatta e bella » ( polie et belle), qui a donné le nom du quartier.

Il faut préciser que ce quartier, officiellement fondé le 18 février 1920, a fêté en 2020 ses 100 ans d’existence. Il est considéré comme une oasis de paix à l’âme populaire, avec ses lotissements qui ont accueilli de nombreuses familles déplacées du centre historique pendant le fascisme.

En vérité, il s’agit d’un projet des années ’20 du siècle dernier, initié par le roi d’Italie Vittorio Emanuele III, comme l’atteste l’inscription inaugurale.

« Sur la Piazza Benedetto Brin se trouve le portail d’entrée historique de la cité-jardin de Garbatella. En bas à droite, vous pouvez encore voir la plaque avec laquelle Vittorio Emanuele III a inauguré le premier noyau du nouveau quartier. »  

Le but recherché en construisant ce quartier était de loger les futurs travailleurs d’un projet conçu en vue de la construction d’un canal navigable censé relier le port d’Ostie à la ville de Rome. C’est ainsi que s’explique, dans les dénominations des rues de Garbatella, la présence des noms de marins et officiers de l’histoire maritime italienne.

Malheureusement, ce projet n’a jamais été finalisé. Mais, une unité de style remarquable caractérise l’architecture du quartier : « Construits sur le modèle anglais des Garden Cities, les célèbres lots de Garbatella se caractérisent par des espaces publics partagés par les différentes familles qui y vivent ; des espaces verts pouvant être cultivés en potagers, des cours avec lavoirs, séchoirs et magasins ou encore des jardins où les enfants peuvent jouer en toute tranquillité. »

Encore plus !

Garbatella des années 1920 a représenté un modèle de « cité ouvrière » de taille mondiale ! La preuve ? Les images qui présentent la visite dans le quartier de Mahatma Ghandi, le 12 décembre 1931, sur le chemin de retour vers son pays, après une conférence à laquelle il avait participé à Londres.

Mais, peu de temps après, les démolitions des zones limitrophes du Vatican, à la suite des accords de Latran, ont laissé bon nombre d’habitants romains sans logement. Ils ont été relogés à Garbatella, dans des immeubles plus proches des HLM que des « Garden Cities ».

Mais, revenons à notre chère « Garbatella » !

« L’origine du nom “Garbatella” a été clarifiée suite à la découverte d’un document de 1823 qui répertorie les membres de la famille Cascacera, propriétaires de l’osteria du même nom dans la Via degli Argonauti, également connue sous le nom d’ “osteria della garbatella”. Dans ce document apparaît le nom de Maddalena Garbata, mère de Clementina connue – précisément – comme “garbatella”. »

Son image, réalisé dans un style « Liberty » (Art Nouveau italien) est entourée d’un nombre impressionnant de fresques qui apparaissent et disparaissent …comme des champignons après la pluie !

Peut-être, parce que leur sujet est très politisé ! De gauche, bien entendu !

Il faut préciser que Garbatella se veut une « cité ouvrière ». Et l’on affiche sur les murs, surtout ceux du Marché, que « You are now entering FREE GARBATELLA. Dedicato ai ribelli di ieri e di oggi ».

C’était, certainement, vrai… il y a un siècle ! Mais, aujourd’hui, vu la proximité du centre de Rome, la spéculation immobilière, la « gentrification »… la ville est devenue plutôt de « style bobo » !

D’ailleurs, Georgia Melloni, l’actuelle présidente du Conseil des ministres italien, a vécu ses débuts de militantisme dans ce quartier.

« Au revoir Garbatella: la mélancolie de ce volet baissé où pour Meloni “tout a commencé”

 Au numéro 8 de la via Guendalina Borghese se trouve le quartier Garbatella du défunt MSI, un lieu mythique du récit personnel de Giorgia Meloni où “tout a commencé” quand elle avait 15 ans. Aujourd’hui, alors que les héritiers de la flamme s’empressent de s’installer dans les salles des ministères et des chefs d’entreprises d’État, il n’y a plus personne ici. Il ne reste qu’une trace de cette époque, faite de militantisme et de fière différence, dans la peinture écaillée. », affirmait, en septembre 2022, Fanpage.it.   

 

A suivre…

 Adrian Irvin ROZEI

Rome, octobre 2024

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