Fan de Fanourios (II)

Ti pathos – Protopsalti

 

Paros, dans les Cyclades

Parikia, le 13/06/2018


Même si j’y suis passé en bateau des dizaines de fois, voyageant entre Athènes et les Cyclades, je ne me suis jamais arrêté à Paros!

Pourquoi ? Difficile à dire!

Mais, comme mon dernier patron avait une maison dans cette île, je me suis intéressé, il y a une dizaine d’années, à son histoire.

J’ai découvert ainsi qu’un ancien prince de Valachie avait construit une fontaine, encore en service, dans l’île de Paros.

Voici une bonne raison pour passer quelques jours à Parikia, la capitale de l’île.
On m’avait dit, par ailleurs, que Paros serait la plus verte des Cyclades. Pour l’instant, ça ne me saute pas aux yeux !

Mais, je suis allé, dès mon arrivée, trouver ma fontaine. Je n’ai pas eu à chercher très loin!

Dans la rue principale du vieux  village, je suis tombé toute de suite sur une fontaine, puis une seconde, et ensuite une troisième, portant l’inscription « Nikolaos Mavrogenis » et la date de 1777.

Nicholas Mavrogenes (ou Mavrogenous, grec : Niκόλαος Μαυρογένης Nikolaos Mavrogenis (en grec: “Blackbeard”), roumain : Nicolae Mavrogheni  prononcé [nikolae mavroɡeni] ), mort en 1790, a été un prince grec de Valachie (règne 1786-1789). Né à Patmos, «  il a vécu parmi les marins, et a été choisi dragoman  de Hasan Pacha, le commandant de la flotte ottomane. Hasan, avec son ami, le Grand Vizir Koca Yusuf Pacha, deux figures importantes de la politique de l’ Empire Ottoman, convainquit le Sultan Abdul Hamid Ier de nommer Mavrogenes prince de Valachie le 6 avril 1786.  Il quitta la capitale ottomane avec une suite énorme et ostentatoire ».  

Mavrogheni a laissé un souvenir mitigé dans l’histoire roumaine. 

Dans un écu d’argent bordé d’une guirlande de laurier de sinople orlée et liée d’or, à l’aigle contournée éployée de sable au vol abaissé, tenant en son bec à dextre un petit rencontre d’aurochs d’or, l’aigle sommée d’une croisette alésée du dernier, accompagnée en chef à senestre d’un soleil d’or à seize rais, ladite aigle posée sur un tertre de sinople issant de la pointe. L’écu posé sur une épée d’argent haute et un sceptre d’or en sautoir et flanqué par deux bustes de hérauts adossés, têtes et bras de carnation, revêtus de tuniques de sinople sonnant des trompettes d’or, et soutenu par une tête de génie de carnation ailée d’or, tout posé parfois sur un lion ailé couché contourné du même. Lambrequins : d’or et d’argent. Le tout posé sur un manteau de pourpre fourré d’hermine, houppé et frangé d’or, sommé d’une couronne princière fermée. Ouf!

Certains mettent en avant ses talents d’administrateur et de bâtisseur (il a fait construire un aqueduc pour alimenter la ville de Bucarest en eau potable), d’autres parlent des mesures draconiennes prises pour moraliser la vie publique (interdiction de servir de l’alcool une heure après le coucher du soleil), enfin, il y a ceux qui fustigent ses originalités (il se promenait en calèche tirée par des cerfs aux cornes dorées à la feuille d’or!).

En tout cas, pendant les quatre années de son règne, il a obligé les églises à rester ouvertes toute la journée, il a accordé aux juifs des exemptions de taxes et une zone où sera bâti le quartier juif de Bucarest et a fait construire des écoles et la grande église appelée «  Biserica Mavrogheni – Izvorul Tămăduirii » (Source de la guérison), rattachée à la Basilique Panagia Ekatontapiliani (la Vierge Marie de 100 portes), dans son île natale.

Disposant de grands moyens et toujours attaché viscéralement au bien-être de ses concitoyens, il avait fait construire à Parikia les trois fontaines du centre ville. Auparavant, il n’y avait que quatre fontaines à l’extérieur de la ville, ce qui obligeait les habitants à faire de longs trajets  pour s’approvisionner en eau potable. Une des fontaines construite par le futur prince de Valachie, se trouve d’ailleurs, juste en face de la maison des Mavrogheni.

C’est, aussi, une maison fort intéressante par son architecture et sa décoration. Tout d’abord, la forme des balcons, rappelant ceux de Venise, est un témoignage palpable de la présence de la République des doges, qui a dominé la région… depuis le temps des croisades.

La couleur de la maison est aussi inhabituelle pour les îles Cyclades. Il semblerait que, au début des années ’60, alors que la reine Frederika et le premier ministre Caramanlis dirigeaient le pays d’une main de fer, l’ordre a été donné de peindre toute les maisons dans les îles exclusivement en bleu et blanc. À l’exception des maisons qui avaient déjà une couleur différente, historiquement.

C’est pour cette raison que la maison des Mavrogheni est…bicolore! 

Mais les Mavrogheni ne sont pas présents à Parikia seulement par le souvenir de Nicolas.

La place principale de la ville porte le nom de Mano Mavrogheni (1796 – 1840).
Il s’agit de la grande-nièce du prince de Valachie, héros de la Guerre d’indépendance grecque. « Une femme riche, elle a dépensé toute sa fortune pour la cause hellénique », finissant sa vie au bord de la clochardisation !

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Naoussa, le 14/06/2018

Naoussa est le St. Trop grec! 

Avec ses défauts et quelques-unes de ses qualités.

À quoi bon faire des milliers de kilomètres pour retrouver les boutiques de mode et les magasins de bijoux que j’ai à Paris où que j’ai vu à Rome et à New-York, ces dernières semaines?

On m’a prévenu qu’au mois d’août… c’est l’enfer. Les badauds  au coude-à-coude, les plages bondées, la musique tonitruante des discothèques… Merci, trop peu pour moi!

Mais, puisqu’on y est… allons voir!

Et puis, il y a quelque chose qui m’intrigue!

J’ai appris que Nikos Aliagas, le bien connu  journalisteacteurphotographeécrivain,  chanteur et animateur de télévision franco-grec, passe ses vacances d’été, année après année, dans l’île de Paros, apparemment à Naoussa. Où il est allé, en 2012, chez Stéphane Bern, qui a, là-bas, une maison. Tout un chacun a pu le voir dans les revues « pipole » de l’époque ou d’aujourd’hui!

Dans “Nous deux” du 10/07/2018

Nikos est un homme de goût et d’une élégance peu commune dans le monde des médias de nos jours.

J’ai eu l’occasion de le rencontrer, d’une manière peu banale. Voici comment :

L’année dernière, à l’occasion de mon dernier passage en Grèce, j’ai acheté un CD d’Antonis Remos.

J’avais découvert ce chanteur,  en 2016, grâce à son interprétation du succès mondial de « Il Volo », la chanson qui a gagné le concours de San Remo en 2015, « Grande amore ». En grec: « Ola pernoun ».

Arrivé à Paris, j’ai eu une idée saugrenue : « Si je faisais dédicacer ce disque… par Nikos Aliagas? »

Ce n’était pas si farfelu que ça ! J’ai découvert par la suite que Nikos avait sorti en 2007 un CD, intitulé « Nikos Aliagas & Friends », parmi lesquels on trouve Antonis Remos.

Je suis allé au Studio TV où Nikos enregistre trois fois par semaine une émission humoristique, dont la vedette est Nicolas Canteloup, un imitateur vedette du paysage médiatique français.

Je me suis débrouillé pour être placé derrière Nikos (même si je n’ai plus 20 ans, comme les figurants choisis pour faire la claque!), et, dans un moment de pause, je lui ai tendu le CD d’Antonis Remos, sollicitant un autographe. Nikos m’a regardé et m’a demandé :

 « De quel pays venez-vous ? »

Pour voir sa réaction, j’ai répondu, de manière sibylline: « Je suis balkanique ! »
« Allons, donc! Vous êtes roumain! »

La fine oreille! Il a reconnu tout de suite l’accent!

Et il a ajouté, en regardant le CD:

 « C’est mon ami Adonis. Nous avons fait plusieurs programmes ensemble et gagné un prix à la TV grecque! »
« Alors, pourquoi ne l’invitez-vous pas pour chanter en France? » », ai-je demandé naivement.
« Mais, Adonis ne chante pas en français ! Tout au plus, en espagnol! »
« Parce que vous pensez que, quand un chanteur chante en anglais, il y a quelqu’un qui comprend quelque-chose, en France? »

Nikos a soulevé les épaules…

Dans la foulée, je lui ai offert mon dernier livre de souvenirs, rédigé en roumain et en anglais.

Nikos l’a regardé des deux côtés et m’a dit: « Je ne vous promets rien pour le roumain, mais je lirais le texte en anglais. »

Ceux qui suivent de près les potins des journaux, savent que la compagne de Nikos Aliagas est une psychologue grecque, de très haut niveau, qui vit à Londres.

Apercevant notre manège de loin, Canteloup a demandé mon livre à Nikos. Il l’a regardé de part et d’autre, comme un âne dans le calendrier des postes, et l’a rendu à son propriétaire, sans aucun commentaire. 

Par la suite, Nikos a écouté quelques mesures d’une chanson interprétée par une jeune fille, qui souhaite se lancer dans le métier, et lui a donné des conseils de bon sens, de manière totalement désintéressée.

Nikos est un vrai « gentleman »! 

*   *   *

Krios, le 15/06/2018


Je ne suis pas allé à Krios, de l’autre côté de la baie de Parikia.

J’aurais pu aller là-bas pour regarder les fouilles archéologiques ou pour chercher une plage tranquille.

Pas du tout! Moi, j’aurais voulu voir la maison de Giannis Parios, le fameux chanteur grec, originaire de l’île.

J’ai découvert l’existence de Giannis Parios, au milieu des années ’70, grâce à mon ami Aleco Paraskevas.

C’est lui qui m’a offert la cassette « Tora pia », le grand succès national du chanteur des Cyclades.

Celui-ci, avait eu une idée lumineuse ! Il a adapté en grec le succès d’Alain Barrière « Tu t’en vas », qui a marqué le début de la vague d’adaptation en grec des succès musicaux européens. Par la suite, Giannis à lancé, en 1982, un disque de musique des îles qui s’est vendu à plus d’un million quatre cent mille exemplaires.

J’ai acheté, tout au long des dernières 4 décennies, bon nombre de disques de Giannis Parios. Mais je continue à promener de par le monde celui des années ’70. Qui, entre temps, est passé de cassette à CD, voire i-pad. 

Je trouve cette musique la plus adaptée aux croisières, ballades en mer, traversées nautiques, que ce soit en Mer Egée, dans les Caraïbes ou sur les lacs des Hauts Cantons du Languedoc !

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Parikia, le 16/06/2018

J’ai remarqué souvent, dans les églises de la ville, la présence d’icônes représentant Aghios Fanourios.

Ce saint orthodoxe ne m’est pas inconnu.

Au milieu des années ’70, à ma première visite de travail en Egypte, j’ai fait la connaissance d’Alexandre Paraskevas, un grec né dans le pays, dont les ancêtres venaient de Rhodes.

Aleco, comme je l’ai appelé par la suite, était un monsieur qui parlait couramment le grec, l’anglais, le français et l’arabe. Le français, il l’avait appris chez les frères Maristes au Caire et son niveau était tel qu’il corrigeait les fautes de français dans les rapports des directeurs de ma société, qui avaient suivi des études dans les grandes écoles françaises ! Et pourtant, Aleco n’a mis les pieds, pour la première fois, en France qu’à l’âge de 60 ans, une fois qu’on a commencé à travailler ensemble.

Par ailleurs, sa rigueur de comptable, faisait que j’avais davantage confiance dans ses tableaux, rédigés à la main, en trois couleurs, qu’aux états d’ordinateur, crachés en dizaines de mètres, par une machine « bête et méchante ».

Nous avons travaillé ensemble surtout dans les années ’80, mais nous sommes restés amis jusqu’à la fin de sa vie, il y a 16 ans.

Le moment phare de notre collaboration était la préparation des appels d’offres des grandes compagnies égyptiennes qui importaient des matières plastiques.

La veille de ces « public tenders », pendant au moins trois semaines, Aleco commençait à analyser la conjoncture, la position de nos concurrents, les rapports de force entre les différents fournisseurs, l’état de leurs relations avec les décideurs égyptiens (très important!)… enfin, tout sorte de variables rationnelles et irrationnelles, qui devaient nous permettre de définir le meilleur prix, afin de gagner l’appel d’offre. Moi, …je le laissais faire, tout en suivant de loin les études (très) scientifiques d’Aleco!

Avec Kyra Calliopi, mon père et Aleco, en 1993

Et puis, une fois les conditions de notre offre définies, la veille du «  jour J », arrivait le moment clef!

Kyra Calliopi, l’épouse d’Aleco, était sollicitée pour fabriquer une «fanouropita»!

Il s’agissait d’une tarte, qui allait être offerte à Aghios Fanourios, le préposé aux causes difficiles. Bien sûr que je ne pouvais pas parler de cette coutume barbare à mes collègues français, si cartésiens!

Le fait est que, plus d’une fois, nous avons gagné des appels d’offres de plusieurs millions de dollars, à 1 ou 2 USD/tonne en dessous du prix de nos concurrents ! Grâce aux études « scientifiques » d’Aleco? Où à l’intervention d’Aghios Fanourios? Chi lo sa?

Mais moi, je suis persuadé que, dans ce métier, il faut mettre tous les atouts de son côté !

Une seule fois, Aghios Fanourios m’a déçu !

Dans les années ’90, j’avais présenté un projet de restauration d’un monument du Languedoc au concours ouvert par la Fondation ELF.

Étant en Grèce le jour de la décision, je me suis dit qu’il ne faut pas négliger les recettes qui ont fait leur preuve et je suis allé allumer un cierge devant l’icône d’Aghios Fanourios.

Bien sûr, je suis incapable de préparer la « fanouropita », dont Kyra Calliopi détenait le secret! Mais, je me suis dit qu’Aghios Fanourios comprendrait et que je pourrais profiter de circonstances atténuantes.

Pas de chance! Je n’ai pas gagné le concours !

Mais, six mois plus tard, sans rien faire, sans bouger un doigt, mon projet à été désigné vainqueur !

Je suis certain qu’Aghios Fanourios avait fait le nécessaire !

« Dolce vita » à Paros !

Aujourd’hui, j’ai un nouveau problème à soumettre au saint.

Le seul bateau qui part de Paros pour Athènes, à une heure convenable, est prévu à 19h15, pour une arrivée au Pirée à 23h15.

Et mon vol pour Barcelone est programmé à 1h35 du matin. C’est déjà juste, sachant que je dois récupérer ma valise en ville.

Si, par hasard, le bateau a du retard, comme l’autre jour à Hydra, toute cette belle construction tombe à l’eau!

Il n’y a qu’Aghios Fanourios qui sait résoudre de tels problèmes!

Je vais donc aller à l’église pour lui allumer un cierge!

En espérant qu’il ne le résoudra pas, comme la dernière fois, avec six mois de retard!

Adrian Irvin ROZEI
Paros, juin 2018

Service après vente


Aghios Fanourios a fait son travail!

Le bateau est arrivé à l’heure, la grève des taxis à Athènes avait pris fin la veille, il n’y a pas eu d’embouteillage dans la ville et je suis arrivé une heure et demi avant le départ de mon vol, à l’aéroport.

À Barcelone, je suis arrivé à la Gare de Sants à 5h00, pour prendre le train de Béziers à 8h25.

Mais là, j’ai appris que, à cause de la grève de la SNCF, je serai obligé d’attendre 8 heures de plus!

Aghios Fanourios peut faire son boulot, mais il ne faut pas lui demander des miracles!

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