La Bastide Vieille, 22/07/2024
« J’ai fini la soirée, selon une bonne tradition instaurée depuis quelques années, avec… un autre Valadier !
« Popolo », en 1909, en 1968 et en 2020 !
J’ai traversé d’abord la Piazza del Popolo, dessinée par Giuseppe Valadier, le fils du précédent, « architecte, urbaniste, archéologue italien, né le 4 avril 1762 à Rome et mort dans la même ville le 1er février 1839 ».
J’ai pris ensuite un capuccino à « L’Hôtel de Russie », toujours un projet de Giuseppe Valadier.
Je viens ici toujours tard dans la soirée. Le plus souvent, il n’y a plus beaucoup de monde dans le jardin. Mais, cette fois-ci… il n’y avait personne ! Mois de janvier oblige ! … »
Ce sont mes souvenirs de la Piazza del Popolo, en 2020, racontés dans le texte : Otro modelo, otro color ! (IV) | ADRIAN ROZEI (adrian-rozei.net)
Mais, les histoires du Comte de Monte-Cristo au même endroit sont bien plus dramatiques !
« … passons par la rue du Cours, nous enverrons la voiture nous attendre sur la piazza del Popolo, par la strada del Babuino ; d’ailleurs je ne suis pas fâché non plus de passer par la rue du Cours pour voir si des ordres que j’ai donnés ont été exécutés…
Franz sourit ; un instant après le comte rentra.
— Me voici, Messieurs, dit-il, et tout à vous, les ordres sont donnés ; la voiture va de son côté place del Popolo, et nous allons nous y rendre du nôtre, si vous voulez bien, par la rue du Cours. Prenez donc quelques-uns de ces cigares, monsieur de Morcerf.
Tous trois descendirent. Alors le cocher prit les derniers ordres de son maître, et suivit la via del Babuino, tandis que les piétons remontaient par la place d’Espagne et par la via Frattina, qui les conduisait tout droit entre le palais Fiano et le palais Rospoli.
… Franz, Albert et le comte continuèrent de descendre la rue du Cours. À mesure qu’ils approchaient de la place du Peuple, la foule devenait plus épaisse, et, au-dessus des têtes de cette foule, on voyait s’élever deux choses : l’obélisque surmonté d’une croix qui indique le centre de la place, et, en avant de l’obélisque, juste au point de correspondance visuelle des trois rues del Babuino, del Corso et di Ripetta, les deux poutres suprêmes de l’échafaud, entre lesquelles brillait le fer arrondi de la mandaïa.
À l’angle de la rue on trouva l’intendant du comte, qui attendait son maître.
La fenêtre, louée à ce prix exorbitant, sans doute, dont le comte n’avait point voulu faire part à ses invités, appartenait au second étage du grand palais, situé entre la rue del Babuino et le monte Pincio… »
On a compris aisément que nos compères n’allaient pas à la Piazza del Popolo pour prendre un capuccino (comme moi !), mais pour assister à une exécution capitale !
Inutile de continuer, la suite est trop sordide !
* * *
Je pourrais ajouter bon nombre de coins de Rome, décrits dans le roman « Le Comte de Monte-Cristo », que je fréquente régulièrement à chaque visite dans la Ville éternelle.
Mentionnons, pour mémoire, le Colissée, le Forum (Campo Vaccino, au milieu du XIXe siècle), la via Ripetta, la via del Babuino, la Place d’Espagne et, en particulier, la via Appia, avec ses magnifiques pins parasols, dont le souvenir apparait dans bon nombre de mes textes.
Par exemple :
La mia bella Fornarina al balcone non c’è più!!! (I) | ADRIAN ROZEI (adrian-rozei.net) pour mon restaurant préféré à la Piazza di Spagna ou
Il mio primo giorno a Roma… (III) | ADRIAN ROZEI (adrian-rozei.net) pour le « Colosseo » ou le Forum romain etc., etc.
Mais, il y a un nom ou, plutôt, le nom d’un endroit, dont je n’ai jamais parlé ! Et pourtant, j’y vais régulièrement depuis quelques décennies et j’y retourne avec un immense plaisir.
Il s’agit de la « Villa Torlonia », une ancienne villa de la famille Torlonia construite au début du XIXe siècle. Elle est localisée dans le quartier Nomentano de Rome et est devenue en 1978 un parc municipal qui abrite trois petits musées : le musée de la villa dans le Casino Nobile, le musée de la Casina delle Civette et le Casino dei Principi.
« La maison Torlonia est une famille noble romaine, qui a amassé une importante fortune entre le XVIIIe et le XIXe siècle en administrant les finances du Vatican. Il y a encore aujourd’hui plusieurs membres en activité en France et en Italie. »
Dans le livre d’Alexandre Dumas, le nom des banquiers Torlonia apparaît maintes et maintes fois.
Par exemple, dans la lettre envoyée par Albert de Morcerf, prisonnier des « banditti italiani », à son ami le baron Franz d’Epinay :
« … ayez l’obligeance de prendre dans mon portefeuille, que vous trouverez dans le tiroir carré du secrétaire, la lettre de crédit ; joignez-y la vôtre si elle n’est pas suffisante. Courez chez Torlonia, prenez-y à l’instant même quatre mille piastres… etc. »
Revenons à la Villa Torlonia !
« Localisés sur la via Nomentana, les terrains furent la propriété des Pamphilii qui en firent des terres agricoles au XVIIe siècle. Rachetées par la famille Colonna, les terres gardèrent leur vocation agricole jusqu’à leur acquisition en 1797 par la famille Torlonia. La villa Torlonia fut construite à partir de 1806 pour le banquier Giovanni Torlonia qui en commanda l’exécution à l’architecte Giuseppe Valadier.
Celui-ci dessina une imposante villa dans le style néoclassique entourée d’un jardin anglais. Elle a été achevée par son fils Alessandro Torlonia qui aménagea notamment les jardins dans la partie sud, construisit dans la zone de la Capanna Svizzera la Casina delle Civette (1840) sur les plans de Giuseppe Jappelli et fit édifier deux obélisques (un égyptien et un moderne) en l’honneur de ses parents en 1842.
À partir de 1920, elle fut louée pour une lire symbolique à la famille Torlonia par Benito Mussolini qui en fit sa résidence d’état jusqu’en 1943.
Après la guerre, la villa fut laissée à l’abandon jusqu’au projet de restructuration entamé en 1978. La villa fut acquise par la municipalité de Rome qui la transforma en parc public et ses bâtiments en musées. »
Les trois musées mentionnés précédemment sont remarquables.
Mais, moi j’ai, encore une fois, mes préférences !
D’abord :
– La Casina delle Civette (construite en 1840, reconstruite en 1908-1916 en style Liberty par Enrico Gennari, restaurée entièrement de 1992 à 1997 à la suite d’un incendie en 1991), qui héberge un musée du vitrail, puis…
– le parc qui entoure les villas… pour les magnifiques pins parasol, qui n’ont d’égal que ceux de la via Appia !
« La Casina delle Civette, demeure du prince Giovanni Torlonia jr. jusqu’à sa mort en 1938, est le résultat d’une série de transformations et d’additions apportées à la Capanna Svizzera (construite au XIXe siècle) qui, placée à la lisière du parc et cachée derrière une colline artificielle, constituait à l’origine un lieu d’évasion par rapport au caractère officiel de la résidence principale.
Le chalet, conçu en 1840 par Giuseppe Jappelli à la demande du prince Alessandro Torlonia, avait l’aspect d’un bâtiment rustique avec des parements extérieurs en tuf à bossage et l’intérieur peint à la détrempe pour recréer des rochers imités et d’illusoires planches de bois.
Les deux bâtiments – le pavillon principal et la dépendance, reliés par une petite galerie en bois et par un passage souterrain – dont est formé à l’heure actuelle le complexe architectural, n’ont pratiquement plus rien du romantique refuge à la saveur alpestre imaginé par Jappelli au XIX siècle, si ce n’est pour les structures de maçonnerie des deux corps de bâtiment principaux disposés en L, l’empreinte résolument rustique, l’emploi de différents matériaux de construction laissés à la vue et le toit à pans inclinés.
À partir de 1916, le bâtiment commença à être connu sous le nom de « Villino delle Civette » (le pavillon des chouettes) à cause de la présence d’un vitrail représentant deux chouettes stylisées parmi des sarments de lierre réalisé par Duilio Cambellotti en 1914, et en raison aussi de la présence répétée et presque obsessionnelle du thème de la chouette dans les décorations et dans le mobilier, thème voulu par le prince Giovanni, qui était un homme au caractère ombrageux et passionné de symboles ésotériques.
En 1917, l’architecte Vincenzo Fasolo rajouta les structures de la façade méridionale de la Casina, élaborant un étrange ensemble décoratif en style Liberty.
Les espaces intérieurs disposés sur deux niveaux sont tous extrêmement soignés au niveau des finitions ; décorations peintes, stucs, mosaïques, faïences polychromes, bois marquetés, fers forgés, tapisseries murales, sculptures en marbre témoignent de l’attention particulière du prince pour le confort.
Parmi les nombreuses décorations, la présence des vitraux est prédominante à tel point qu’ils constituent la carte de visite du bâtiment ; fabriqués par l’atelier de Duilio Cambellotti, Umberto Bottazzi, Vittorio Grassi et Paolo Paschetto, sur des dessins de Cesare Picchiarini, les vitraux sont tous installés entre 1908 et 1930 et ils constituent un « unicum » dans le panorama artistique international.
La destruction du bâtiment commença en 1944, avec l’occupation des troupes anglo-américaines qui dura plus de trois ans.
C’est en 1978 que la mairie de Rome rachète la Villa, c’est-à-dire les bâtiments et le parc, tous dans des conditions désastreuses.
L’incendie de 1991 a aggravé les conditions de dégradation de la Casina déjà fortement comprise par les vols et les actes de vandalisme. L’image actuelle de la Casina delle Civette est le résultat d’un long, patient et méticuleux travail de restauration réalisé de 1992 à 1997 qui a permis de restituer à la Ville, avec tout ce qui y était encore conservé et sur la base de nombreuses sources documentaires, un des bâtiments les plus singuliers et les plus intéressants du début du siècle dernier. »
Inutile de préciser que les expositions temporaires organisées dans les murs de La Casina delle Civette, comme dans le Casino Nobile, bénéficient d’un écrin unique au monde !
Et, comme, en grande partie, elles présentent le style « Liberty » (Art Nouveau italien) c’est une immense joie de les admirer à chaque passage dans la Ville éternelle.
Pour ce qui est du « parc qui entoure les villas… », il me permet de rêver au jour où mon pin parasol sera aussi grand, élancé et majestueux !
Mais, à ce moment-là, je ne serai plus de ce monde : un pin similaire a besoin d’une centaine d’années et de beaucoup, beaucoup de soins pour atteindre un tel « profil ».
Dans le parc de la Villa Torlonia, je prends une… acompte sur le futur !
* * *
A suivre…
Adrian Irvin ROZEI
La Bastide Vieille, août 2024
très interessant tout ce cheminement sur lrs pas de de Monte Cristo et qui fait découvrir des lieux cachés de Rome