De rerum natura ad hortos japonicos in Gallia…*

La Bastide Vieille, septembre 2023

Depuis très longtemps, j’ai entendu parler du jardin japonais de Maulévrier.

Son nom varie, en fonction des sources consultées, entre « parc oriental » et « jardin japonais ».

« Le parc oriental de Maulévrier est un jardin japonais situé à Maulévrier en Maine-et-Loire en France. Avec une surface de 29 hectares, il est le plus vaste jardin japonais d’Europe. »

Qui plus est, il s’agit aussi d’un parc historique :

« Un parc oriental y est créé entre 1899 et 1913, par l’architecte parisien Alexandre Marcel (1860-1928), concepteur du pavillon du Tour du Monde, du pavillon du Cambodge pour l’Exposition universelle de 1900 à Paris et de la Pagode rue de Babylone à Paris, qui venait tout juste d’épouser Madeleine la fille de Bergère. Ainsi, il habite souvent dans le château, dont il refait les décors et supervise l’aménagement paysager d’inspiration japonaise. Les éléments khmers du parc sont reproduits à partir de moules des pièces exposées lors de l’Exposition universelle de 1900. Il fait planter des végétaux chinois, thaïlandais, japonais et européens. Le jardin est entretenu par 20 à 40 jardiniers jusqu’en 1940. »

Mais, par la suite, son abandon par les propriétaires de l’endroit met en péril jusqu’à son existence.

Heureusement,

« La commune de Maulévrier rachète le parc en 1980, alors complètement abandonné, tandis que son inspiration orientale avait été oubliée, perdue sous une végétation sauvage. La réouverture au public a lieu le 15 juin 1985. Sa restauration commence en 1987, basée sur des photographies anciennes et des souvenirs. »

Enfin,

« Cette même année, des enseignants des universités horticoles de Tokyo et Niigata reconnaissent 12 des 29 hectares du site comme étant inspirés de jardins japonais de l’époque d’Edo. Bien que comportant des éléments hybrides thais et khmers provenant des expositions coloniales, ou qui évoque plus une bergerie xviiie où sont installées les pompes hydrauliques, le jardin reproduit par son plan la philosophie d’un jardin japonais de l’époque Edo, symbole de l’évolution de la vie humaine. »

Dans ces conditions et vu mon « faible » pour les jardins japonais, je rêvais depuis longtemps de connaître celui de Maulévrier. Sauf que, si vous n’êtes pas « motorisé », l’accès à cet endroit n’est pas si simple !

En étudiant les horaires d’ouverture et les moyens d’accès, j’ai découvert qu’il y a une possibilité pour que je puisse y accéder ! A la condition d’y aller un samedi, ce qui suppose un départ le vendredi, de passer la nuit à Angers et de changer trois fois de moyen de transport (TGV et bus locaux) !

Même ceci ne me faisait pas peur ! J’ai donc fait les réservations nécessaires. Mais, quand, peu de temps avant le départ prévu, j’ai découvert que la veille de ma visite il allait pleuvoir pendant toute une journée… j’ai jeté l’éponge ! Pour éviter d’avoir à « éponger » plus que de raison !

Malgré tout ça, je ne pouvais pas rester sur une défaite !

D’autant plus que maintenant c’est la bonne saison pour visiter ce genre de jardin.

« Les jardins japonais, on les adore au printemps mais à l’automne, c’est un spectacle flamboyant qui s’offre à nous. Avec les fameux érables rouges et les ginkgos aux teintes jaunes, toute une palette de couleurs nous accueillent. »

C’est le conseil d’un site spécialisé de la région de L’Île-de-France. Qui ajoute : 

« Découvrez notre sélection des plus beaux jardins japonais à admirer à l’automne autour de Paris. »

Voici un conseil qui tombe à point nommé ! Aussi bien que l’explication qui suit :

« Si vous êtes fan des jardins japonais, vous savez qu’il existe deux périodes dans l’année pour les admirer dans toute leurs splendeurs : au printemps quand les cerisiers (sakura), azalées, hortensias et autres camélias sont en fleurs et à l’automne quand les feuilles des arbres embrasent le décor. 

En effet, quand vient l’automneles érables explosent de couleurs rougeoyantes pour notre plus grand plaisir. Avec les pins taillés, les bambous qui restent verts et les gingkos qui virent au jaune, c’est une belle palette d’artiste qui s’ouvre à nous. 

Pour ceux qui ne savant pas, le jardin japonais est basé sur un principe simple, celui de l’expression de la nature, sacré pour les nippons. Le jardin japonais cherche à se rapprocher de l’équilibre et l’harmonie en offrant une version miniature de l’environnement naturel. Reproduire et sublimer, voilà la quête des jardins japonais où l’eau, la roche, les végétaux, le sable et les ornements sont habituellement de mise. » 

Mais, ce que ne précise pas le texte précité, c’est que, pour changer de couleur, la plupart des arbres mentionnés ont besoin de la fraîcheur nocturne, voir d’au moins quelques heures pendant lesquelles la température extérieure soit proche de 0°C.

Ce qui, par les temps qui courent, avec le réchauffement climatique, est plutôt rare à la fin du mois de septembre dans la région de l’Île-de-France !

Peu importe ! Je ne vais pas attendre le mois de novembre -les frimas de l’hiver- pour aller admirer la nature « colorée » de ces jardins. D’autant plus que ce qui m’intéresse, surtout, ce sont les « fabriques » de ces jardins -pagodes, lanternes, ponts, Torii…- qui me rappelleront mon petit jardin japonais du Languedoc.

« Pour une balade dépaysante et ressourçante afin de profiter des beaux parcs et jardins qui entourent Paris, on vous dévoile notre top des jardins japonais à visiter à l’automne. Profitez des jolis rayons de soleil avant l’hiver et filez à la découverte de ces fameux jardins finement étudiés. »

Suit une liste de jardins japonais à savoir :  les jardins de la Maison de Claude Monet à Giverny, le Parc de l’Amitié à Rueil, le Jardin japonais d’Ichikawa à Issy-les-Moulineaux, le jardin japonais du Château de Courances, les Jardins Japonais de Favières…

C’est plus qu’il ne faut ! D’autant plus qu’il se rajoute le jardin japonais du Musée Albert Kahn, à deux pas de ma maison, que je fréquente… en toute saison ! Il a été d’ailleurs le « guide » que j’ai suivi, dans la mesure de mes moyens, pendant tout le temps qu’a pris la conception et réalisation de mon propre jardin japonais de la Bastide Vieille.

Ce jardin a vu l’installation de ses premiers éléments en 2017 et je continue à rajouter de nouveaux « détails » année après année. Comme je l’ai raconté dans un texte intitulé :

Je suis Zen! (II) | ADRIAN ROZEI (adrian-rozei.net)

Dans la liste de ces jardins ou parcs proposés, mentionnés plus haut, j’ai choisi ceux que je ne connaissais pas et qui sont d’un accès facile depuis Boulogne-Billancourt.

J’ai commencé par le « PARC DE L’AMITIÉ, le superbe parc japonais de Rueil-Malmaison ».

Il s’agit d’un  jardin insolite d’1,5 hectare en plein cœur du centre-ville de Rueil. Il a la particularité d’être très, mais alors très, très discret !

Même s’il se trouve à quelques minutes de marche du parc de Bois-Préau et pas très loin du vaste parc du Château de Malmaison, il ne bénéficie d’aucune publicité, voire panneau d’indication routière. On dirait que ses voisins préfèrent garder pour eux cette pépite « internationale ».

« Dans ce parc de quartier se cache un étonnant jardin japonais et un jardin zen de 2500m2. Un décor étonnant et dépaysant qui vous dévoile un sublime pont rouge au-dessus un joli cours d’eau parementé de galets. Autour de ce pont japonais, rhododendrons, azalées et autres magnolias subliment le décor au printemps. En automne, le parc se pare des belles couleurs de ses érables colorés et nénuphars sur l’eau. »

Ce jardin insolite est, comme souvent, un « jardin de jardins ». On y trouve, en dehors du jardin japonais, une roseraie, un mini-jardin à la française, une pelouse à l’anglaise et même un jardin clos ouzbek ! On y rencontre une statue du grand médecin ouzbek Avicenne et, grosse surprise, une statue de Napoléon jeune, qui écrase avec sa botte… un globe terrestre !

Mais, tout aussi intéressantes sont les villas qui entourent le jardin et qui mériteraient une « promenade d’architecture XIXe siècle » avec leurs façades en briques rouges, souvent rehaussées de céramiques multicolores.  

*   *   *

Le deuxième jardin japonais sur ma liste était le « Jardin japonais d’Ichikawa », issu d’un partenariat entre la ville d’Issy-les-Moulineaux et la ville japonaise d’Ichikawa.

Selon le site consulté, les deux villes « ont ainsi travaillé de concert pour créer le premier véritable jardin japonais traditionnel public en France. » Sauf… un minuscule détail : le jardin japonais de Rueil date de 1988, alors que celui d’Issy-les-Moulineaux de 2013 – 2016.

Peu importe !

Selon les renseignements recueillis sur les panneaux installés à l’entrée de l’endroit, le jardin japonais d’Ichikawa présente différents styles de jardin japonais et recouvre plusieurs périodes de l’histoire japonaise : Momayama (1573-1603) et Edo (1600-1868).

Les jardins japonais traitent de la philosophie du temps. Celui d’Issy représente le passage de la montagne à la mer.

La pierre, symbole de l’éternité, interagit avec le végétal, symbole de la vie. Dans le jardin sec ou “Karesansui”, les pierres d’ornement “Keiseki” associés aux plantes, représentent la montagne et le sol. Les pierres rondes symbolisent de leur côté, l’île et le cap, alors que le gravier représente la mer. 

L’eau donne l’image de la fuite du temps et de la vie qui se renouvelle sans cesse. La cascade “Nagaré” coule jusqu’à un étang “ike” et la plage de galets “Suhama”. 

J’avoue que tous ces symboles et leurs dénominations japonaises dépassent mes connaissances liées aux jardins du Pays du Soleil levant !

Mais, j’ai compris que c’est un « jardin zen, propice à la méditation et au repos. »

Ceci grâce notamment à la tonnelle “Azumaya” qui, selon ses créateurs, symbolise la paix et la sérénité. Seulement, au moment de mon passage dans le jardin, le dimanche en fin d’après-midi, la présence de quelques jeunes enfants qui couraient dans tous les sens à l’ombre de la tonnelle, sous l’œil attendri de leurs grands-parents, ne facilitait pas « la méditation et le repos » !

Quelques minutes plus tard, après le départ des enfants, appelés « vite, vite, au bain et au lit ! » par leur mères, le silence est tombé sur le jardin.

Malheureusement, pas pour longtemps ! Un nuage de corbeaux s’est abattu sur le parc. Visiblement, ils se considéraient « chez eux ». Et ils m’ont fait comprendre, tout aussi vite, que j’étais de trop !

J’ai décidé de m’en aller !

Mais, malgré l’authenticité du jardin crée par les spécialistes venus du Japon, missionnés par la ville d’Ichikawa jumelée avec Issy-les-Moulineaux, j’ai regretté l’absence d’un pont et d’un Torii rouges.

On ne change pas facilement les « images d’Epinal », si bien ancrées dans l’inconscient collectif ! 

 *   *   *

48 heures plus tard, me voilà revenu à la Bastide Vieille, notre maison dans le Languedoc.

J’ai tout de suite couru au fond du jardin pour revoir mon jardin japonais, aussi bien que les mini-jardins « à thème » qui l’entourent.

Le pont rouge était bien à sa place. Tiens ! Il va falloir rafraichir sa peinture, qui a souffert des chaleurs et de la lumière de l’été. Et, je dois repeindre les boules, au sommet des colonnes, en noir, comme à Rueil.

A côté, le Torri demande aussi un léger nettoyage. La geisha semble bien contente du regard, qui se veut indiffèrent, du Bouddha son voisin. Le rond de fleurs en cailloux de marbre blanc resplendit sous la lumière du soleil d’automne. Autant que le Dipladenia rouge vif, les Lantanas et les Pétunias multicolores et… en fleur ! Surmontés par les Ipomées bleu, qui se sont, enfin, décidés à fleurir et qui deviennent, pour ma grande joie, de plus en plus « invasives » !

Pour le reste du jardin, tout est à sa place : le labyrinthe de buis, les pins, le palmier, les rosiers etc., etc.

C’est bien agréable de retrouver la nature, telle qu’on la connait et que l’on a cherché à façonner depuis vingt ans, après le regard dans les jardins d’ailleurs.  Même si son jardin n’a pas les mêmes dimensions !

Comme chantait Barbara :

« Mais il est bien doux quand même de rentrer chez soi
Après Noël, joyeux Noël
 ! »

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 Adrian Irvin ROZEI    
 La Bastide Vieille, septembre 2023    


*Ce titre est un clin d’œil et un pastiche d’après le fameux De rerum natura (De la nature des choses), le grand poème en langue latine du poète philosophe latin Lucrèce, qui vécut au ier siècle avant notre ère. 


SERVICE APRES VENTE

Il est plutôt rare de voir, sur les Torii installés en France, une inscription.

Sur le mien, ceux qui ont l’esprit attentif, peuvent remarquer une inscription en japonais : quelques signes noirs en caractères Kanji et Katakana.

Le tout signifie : « Sécantes roumaines ». C’est l’appellation de mon site !

Même s’il s’agit d’une traduction automatique, j’ai vérifié avec une demi-douzaine de personnes pratiquant l’écriture du Pays du Soleil levant et de différents niveaux d’éducation, l’exactitude et la compréhension de cette inscription. De manière étrange, ils ont tous compris le mot « roumaines », mais rarement la signification de « Sécantes ». Dans le meilleur des cas, ils m’ont confirmé qu’il s’agit d’une « notion de géométrie ».

Mais, tout aussi bien, en France, peu nombreux sont ceux familiarisés avec cette notion ! Alors que « la tangente » est connue et reconnue par tout un chacun.

Devrais-je attacher une « Note explicative » avec chacun de mes « post » ?

Voilà une décision à prendre… avant d’arriver (prochainement !) au 600eme texte sur le site !

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