Feuilles de journal
Paris, le 2/01/2017
On n’a pas tous les jours … 70 ans
Ça nous arrive une fois seulement,
Ce jour-là passe hélas trop vite !
C’est pourquoi faut qu’on en profite.
Je ne comptais pas fêter de manière spéciale mon anniversaire du 2 janvier 2017.
C’est vrai que c’était dans ma vie une date particulière : j’allais « changer de préfixe » en passant de 6 à 7 !
Et puis, j’ai reçu une invitation du « Petit Bofinger ».
Ce restaurant est un de mes endroits préférés dans Paris. Près de la place de la Bastille, il se trouve en face du grand « Bofinger », mais il a un style tout à fait différent.
Ici, pas de verrière polychrome, pas de faïences 1900, pas de ferronneries « Art nouveau » ! Au contraire, l’ambiance est plutôt « Art déco », même si une grande fresque représente le Paris de 1945 et les murs sont couverts de dessins de SEM, qui croquait des personnages chapeautés ou portant queue-de-pie au début du XXe siècle, quand ils allaient aux courses à Longchamp. Mais, dans un établissement plus petit, l’ambiance est aussi plus feutrée et le service davantage personnalisé.
J’ai reçu donc de la part du « Petit Bofinger » un message m’annonçant qu’à l’occasion de mon anniversaire, je bénéficiais d’une coupe de champagne gratuite.
« It’s an offer you can’t refuse ! »
Ensuite, mon épouse m’a annoncé que, afin de célébrer l’entrée dans ma septième décennie, elle m’invitait au « Moulin Rouge ». Et ça, c’est de nouveau une offre… « irefusable » ! Surtout que le « Moulin Rouge » est mon cabaret préféré à Paris.
Voila donc le programme de la soirée finalisée.
* * *
Nous avons commencé donc par le « Petit Bofinger ».
Ici, d’après les données inscrites sur ma carte « Espace Brasserie », la coupe de champagne offerte est arrivée tout de suite.
J’avais pris le soin de préciser, en faisant la réservation, l’emplacement de ma table préférée : juste en face de la grande affiche publicitaire vantant les mérites d’un vin-apéritif à la mode il y a un siècle : « FAP’ANIS ».
Cette affiche me rappelle aussi un restaurant français de New-York, tout près de Time Square, l’endroit où mon collègue d’école primaire, Daniel Benjamin, m’a invité à l’occasion de nos retrouvailles après 40 ans d’interruption de contacts.
Profitant de ma position privilégiée de « héros du jour », j’ai demandé une faveur supplémentaire. Comme j’ai horreur de manger, dans un bon restaurant, sur le bois nu de la table, j’ai exprimé mon souhait d’avoir une nappe. Ce que la jeune serveuse, fort aimable, a trouvé tout de suite sous la forme d’une élégante nappe en satin damassé.
Le diner que nous avons choisi se composait d’une cassolette contenant un filet de rascasse sur lit de poireaux et un saumon en croûte de sésame, respectivement un steak tartare pour mon épouse. Suivi d’une crème caramel pour elle et d’une « Dame blanche » pour moi. Simple et efficace !
Le tout arrosé d’une carafe de vin de la maison.
* * *
Une course folle en taxi nous a fait ensuite parcourir les rues d’un Paris illuminé pour les fêtes de fin d’année.
La Place de la Bastille, le Cirque d’Hiver, la République, les Grands Boulevards, les Portes St. Martin et St. Denis, l’Opéra, la Trinité et enfin Place Pigalle. Quel parcours de rêve ! Sans embouteillages, presque sans feux rouges, sous les guirlandes multicolores d’un Paris vêtu de lumières.
J’ai eu la grande chance d’assister dans ma vie, d’innombrables fois, aux spectacles des grands music-halls du monde. Depuis le Casino du Liban à Beyrouth au « Cesar’s Palace » à Las Vegas et depuis « Michelangelo » à Buenos Aires au « Radio City Music-hall » à New-York ou au « Tropicana » à la Havane !
Mais à Paris, aujourd’hui, le « Moulin Rouge » reste mon préféré. Bien sûr, je regrette les spectacles d’un Jean-Marie Rivière au « Paradis Latin » ou de Zizi Jeanmaire au « Folies Bergères ». Mais, comme chante Patrick Bruel : « C’est du passé, n’en parlons plus ! »
Au « Moulin Rouge », j’ai aussi ma place préférée. C’est la table près de la Colonne Morris, au premier balcon, à droite. De cette table, un peu sur le côté, je peux admirer tout autant le défilé des danseuses sur scène, que le panorama de la salle, éclairée discrètement par les veilleuses à abat-jours roses, posées sur chaque table.
Là-bas, je me sens un peu comme Toulouse-Lautrec qui, assis dans son coin, croquait « La Goulue » ou « Valentin le Désossé » sur la piste du même cabaret il y a un siècle et demi. Sauf que moi, n’ayant pas le talent d’Henri, j’aimerais bien immortaliser quelques moments du spectacle, en prenant des photos souvenir. Absolument interdit !
Enfin ! On va s’arranger pour faire quelques (petites) entorses au règlement. Il n’y aura pas mort d’hommes. Je le promets !
Le spectacle, que je n’ai pas vu depuis 10 ans, m’a ravi tout autant.
D’abord parce que c’est la quintessence du « show à la française », avec son fameux « French Cancan » et les vignettes de la vie parisienne d’antan. Même si les danseuses aux seins nus viennent le plus souvent de Bratislava et du Colorado.
Etant près de la scène (la salle n’a pas 2600 places comme à New-York !), j’ai pu profiter de chaque détail des costumes, comme de l’anatomie des danseuses. Et je me suis réjouis que la mode des ballerines osseuses et chevalines, style « Blue-Bell Girls », soit passée.
Même le personnel, qui voit défiler des milliers de spectateurs toutes les semaines, m’a paru attentif et prévenant. Peut-être, aussi, parce qu’on avait précisé, au moment de la réservation, qu’il s’agissait d’un anniversaire. Ou parce que, en exigeant une table précise, ils ont compris qu’ils n’avaient pas à faire à un touriste de passage !
* * *
Mais, la grande surprise m’attendait au moment du départ.
Dans le couloir des toilettes, j’ai découvert par hasard une affiche de la taille d’un (petit) bonhomme qui présentait :
« Mlle Pétrescu, la Merveille du XIXe siècle », qui « tous les soirs à 9h, avant le bal, danse sur les mains ».
Quel dommage que je n’étais pas là pour son spectacle !
Elle aurait pu m’apprendre à danser sur les mains. Ou comment faire pour retomber sur mes deux pieds, sans rien me casser, à 70 ans !
Adrian Irvin ROZEI
Paris, janvier 2017
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PS: L’affiche FAP’ANIS mérite une petite explication complémentaire:
This very large, colourful 1920s French poster advertisement was for a Pastis aperitif called Fap Anis. The creation of Pastis was a response to the banning of its infamous, anis-falvoured cousin, absinth in France in 1915. The flapper enjoying a panoramic vista of the French Riviera has an equally intriguing tale.
The woman is Gaby Deslys originating from Marseille (short for “Gabrielle of the Lillies”), a dancer, singer, and actress who achieved fame on two continents. During the 1910s she was exceedingly popular worldwide performing in Paris,
London, New York, among others, and making $4,000 a week in the United States alone. During the 1910s she performed several times on Broadway. Her dancing was so popular that The Gaby Glide was named for her. Renowned for her beauty she was courted by several wealthy gentlemen including King Manuel II of Portugal, who was said to have given her a pearl necklace worth $70,000 (valued at more than 10 times that amount today). Gaby loved pearls and claimed before she died in 1920 that she owned a collection of them equal to her own weight.
Marseille the home of Pastis, and where Fap’Anis was produced, made her a natural fit for this local girl.
Quant a ceux qui s’inquiètent de l’état de mes finances en remarquant mon pull à rayures « Sonia Rykiel », je tiens à les rassurer. Il a été acheté aux « Marché aux voleurs » qui se tient deux fois par semaine, le mercredi et le samedi matin, à Boulogne-Billancourt, pour la modique somme de 10 Euro !
Bon anniversaire Adrian..
Bienvenue dans le cercle des septuagénaires.
J’apprécie toujours tes talents de narrateur et les clichés joints .
Très amicalement et tous mes vœux à partager avec ta famille pour cette nouvelle année qui a si bien commencé pour toi et ton épouse.
Maurice
Félicitations Adrien pour tes jeunes soixante dix ans…….un régal et vrai plaisir de partager avec ton épouse et toi, une belle soirée mettant en exergue le charme de Paris par opposition à ses soucis journaliers.
Sarfatti
Bon anniversaire Adrien.
Te voila dans le même club que moi.
C’est toujours un plaisir de te lire.
La multi ani cu sanatate pentru cei sapte zeci de ani, dar si pentru noul an.
Pentru tine si cei ce-ti sunt dragi.
Radu
Très distrayant ton compte rendu. Mais j’ai eu peur en commençant la lecture que tu aies épousé Mlle Petrescu
Vu qu’elle présentait son numéro en 1899, Mlle Petrescu doit être passablement défraîchie !
Bravo Adrian pour cette explosive célébration digne de l’ orange label……
Joyeux anniversaire au super journaliste et conteur que tu es
Bien amicalement
Pierre Teissier