A pied, à cheval, en voiture…

Feuilles de journal
Boulogne, 24/10/2019

 

…mais, pas en train !

J’avais prévu d’aller à Capestang, près de Béziers, le 24/10/2019.

Là-bas, dans notre résidence du Languedoc, on avait programmé des travaux, qui devaient commencer quelques jours plus tard. Il était donc normal de vouloir s’assurer que tout serait prêt en heure et en temps voulu.

Pour davantage de sécurité, mon épouse a décidé de partir la veille, le 23/10. Nous avons, donc, acheté les billets nécessaires bien à l’avance, pour profiter d’un prix intéressant.

Et puis, le 23/10/2019, mon épouse a voulu prendre le métro, vers 7h 00 du matin, afin d’arriver à temps pour le départ du train, prévu à 8h07. Mais, elle a découvert que le métro ne fonctionnait pas sur notre ligne, à cause d’un incident électrique.

Elle a couru donc pour attraper un taxi. 

Une fois installée dans le train, elle attendait tranquillement le départ.

Puis, vers 8h07, mais quelques minutes après le départ supposé du train, une voix métallique a annoncé que ce train n’irait pas au-delà de Montpellier. 

En grande vitesse, elle a quitté la rame, avant que tous les autres voyageurs comprennent de quoi il s’agissait. Bien lui a pris ! Elle fût la première à demander au « Service voyageurs » le changement du billet pour un autre train, à la même heure, le 24/10/2019.

En consultant Internet, j’ai découvert que l’annulation du voyage datait de 6h45. 

Alors, pourquoi ne pas avoir informé les passagers à l’avance ?

Puisque nous recevons systématiquement des messages sur nos portables, nous informant de retards de 10min, 15 min, 20 min…ou que « à cause de l’arrêt de travail d’une certaine catégorie de personnel  ( ! ) il n’y aura pas de service de restauration dans le train X » ? Et ça en double ou triple exemplaire ! 

Entretemps, on suivait avec une certaine angoisse l’état de la météo dans le Languedoc. D’autant plus que le cœur de « l’épisode méditerranéen » se situait tout près de Béziers, là ou se trouve notre maison. 

Mais, on se disait que l’on saura tout dès le lendemain, vers 13h00, en arrivant sur place. 

Ce n’est qu’à 22h18 que j’ai reçu un message de la SNCF, rédigé dans ces termes :

« ALERTE SNCF : votre train 6035 du 24/10 aura pour terminus Montpellier St-Roch en raison des conditions météorologiques. Report ou remboursement possible ». 

Je ne me suis pas inquiété outre mesure : je pensais que, dès la fin de « l’épisode… », la circulation des trains reprendrait normalement.

Et, comme le beau temps était annoncé pour le lendemain, je me suis dit qu’un retard de 24 ou 48 heures, dans notre cas, ne serait pas un drame.

C’est plus gênant pour ceux qui se trouvent loin de leur domicile, en mission de travail ou en vacances. 

Ce n’est que tard le soir, par les médias, que j’ai appris que la voie de chemin de fer est impraticable, entre Sète et Agde, et que tout trafic avec l’Espagne, depuis Montpellier est suspendu jusqu’au 4 novembre. 

Ceci est plus embêtant !

Nous avons des billets de retour…pour le 4/11/2019 !  

Une fois de plus, je ne me suis pas inquiété !

Il est courant de remplacer le train, en cas d’urgence, par le bus.

En Italie, « .italo », une des trois compagnies privées de chemin de fer du pays, annonce, même sur leur publicité, « con un unico biglietto parti in treno e prosegui comodamente in bus ». 

Pourquoi ne peut-on pas faire la même chose en France ?

Peut-être parce que, chez nous, il faut le temps de réunir la Syndicale des cheminots, de trouver un consensus, d’ouvrir un appel d’offres, de sélectionner un gagnant, de peindre les bus aux couleurs de la SNCF, de trouver des chauffeurs et des bus disponibles….

Et que, entretemps, la voie sera réparée! Inch Allah! 

Nous avons réservé donc des places pour le 5/11.

Mais, ce délai me semble fort long ! 

Alors, j’ai commencé à réfléchir à une solution alternative.

J’ai vu à la TV que les voies de chemin de fer ne sont pas totalement arrachées. 

Et je me suis rappelé de l’histoire de Phileas Fogg, dans le célèbre roman « Le tour du monde en 80 jours ».

Tout ça se passait dans le Far-West, vers la fin du XIXème siècle.

Mais, laissons Jules Verne raconter l’histoire, bien mieux que moi !

« Le train était arrêté devant un signal tourné au rouge qui fermait la voie. Le mécanicien et le conducteur, étant descendus, discutaient assez vivement avec un garde-voie, que le chef de gare de Medicine-Bow, la station prochaine, avait envoyé au-devant du train. Des voyageurs s’étaient approchés et prenaient part à la discussion, — entre autres le susdit colonel Proctor, avec son verbe haut et ses gestes impérieux.

Passepartout, ayant rejoint le groupe, entendit le garde-voie qui disait :

« Non ! il n’y a pas moyen de passer ! Le pont de Medicine-Bow est ébranlé et ne supporterait pas le poids du train. »

Ce pont, dont il était question, était un pont suspendu, jeté sur un rapide, à un mille de l’endroit où le convoi s’était arrêté. Au dire du garde-voie, il menaçait ruine, plusieurs des fils étaient rompus, et il était impossible d’en risquer le passage. Le garde-voie n’exagérait donc en aucune façon en affirmant qu’on ne pouvait passer. Et d’ailleurs, avec les habitudes d’insouciance des Américains, on peut dire que, quand ils se mettent à être prudents, il y aurait folie à ne pas l’être.

Passepartout, n’osant aller prévenir son maître, écoutait, les dents serrées, immobile comme une statue.

…Le colonel lança une bordée de jurons, s’en prenant à la compagnie, s’en prenant au conducteur, et Passepartout, furieux, n’était pas loin de faire chorus avec lui. Il y avait là un obstacle matériel contre lequel échoueraient, cette fois, toutes les bank-notes de son maître.

Au surplus, le désappointement était général parmi les voyageurs, qui, sans compter le retard, se voyaient obligés à faire une quinzaine de milles à travers la plaine couverte de neige. Aussi était-ce un brouhaha, des exclamations, des vociférations, qui auraient certainement attiré l’attention de Phileas Fogg, si ce gentleman n’eût été absorbé par son jeu.

Cependant Passepartout se trouvait dans la nécessité de le prévenir, et, la tête basse, il se dirigeait vers le wagon, quand le mécanicien du train, — un vrai Yankee, nommé Forster, — élevant la voix, dit :

« Messieurs, il y aurait peut-être moyen de passer.

— Sur le pont ? répondit un voyageur.

— Sur le pont.

— Avec notre train ? demanda le colonel.

— Avec notre train. »

Passepartout s’était arrêté, et dévorait les paroles du mécanicien.

« Mais le pont menace ruine ! reprit le conducteur.

— N’importe, répondit Forster. Je crois qu’en lançant le train avec son maximum de vitesse, on aurait quelques chances de passer.

— Diable ! » fit Passepartout.

Mais un certain nombre de voyageurs avaient été immédiatement séduits par la proposition. Elle plaisait particulièrement au colonel Proctor. Ce cerveau brûlé trouvait la chose très-faisable. Il rappela même que des ingénieurs avaient eu l’idée de passer des rivières « sans pont » avec des trains rigides lancés à toute vitesse, etc. Et, en fin de compte, tous les intéressés dans la question se rangèrent à l’avis du mécanicien.

« Nous avons cinquante chances pour passer, disait l’un.

— Soixante, disait l’autre.

— Quatre-vingts !… quatre-vingt-dix sur cent ! »

Passepartout était ahuri, quoiqu’il fût prêt à tout tenter pour opérer le passage du Medicine-creek, mais la tentative lui semblait un peu trop « américaine ».

« D’ailleurs, pensa-t-il, il y a une chose bien plus simple à faire, et ces gens-là n’y songent même pas !… Monsieur, dit-il à un des voyageurs, le moyen proposé par le mécanicien me paraît un peu hasardé, mais…

— Quatre-vingts chances ! répondit le voyageur, qui lui tourna le dos.

— Je sais bien, répondit Passepartout en s’adressant à un autre gentleman, mais une simple réflexion…

— Pas de réflexion, c’est inutile ! répondit l’Américain interpellé en haussant les épaules, puisque le mécanicien assure qu’on passera !

— Sans doute, reprit Passepartout, on passera, mais il serait peut-être plus prudent…

— Quoi ! prudent ! s’écria le colonel Proctor, que ce mot, entendu par hasard, fit bondir. À grande vitesse, on vous dit ! Comprenez-vous ? À grande vitesse !

— Je sais… je comprends…, répétait Passepartout, auquel personne ne laissait achever sa phrase, mais il serait, sinon plus prudent, puisque le mot vous choque, du moins plus naturel…

— Qui ? que ? quoi ? Qu’a-t-il donc celui-là avec son naturel ?… » s’écria-t-on de toutes parts.

Le pauvre garçon ne savait plus de qui se faire entendre.

« Est-ce que vous avez peur ? lui demanda le colonel Proctor.

— Moi, peur ! s’écria Passepartout. Eh bien, soit ! Je montrerai à ces gens-là qu’un Français peut être aussi Américain qu’eux ! (c’est moi qui souligne !)

— En voiture ! en voiture ! criait le conducteur.

— Oui ! en voiture, répétait Passepartout, en voiture ! Et tout de suite ! Mais on ne m’empêchera pas de penser qu’il eût été plus naturel de nous faire d’abord passer à pied sur ce pont, nous autres voyageurs, puis le train ensuite !… »

Mais personne n’entendit cette sage réflexion, et personne n’eût voulu en reconnaître la justesse.

Les voyageurs étaient réintégrés dans leur wagon. Passepartout reprit sa place, sans rien dire de ce qui s’était passé. Les joueurs étaient tout entiers à leur whist.

La locomotive siffla vigoureusement. Le mécanicien, renversant la vapeur, ramena son train en arrière pendant près d’un mille, — reculant comme un sauteur qui veut prendre son élan.

Puis, à un second coup de sifflet, la marche en avant recommença : elle s’accéléra ; bientôt la vitesse devint effroyable ; on n’entendait plus qu’un seul hennissement sortant de la locomotive ; les pistons battaient vingt coups à la seconde ; les essieux des roues fumaient dans les boîtes à graisse. On sentait, pour ainsi dire, que le train tout entier, marchant avec une rapidité de cent milles à l’heure, ne pesait plus sur les rails. La vitesse mangeait la pesanteur.

Et l’on passa ! Et ce fut comme un éclair. On ne vit rien du pont. Le convoi sauta, on peut le dire, d’une rive à l’autre, et le mécanicien ne parvint à arrêter sa machine emportée qu’à cinq milles au-delà de la station.

Mais à peine le train avait-il franchi la rivière, que le pont, définitivement ruiné, s’abîmait avec fracas dans le rapide de Medicine-Bow.

*   *   *

C’est vrai ! Je peux proposer cette solution à la SNCF.

Mais, de nouveau « le temps de réunir la Syndicale des cheminots, de trouver un consensus,… » ça peut demander « un long moment » ! 

J’ai donc réfléchi à une autre solution, toujours inspirée par…Jules Verne !

« Il n’était que trop vrai que les travaux du chemin de fer s’arrêtaient à ce point. Les journaux sont comme certaines montres qui ont la manie d’avancer, et ils avaient prématurément annoncé l’achèvement de la ligne. La plupart des voyageurs connaissaient cette interruption de la voie, et, en descendant du train, ils s’étaient emparés des véhicules de toutes sortes que possédait la bourgade, palkigharis à quatre roues, charrettes traînées par des zébus, sortes de bœufs à bosses, chars de voyage ressemblant à des pagodes ambulantes, palanquins, poneys, etc. Aussi Mr. Fogg et sir Francis Cromarty, après avoir cherché dans toute la bourgade, revinrent-ils sans avoir rien trouvé.

« J’irai à pied », dit Phileas Fogg.

Passepartout qui rejoignait alors son maître, fit une grimace significative, en considérant ses magnifiques mais insuffisantes babouches. Fort heureusement il avait été de son côté à la découverte, et en hésitant un peu :

« Monsieur, dit-il, je crois que j’ai trouvé un moyen de transport.

– Lequel ?

– Un éléphant ! Un éléphant qui appartient à un Indien logé à cent pas d’ici.

– Allons voir l’éléphant », répondit Mr. Fogg. »

Cinq minutes plus tard, Phileas Fogg, sir Francis Cromarty et Passepartout arrivaient près d’une hutte qui attenait à un enclos fermé de hautes palissades. Dans la hutte, il y avait un Indien, et dans l’enclos, un éléphant. Sur leur demande, l’Indien introduisit Mr. Fogg et ses deux compagnons dans l’enclos.

Là, ils se trouvèrent en présence d’un animal, à demi domestiqué, que son propriétaire élevait, non pour en faire une bête de somme, mais une bête de combat. Dans ce but, il avait commencé à modifier le caractère naturellement doux de l’animal, de façon à le conduire graduellement à ce paroxysme de rage appelé « mutsh » dans la langue indoue, et cela, en le nourrissant pendant trois mois de sucre et de beurre. Ce traitement peut paraître impropre à donner un tel résultat, mais il n’en est pas moins employé avec succès par les éleveurs. Très-heureusement pour Mr. Fogg, l’éléphant en question venait à peine d’être mis à ce régime, et le « mutsh » ne s’était point encore déclaré.

Kiouni — c’était le nom de la bête — pouvait, comme tous ses congénères, fournir pendant longtemps une marche rapide, et, à défaut d’autre monture, Phileas Fogg résolut de l’employer.

*   *   *

Sauf que, depuis que les spectacles de cirque ne peuvent plus montrer des animaux, les éléphants se font rares dans notre région !

Voila où j’en suis, au moment où j’écris ces notes de guerre. Car, pour l’instant, la « bataille du rail » ne semble pas gagnée !

 

Adrian Irvin ROZEI
Boulogne, octobre 2019

– 

SERICE APRES VENTE

Au 27/10/2019, on susurre « dans les milieux bien informés » que la réparation de la ligne pourrait prendre… jusqu’à 5 semaines ! Et que l’on a trouvé seulement 5 chauffeurs prêts à conduire des bus de remplacement. On attend la fin des vacances de la Toussaint pour en dénicher d’autres !

Pour mémoire :

Ça fait plus de 20 ans que l’on parle de la liaison ferroviaire à grande vitesse LGV entre Montpellier et Perpignan :

« La ligne nouvelle Montpellier-Perpignan est un projet non financé de liaison ferroviaire entre Montpellier et Perpignan, et représente le chaînon manquant d’un plus vaste projet consistant à relier le réseau espagnol à l’actuelle LGV Méditerranée : elle raccorderait en effet le contournement ferroviaire de Nîmes et de Montpellier à la ligne de Perpignan à Figueras, qui franchit la frontière entre l’Espagne et la France au niveau du Perthus pour aller à Barcelone. »

Nous avons rempli d’innombrables questionnaires, répondu à des enquêtes ou consultations  de la SNCF pendant tout ce laps de temps. Sans grand succès ! Peut-être que l’incident d’octobre 2019 aidera au règlement de ce problème. Dans une vingtaine d’années !

Feuilleton à suivre ! 

One thought on “A pied, à cheval, en voiture…

  1. Bonjour,
    Je viens de découvrir votre blog et vos écrits sur Capestang. Je suis Capestanaise d’origine et après 38 ans passés à Montpellier je suis revenue y vivre depuis aout dernier, bien que je continue à travailler à Montpellier. Depuis les intempéries récents et les dégâts sur la ligne SNCF, j’ai repris les trajets entre Montpellier et Capestang en voiture… J’ai bien aimé votre article ….

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