37, 2° C à l’ombre

Feuilles de journal

Capestang, 26/07/2015

Il fait chaud ! Il fait très chaud !

Il y a déjà trois jours depuis que la température extérieure ne descend pas en dessous de 24° C, même au bon milieu de la nuit. Et pendant la journée elle dépasse par moments les 37° C.

Bien sûr que dans ces conditions, si tu n’as pas installé l’air conditionné, tu te sens mou et tu as envie de ne rien faire. On traîne dans la maison, on boit toutes sortes de liquides froids, on va de temps en temps dans un supermarché, pas tellement pour faire des achats, mais plutôt pour se rafraîchir dans leur section de produits frais où la température est constante tout au long de l’année, en dessous de 20° C.

Mais, vers les 17h00, conforment à une tradition installée depuis mon enfance, je sors faire une promenade dans la ville !

Pourquoi justement à cette heure, dans ces conditions de canicule, quand même les murs des maisons dégagent des vagues de chaleur ? Parce que à cette heure et dans ces conditions spéciales, il n’y a personne dans la rue. On peut se promener même au milieu de la rue, parce qu’il passe une voiture une fois toutes les 10 ou 15 minutes, ce qui permet de se promener en regardant tranquillement les maisons, en cheminant lentement, les mains dans les poches, sans un but précis.

Ce sont les conditions idéales pour faire « une promenade d’architecture », un prétexte pour découvrir des endroits et des décors à côté desquels on passe, sans leur prêter aucune attention, si souvent.

Et à Capestang il y a plein de choses à voir à l’occasion d’une telle promenade !

Parce que la ville – ou peut-être le village ? – avec seulement 3200 habitants, a eu la grande chance de ne pas être traversée par une route importante, comme c’est le cas de tant d’autres localités voisines. En conséquence, le tissu urbain est resté non altéré, comme il y a un siècle.

Donc, les monuments n’ont pas été pollués visuellement par la circulation automobile contemporaine, qui a apportée la « modernisation » de l’architecture, et a fait se multiplier les publicités bigarrées qui agressent l’œil. Heureusement, la géographie de l’endroit a fait que la route nationale ne touche que de manière tangentielle la vieille cité, lui permettant de profiter des avantages d’une communication rapide avec les villes importantes du voisinage, Béziers et Narbonne, ou plus loin, Montpellier et Toulouse, mais sans souffrir des inconvénients mentionnés plus haut.

Capestang est une localité avec une unité architecturale étonnante.

Malgré les deux millénaires d’histoire, brillante surtout au Moyen Age, et qui ont laissé des monuments remarquables. Il suffit de mentionner la Collégiale construite à partir du XIIIe siècle, le Canal du Midi réalisé au XVIIe siècle, classé « Patrimoine de l’UNESCO », le Château des Archevêques de Narbonne, avec le plus beau plafond peint, au XVe siècle, de toute la Méditerranée occidentale, les quelques vestiges de la ville médiévale, pour comprendre qu’il y a plein de choses à voir.

Chronologie des bâtiments recensés dans le village de CAPESTANG : Moyen-Âge- rouge; XIXè siécle-parme; Edifices modernes-galben  >  >                 Sursa:Inventaire du patrimoine de la commune de Capestang (Hérault), 2003

Chronologie des bâtiments recensés dans le village de CAPESTANG : Moyen-Âge- rouge; XIXè siécle-parme; Edifices modernes-galben. Inventaire du patrimoine de la commune de Capestang (Hérault), 2003

Mais, d’une manière un peu étrange, la localité jouit, tout au moins dans sa zone centrale, d’une unité architecturale correspondant au XIXe siècle, qui apparaît évidente quand on regarde la carte représentant les époques de construction des différents édifices de la ville. Cela paraît normal si l’on sait qu’au début du XXe siècle, 41% des habitants de la ville étaient des propriétaires viticoles, 15% des domestiques à leur service et 14% des ouvriers saisonniers travaillant sur leurs domaines.

Cette structure sociale était le résultat du « boom » de l’industrie viticole dans la deuxième moitié du XIXe siècle, qui a vu le doublement de la population en cent ans, l’amenant à près de 4400 habitants. Elle s’est traduite d’ailleurs par un changement radical de l’architecture de la ville : près de 80% des édifices de la localité ont été construits entre 1800 et 1914.

Mais, comme cette période correspond au développement de l’industrie viticole, il est normal que la structure architecturale ne soit basée que sur les besoins de cette industrie, donc de présenter les mêmes formes. Bien sûr, avec les variantes correspondants aux niveaux de fortune des propriétaires respectifs.

Dans la ville de Capestang on ne peut pas rencontrer « des hôtels particuliers » ou des villas somptueuses comme à Béziers ou dans les propriétés viticoles de ses environs. Mais on peut admirer les maisons construites par des propriétaires moyens et petits, presque toutes conçues d’après le même modèle : une résidence familiale joliment décorée, à côté de « l’outil de travail », la cave et les attenances pour loger les ouvriers qui y travaillaient. Même ceux-ci se composaient de « chefs », les administrateurs du domaine appelés ici « ramonets », et de simples ouvriers agricoles. La structure, les dimensions, la décoration des habitations qu’ils occupaient, reflètent leur position sociale et le niveau de revenus dont ils disposaient.

Même les maisons des propriétaires viticoles suivaient un même modèle : une construction parallélépipédique, avec une entrée centrale, avec ou sans quelques marches d’accès, continué à l’intérieur par un couloir central, qui donnait, à droite et à gauche, dans des salons de réception, et, au bout de ce couloir, un escalier avec une main courante en bois en forme de spirale, qui menait à l’étage où l’on trouvait les chambres à coucher.

Sur ce modèle standard se greffaient des décorations plus ou moins élégantes, des portes en bois sculpté, des dallages en mosaïques colorés, des niches avec des statues en bronze, des cheminées en marbre de Caunes etc. Mais toutes ces habitations présentent un point commun : la façade était joliment décorée à plus ou moins de frais, mais les murs latéraux étaient complètement neutres, même aveugles, comme si tout l’argent avait été dépensé pour la façade et qu’il ne restait rien pour la décoration du reste de la maison !

Je dois préciser que, à mon grand étonnement, j’ai découvert en France que, même dans le cas des meubles de la famille impériale, un seul côté, par exemple d’un « lit – bateau », était décoré, ce qui oblige à l’installer contre le mur !

C’est justement pour retrouver ces façades d’époque que je suis parti flâner dans cet après-midi torride d’été, à Capestang.

J’avais lu dans une monographie de la ville, récemment publié, que

« la décoration des façades ne semble pas préoccuper particulièrement les commanditaires des maisons : la sobriété de la plupart des édifices en témoigne… Sobriété et simplicité sont la règle la plus répandue : les compositions néoclassiques restent très prisées durant tout le XIXe siècle. Les styles à la mode dans les grandes villes durant la seconde moitié du XIXe siècle n’ont pas cours à Capestang, contrairement à certains villages alentours… »

Je dois préciser de suite que je m’inscris en « faux » en ce qui concerne cette affirmation !

S’il est vrai que l’architecture et la décoration des façades de Capestang empruntent une facture classique, il existe une particularité qui les rend extrêmement intéressantes : la décoration sculpturale. Presque tous les bâtiments portent sur leurs façades, qui un mascaron, qui une sculpture décorative, qui un encadrement étudié … enfin, une collection de décorations en pierre incroyablement variée et attrayante.

Les sujets traités sont variés et nombreux : personnages historiques, héros mythologiques, des animaux communs ou fantastiques, des légumes et fruits de toutes sortes, des bouquets et des compositions florales variés, ou tout simplement des motifs décoratifs géométriques. Bien entendu, les raisins, la vigne, les pampres, les sarments, les souches, les tonneaux de vin … apparaissent régulièrement sur toutes les façades.

Ces décorations, placées dans les encadrements des portes, au dessus des fenêtres, quelquefois en forme de cariatides ou de poutres soutenant les balcons, reflètent la position sociale et économique des propriétaires de la maison. Quelquefois, elles sont sculptées comme de vraies gargouilles, mais elles développent toujours une fantaisie inattendue. D’autant plus que le restant de la décoration semble ignorer les modèles architecturaux de l’époque. La seule exception est formée par les balcons en fer forgé qui mettent en valeur ces façades, restant toutefois dans les limites d’un classicisme des plus sobres.

Toute promenade, même très courte, à Capestang est une occasion d’admirer des dizaines de telles sculptures. Dont personne ne parle ! Et qui sont d’autant plus intéressantes que je n’ai pas réussi à rencontrer l’équivalent dans les localités environnantes, de même taille. Bien entendu, à Béziers ou à Narbonne on peut trouver tout ce qu’il y avait de plus cher et de plus à la mode au monde entier en matière de décoration, au début du XXe siècle. Mais là-bas, les propriétaires viticoles avaient d’autres moyens !

J’ai essayé de regrouper une petite partie des décorations rencontrées sur les façades de Capestang dans les montages attachés. J’ai intercalé, pour éviter la monotonie, quelques images des façades dans leur ensemble ou des détails de ferronnerie rencontrés sur les balcons de ces maisons.

Mais, j’ai glissé aussi une devinette ! Parmi les mascarons photographiés à Capestang, se cache aussi un mascaron … de Narbonne. A celui qui le découvrira, j’offrirai une « promenade d’architecture » à Capestang, ainsi qu’une bouteille de vin de la Cave Coopérative du village.

J’attends les réponses !

Adrian Irvin ROZEI, Capestang, août 2015

Adrian et Sabine ont écrit :

Le jury à l’unanimité (deux personnes !) a décidé d’accorder le prix à Henri de Saint-Cloud.
Il est attendu à La Bastide Vieille pour le recevoir.

Harold et Claire de Grande Bretagne ont écrit :

In the middle of the ‘canicule’ we hope you are enjoying photographing the ‘mascarons’ of Capestang! But without more of an indication of WHICH mascaron is the one in Narbonne, it is quite impossible for us to know! We thought of going on Google Maps round all the streets of Capestang, but that would not be very honest! There must be something that tells its own story…
There is an English song, ‘Mad dogs and Englishmen go out in the midday sun…’ Perhaps we should say, ‘Mad dogs and Adrian go out in the midday sun!’…
But they are very nice photos and an interesting humorous story! Thank you.

Jacques de Nevers a écrit :

Comment faire pour découvrir le mascaron de Narbonne en séjournant à Nevers?
Nevers??? Haut lieu des demeures du onzième siècle et plus….

Henri de Saint Cloud a écrit :

Le mascaron de NARBONNE est………..la première photo HERCULES.?????
Bravo pour ce reportage. Heureusement que les étrangers venus de l’EST sont là pour réveiller nos neurones endormies en redécouvrant notre architecture nationale.
Bon courage pour la chaleur. Ici en Hte Savoie nous avons 37° le jour, mais les nuits sont fraîches.

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