Vieux ou jeunes, même combat !

Reggiani CD 001Il suffirait de presque rien,
Pourtant personne tu le sais bien,
Ne repasse par sa jeunesse.*

« Ah, si je pouvais avoir de nouveau vingt ans! Mais, avec ma tête d’aujourd’hui ! »

Plus de cent fois j’ai entendu ma mère dire ces mots. A l’époque j’avais dix ou quinze ans et cela me paraissait stupide; sa tête, on l’a une fois pour toutes, ça ne change pas avec l’âge! Ou, comme disait Brassens : « Le temps ne fait rien à l’affaire. Quand on est c…, on est c… ! »

Oui, mais quand on n’est pas c.., on change. Même que certains hommes politiques, de triste mémoire, disaient en 1940: « Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis ! »

Voilà que des gens ayant des sensibilités politiques aussi différentes,

-Brassens était plutôt anarchiste-, arrivent aux mêmes conclusions en ce qui concerne l’immobilité de l’esprit. Il faut croire que les extrêmes se rejoignent !

Enfin, pour revenir au commentaire songeur de ma mère, depuis que j’ai atteint l’âge qu’elle avait quand elle le disait, je commence à comprendre et même penser pareillement. Il faut croire que ce vieil adage qui dit que les petits pois, quand ils sont jeunes, s’imaginent que le monde est vert et quand ils sont vieux, que le monde est jaune, est vraiment une réalité.

Certes, les anciens disaient déjà : « Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait ! »

Même cela n’est plus valable de nos jours, car les vieux, tel qu’ils étaient considérés par les anciens, n’ont plus rien à voir avec les vieux de nos jours. Il est certain qu’à l’époque où l’espérance de vie était de 45 ou 50 ans, on devenait vieux à partir de 40 ans. Mais de nos jours, où les centenaires courent les rues, pour ne pas dire les discothèques ou les salles de gym, à 40 ans on n’est qu’un « blanc bec » qui, on peut l’imaginer, ne sait rien de la vie.

Et pourtant, à cet âge, alors qu’on a le plus souvent des responsabilités familiales, une épouse et un ou deux enfants, votre employeur, lui même quelques fois largement au-delà de l’âge légal de la retraite, vous fait comprendre que vous êtes déjà trop vieux pour votre job et qu’il pourrait trouver quelqu’un de plus jeune, à moitié prix.

Donc, on peut être, en même temps trop jeune et trop vieux !

Certains esprits cartésiens pourraient répliquer : « Bien sûr, trop jeune ou trop vieux pour telle ou telle fonction intellectuelle, physique ou…physiologique ! » Mais on peut leur rétorquer tout de suite que, bien souvent ces mêmes patrons, qui vous reprochent votre âge, se retrouvent dans des lieux à la mode, sur des plages ou dans des boîtes « in », en compagnie de « jeunes personnes », fort aimables, jusqu’aux petites heures de la nuit. Alors, comment expliquer que, tout en vous reprochant votre âge, ils n’abandonnent pas leurs fonctions et continuent à se donner l’impression de pouvoir suivre physiquement ces « jeunes personnes » ?

Et je n’ose pas penser aux hommes politiques, qui se sont installés au sommet du pouvoir il y a des dizaines d’années, et ne lâchent toujours pas prise. Même quand, vers les 80 ans, l’opinion publique les a désavoués, sous la forme du suffrage universel, ils continuent à faire semblant de ne rien entendre, puisqu’ils se considèrent indispensables.

Tout de suite, me vient à l’esprit la chanson brillamment interprété par Serge Reggiani, il y a quelques trente ans, quand il pouvait encore laisser entendre qu’il s’agirait de sa propre expérience :

“Il suffirait de presque rien,
Peut-être dix années de moins,
Pour que je te dise “Je t’aime”*

Mais si, quand on est Serge Reggiani, on peut dire « je t’aime ! » à une « jeune personne » même à 70 ans, voire un peu plus tard ! Parce qu’on peut imaginer que cette personne ne cherche pas les exploits physiques, mais… la sagesse !

Enfin, tout au moins ce qui la remplace ; l’esprit, le brio, le charme, voire… les relations qui peuvent vous propulser dans « le beau monde » ou tout simplement sur une scène.

En tout cas, il ne s’agirait que d’un échange standard, « simulacre de jeunesse », contre « simulacre de talent ». Et, si le talent existe pour de vrai, ce sera qu’un coup de pouce, vite oublié par la suite.

A ce point, je vois déjà le sourire narquois de quelques esprits chagrins qui diront : « Tu fais là une théorie « pro domo », afin de justifier quelques tentations ou entorses au droit chemin perpétrées au nom du charme de l’âge ! ». Je serai tenté de répondre « oui », si ce charme, ou la fortune qui le remplace, était à la portée de tout le monde.

Mais, même sans ces moyens, le « jeunisme » sévit autour de nous ! Il n’y a qu’a regarder nos chers cadres moyens, légèrement ventripotents, qui refusent de prendre l’ascenseur et montent les marches quarte à quatre, sous prétexte de nous montrer « comme ils sont jeunes et en forme » !

Faut-il donc attendre les ravages des ans pour comprendre qu’il y a une chose pour chaque moment de la vie ? Où faut-il savoir trouver le goût de la chose qui correspond à son âge ? A chacun sa réponse !

D’autant plus que, même si on le veut ou pas, on n’a aucune chance de retrouver ses vingt ans. Même avec sa tête d’antan!

Adrian Irvin ROZEI
En attendant une pizza,
Piazza dei Signori, Vérone, 9/05/2004 **

* « Il Suffirait De Presque Rien », Chanson de Jean-Max RIVIERE et Gérard BOURGEOIS

** L’actualité de ce se sujet se confirme, une fois de plus, même si l’article a été écrit il y a dix ans, car Isabelle Boulay fait « un tabac » avec son dernier disque où elle reprend les chansons de Serge Reggiani. Dont « Il suffirait de presque rien » !

Isabelle Boulay est tombée sous le charme de Serge Reggiani, même "post mortem"!

Isabelle Boulay est tombée sous le charme de Serge Reggiani, même “post mortem”!

Novembre 2014

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